LE TERRORISME

RESEAUX et MOTIVATIONS

Mars 2004

 

 Pour le seul mois de mars 2004, nous avons compté une cinquantaine d’attaques terroristes, réussies ou avortées, dans 16 pays dont la France. Nous ne pouvons plus considérer le terrorisme comme un phénomène accidentel mais comme une tactique qui sera de plus en plus utilisée par des groupes en rébellion contre l’ordre établi.

 

 QU’EST-CE QUE LE TERRORISME?

 

Pour comprendre le phénomène, il faut d’abord le définir pour en circonscrire les limites.

L’idée de "terreur," incluse dans le terme terrorisme, a souvent suscité une mauvaise compréhension du phénomène. Réduisant alors le "terrorisme" à la volonté de provoquer la peur d’un ennemi pour le faire céder, on en vient vite à classer toutes les guerres dans la catégorie terroriste.

Pour nous, le terrorisme est:

 èUne tactique du faible au fort.

èPar essence liée à un mouvement non étatique (Même si des États peuvent instrumentaliser des mouvements terroristes). Dans cet esprit, nous excluons les crimes de guerre commis par des armées, du champ terroriste.

èUn procédé militaire dont l’objectif est de toucher l’adversaire sur un point faible pour, par le chantage, obtenir de lui ce que l’on veut. Voilà pourquoi, dans les démocraties, les terroristes s’en prennent aux populations civiles, capables de peser sur le pouvoir (comme nous l’avons vu le 11 mars en Espagne). Voilà encore pourquoi, dans les pays du Tiers-Monde non démocratiques, ils attaquent les civils étrangers dont la présence est vitale pour le pays (Par exemple dans les années 90 contre les touristes en Égypte. Au Pakistan le 8 mai 2002 contre les techniciens français construisant un sous-marin à Karachi. En Arabie Saoudite, contre des expatriés, indispensables à l’économie du pays).


L’inacceptable, dans le terrorisme, ce sont ses cibles, les populations civiles.

Ayant pris nos distances de l’aspect émotionnel, ceci nous amène à condamner le terrorisme non en raison de ses motivations, mais de ses méthodes. Réduit au rang de tactique, il n’est plus qu’un moyen parmi d’autres. Comme dans la guerre conventionnelle, nous sommes sensés nous interdire l’utilisation de certaines armes (gaz de combat, produits bactériologiques), dans la guérilla, le terrorisme, tel que défini, doit être condamné, quelle que soit la légitimité des causes défendues.

Il faut cependant insister sur un point. Souvent, la résistance armée à un occupant est qualifiée de terroriste par ce dernier. Cas de la résistance française pendant la guerre. Nous répondons, un mouvement de guérilla, à notre sens, n’est terroriste, que s’il prend pour cible des civils. La Résistance française n’était pas terroriste. Par contre, le FLN, en Algérie, était terroriste quand il posait des bombes, il ne l’était pas quand il attaquait des militaires français armés. En Irak, il n’y a pas action terroriste quand la cible américaine est militaire.

Il existera des cas dans lesquels il sera difficile de trancher, mais globalement, voilà notre position.

 

QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DU TERRORISME

 

Réponse du faible au fort, le terrorisme est par principe clandestin pour éviter les coups. Quand il est lié à un État, il se fragilise car l’État, pour esquiver la punition venant de l’étranger, est amené à exercer des pressions sur les terroristes, voire à démanteler leurs organisations.

Réduit à la clandestinité la plus totale, sans l’appui logistique d’un État, le terrorisme est paradoxalement plus fort, parce que moins vulnérable. Voilà pourquoi Al Qaïda est aujourd’hui plus difficile à circonscrire: parce qu’elle n’est plus structurellement lié à l’État taliban.

En clandestinité totale, les organisations terroristes parasitent la société dans laquelle ils vivent se fondant en son sein. Cette réalité génère au moins deux conséquences.

èD’une part, les terroristes sont difficiles à détecter puisque, tel le caméléon, ils prennent l’apparence de l’environnement (ceci est particulièrement évident dans le cadre des opérations attribuées à Al Qaïda).

èD’autre part, ils n’ont pas besoin de transférer des armes et des moyens puisqu’ils utilisent les ressources de la société dans laquelle ils sont immergés. Pour cela, il détournent les objets et produits de leur usage et les transforment en armes (comme les auteurs du 11 septembre l’ont fait avec les avions.)

