LE DILEMME PAKISTANAIS

février 2012

Asif Ali Zardari
La situation devient intenable pour le Président pakistanais, Asif Ali Zardari. D’une part son pays subit la pression du terrorisme islamiste. On compte au moins 120 attentats en l’espace d’un an qui ont fait plus de 800 morts et des milliers de blessés. D’autre part, sa base politique se détériore.

Benazir Bhutto
Élu en 2008, à la suite de l’assassinat de sa femme, Benazir Bhutto, alors leader de l’opposition, il avait bénéficié d’un décret, signé par le chef de l’exécutif précédent, le général Pervez Musharraf. Ce décret ordonnait l’amnistie de plus de 8000 personnes poursuivies pour corruption, dont Zardari et son épouse. Mais, en 2009, la Cour suprême pakistanaise annulait le décret et exigeait du gouvernement d’appliquer sa décision. Or, protégeant le Président, celui-ci n’a rien fait.

À cela s’ajoute la crise dite du mémorandum. En mai dernier, l’ancien ambassadeur du Pakistan à Washington a remis un message secret aux autorités américaines. Le document demandait aux États-Unis d’intervenir au Pakistan pour protéger le gouvernement d’un coup d’État militaire. En échange, les autorités d’Islamabad auraient offert aux Américains de soutenir leur lutte contre les Taliban afghans, toute liberté d’action sur le territoire pakistanais et leur auraient confié la surveillance de l’arsenal nucléaire du pays. Des concessions intolérables aux yeux de la majorité des Pakistanais.

Or, et c’est là le problème, Zardari étant désigné comme l’inspirateur de ce mémorandum, l’armée encourage la Cour suprême à ouvrir une enquête qui, on le pressent, se terminera par une mise en accusation pour haute trahison.

Simple problème domestique ? Certainement pas ! Le Pakistan apparaît comme indispensable à l’intervention militaire occidentale en Afghanistan. Aujourd’hui, cette réalité se fait durement ressentir.

La crise a commencé les 25 et 26 novembre 2011. Répondant à des tirs contre leurs troupes, l’aviation américaine avait tué 24 soldats pakistanais à la frontière. Washington a confessé une erreur.

Carte du Pakistan
Mais le Pakistan ne l’entendait pas de cette oreille. Après la liquidation de Ben Laden le 11 mai, perçue comme une violation de la souveraineté pakistanaise, ce nouvel incident suscitait la colère populaire. Résultat, les autorités fermaient les voies de ravitaillement des forces occidentales menant du port de Karachi à la frontière afghane. Ces dernières en sont réduites à des acheminements aériens ou, plus compliqués, à travers le territoire de l’ancienne URSS.

A cela s’ajoute l’ambiguïté d’Islamabad. Si, d’un côté, le Pakistan combat les Taliban poseurs de bombes sur son territoire, de l’autre, il ne montre guère d’empressement contre ceux qui, trouvant refuge chez lui, font la guerre en Afghanistan. Pire, dans de nombreux cas, il les encourage et, même, les soutient.

Les Américains se retrouvent confrontés à un dilemme. Ou, comme ils le font, ils ferment les yeux sur la duplicité des Pakistanais, ou, les mettant face à leurs responsabilités, ils risquent de provoquer une extension de la guerre quand ils cherchent à rapatrier leurs troupes.

Pris entre l’institution militaire, l’hostilité des juges et son impopularité montante, Zardari risque de passer pour un pion pourri par les Américains et de perdre ainsi son dernier soutien.


Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

Retour Menu
Retour Page Accueil