Pourquoi McChrystal a-t-il provoqué son limogeage ?

Le patron des forces occidentales en Afghanistan, le général Stanley McChrystal, a remis sa démission à Barack Obama le 23 juin 2010 à la demande de la Maison Blanche, suite à un article publié dans le bi-hebdomadaire américain « Rolling Stone ».

A première vue, il s’agirait d’un dérapage de militaires au parler franc, qui se seraient laissés aller devant un journaliste, critiquant Obama et son entourage pour leur politique afghane. Version de fait peu crédible. Les officiers américains connaissent, de réputation, « Rolling Stone » pour ses prises de positions anti-guerre clamées en pleine intervention américaine au Vietnam.

Nous avons eu connaissance, par un contact, d’une phrase prononcée par l’un des officiers de son état-major après sa démission imposée, qui explique le comportement de McChrystal : « The boss got rid of the burden » (NDLR : « Le patron est débarrassé du fardeau »).

D’après nos informations, dès le début, prenant son commandement afghan le 15 juin 2009, McChrystal ne se sentait pas à l’aise avec la mission. Un premier temps, il crut pouvoir faire retomber sur le pouvoir politique la faute d’un échec qu’il craignait. C’est pourquoi, dans le rapport remis au Président, il déclara le contrôle de la situation impossible sans l’envoi de 40 000 troupes supplémentaires, convaincu que la Maison Blanche n’accéderait pas à sa demande. Mais Obama acquiesça et dépêcha sur place 30 000 hommes.

Dopé par ces renforts, McChrystal pensa un moment pouvoir pacifier le pays. Les retours du terrain et les rencontres avec ses soldats lui firent comprendre qu’il n’y parviendrait pas. Il disposait de moyens considérables et avait quelques recettes en matière de contre-insurrection, mais lui manquait de comprendre la psychologie des habitants de ce pays. Il était au pied du mur et se voyait dans le rôle du général perdant la guerre.

Limogé tout en affirmant qu’il allait gagner, comme on l’entend le proclamer dans ses déclarations, il lui sera facile, en cas d’échec, d’en attribuer la responsabilité au pouvoir civil. Il deviendra alors « le général qui aurait pu gagner la guerre ». Un quasi héros en somme!

Pourtant, forts de notre connaissance de l’Afghanistan et de notre pratique de plusieurs guérillas, nous sommes convaincus que nos forces peuvent ramener la sécurité et l’emporter militairement. Mais les Américains, pour des raisons de culture, sont incapables d’y parvenir seuls. Pour réussir, nous avons besoin de leurs moyens et ils ont besoins de la pratique des Européens.
Mais il leur faudrait faire preuve d’un peu d’humilité et, de notre côté, savoir retourner à nos anciennes méthodes coloniales, souvent bien plus humaines que ne veulent le faire croire les détracteurs de notre passé.

En Afghanistan, si Américains et Européens ne parviennent pas à mieux associer leurs compétences, nous courrons à la catastrophe. Or, cela nous concerne, car nous en paierons le prix sous forme de pression terroriste croissante jusque sur notre sol.

Il y a un peu plus d'un mois, nous écrivions:

Le 19 mai 2010 à l’aube, une vingtaine de Taliban attaquait la base aérienne de Bagram. Une des positions américaines les plus importantes en Afghanistan, Bagram se situe à quelques kilomètres au nord de Kaboul. Elle était déjà occupée par les Soviétiques pendant les années 80. Bagram apparaît comme un symbole en somme.
La veille, les insurgés avaient lancé une attaque, qualifiée d’«audacieuse », en plein Kaboul, contre un convoi des forces de l’OTAN.
Habituellement, en Afghanistan, les opérations cessent quasiment pendant l’hiver en raison des conditions climatiques. Cette année il n’en a rien été. L’intensité des attaques, croyaient les optimistes, ne pouvait donc pas beaucoup croître.
Ils voient leurs espoirs cruellement déçus. Parmi les Taliban, ceux qui ont passé l’hiver au Pakistan arrivent en nombre, profitant du printemps. Par ailleurs, les groupes d’islamistes radicaux pakistanais, comme le Lashkar-e-Taïba, envoient aussi des hommes et des armes.
A titre d’exemple, dans la province de Qunduz, au nord de l’Afghanistan, on compte désormais plusieurs centaines de Taliban et de djihadistes étrangers, pakistanais, mais aussi tchétchènes et arabes. Pourtant, il y a peu encore, les porte-paroles occidentaux assuraient cette région tranquille.
Dressé à la proue d’un navire qui prend eau de toutes parts, le général McChrystal, patron de la contre insurrection, semble étrangement inconscient.
Il prépare une nouvelle opération massive, inutile comme toutes celles de ce genre, dans le sud du pays. Pendant ce temps, les Taliban lancent l’offensive baptisée Al-Fatah, «la Conquête» en arabe. Un ensemble d’attaques coordonnées ciblant les positions névralgiques des forces occidentales.
A la lourdeur américaine, les Taliban répondent par la fluidité et la rapidité d’action renforcées par l’effet de surprise. En Afghanistan sont à l’épreuve une stratégie perdante, celle des Occidentaux, et une stratégie gagnante, celle des Taliban. Devinez qui va l’emporter ?

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

Lire aussi:
 
Retour Menu
Retour Page Accueil