 

 LES PRINCIPAUX COURANTS TERRORISTES

 

Aujourd’hui, on peut ranger les courants terroristes en quatre tendances principales: les marxistes, les nationalistes (souvent à tendance séparatiste), les revendicateurs politiques et les religieux.

èLes organisations terroristes marxistes sont souvent couplées à des mouvements de guérilla. Elles sont à la fois résiduelles, l’idéologie communiste ayant fait faillite, et localisées dans des frontières nationales, voire régionales. Souvent aussi, elles fonctionnent sur une base mafieuse liée, par exemple à la drogue, comme en Amérique latine.

Il faut ranger dans cette catégorie les FARC, auteurs de l’enlèvement d’Ingrid Bettencourt, en Colombie, ou le PKP (communiste) aux Philippines.

èLes nationalistes combattent au nom d’une identité ethnique ou territoriale liée à une population contre un adversaire déclaré occupant. Certains ont eu recours au terrorisme, comme les Albanais du Kosovo, les Cachemiris contre les Indiens ou les Tigres Tamouls au Sri Lanka.

Parfois, les nationalistes terroristes sont partiellement ou totalement absorbés par un courant idéologique politique (cas de l’ETA, sous influence marxiste en Espagne) ou religieux (cas des Tchétchènes musulmans face aux Russes).

èLes "revendicateurs" politiques sont des opposants à l’ordre établi dans un pays où, à tort ou à raison, ils estiment impossible de faire valoir leurs idées autrement que par la violence. Des cas de ce genre existent aux États-Unis, comme on l’a vu à Oklahoma City le 19 avril 1995 (168 morts).

Toutes les démocraties sont exposées à de tels développements en raison de la distance de plus en plus grande entre le pouvoir et l’opinion publique. Des groupes marginalisés, estimant impossible de faire remonter leurs revendications par la voie politique normale, peuvent devenir des agents de ce type de terrorisme. L’affaire dite AZF, qui a éclaté en France dans le courant de mars 2004, pourrait relever de ce type d’action, même si l’opération est restée pour le moment symbolique. Voilà pourquoi, les responsables de la démocratie devraient, au lieu de marginaliser une partie de l’électorat, rendre le système le plus participatif possible.

èLes religieux obéissent en général à une interprétation intégriste de leur religion, dans laquelle ils trouvent une justification au recours aux armes.

Il existe des cas marginaux de cette instrumentalisation de la religion chrétienne. On connaît le Mouvement du Saint Esprit, sévissant en Ouganda.

Le judaïsme lui-même, dans une version politisée, a eu recours au terrorisme pour chasser les Britanniques de Palestine (par exemple le 17 septembre 1948,en assassinant le comte Folke Bernadotte). Il faut dire un mot du terrorisme d’inspiration hindouiste, sévissant en Inde, particulièrement actif contre les minorités chrétiennes et musulmanes.

La palme, en la matière,revient cependant aux extrémistes musulmans.

 

 LES RACINES RELIGIEUSES DU TERRORISME ISLAMIQUE.

 

Il existe à cela une raison pertinente: dans le Coran, pour les musulmans la parole de Dieu révélée à Mahomet, on compte une quarantaine de versets justifiant la guerre contre les "infidèles," fût-ce sous prétexte de défense. Quelques exemples:

è"Combattez pour la cause de Dieu ceux qui vous combattent..." (sourate II, verset 190)
è"Combattez jusqu’à l’élimination de toute subversion et jusqu’à ce que le culte soit (rendu seulement) à Dieu..." (sourate II verset 193)
è"Ne vous montrez pas pusillanimes et ne conviez point (l’ennemi) à la paix alors que vous avez la supériorité et que Dieu est avec vous..." (sourate XLVII, verset 35)
è"A l’expiration des mois sacrés, tuez les associateurs (païens et chrétiens) partout où vous les trouverez. Emparez-vous de leur personne, assiégez-les, dressez contre eux des embuscades. S’ils reviennent à Dieu par la prière et le versement de l’aumône légale, alors laissez-leur le champ libre..." (sourate IX, verset 5)
è"Lorsque vous affrontez les impies, tranchez leur le cou jusqu’à la reddition..." (sourate XLVII, verset 4)
è"Sont seulement croyants ceux qui croient en Dieu, à son envoyé, qui par la suite ne doutent point et luttent, corps et biens, pour la cause de Dieu. Voilà les véritables (croyants)!" (sourate XLIX, verset 15)

(D’après la traduction du cheikh Si Boubakeur Hamza, ancien recteur de la mosquée de Paris et père de Dalil Boubakeur, l'actuel recteur).

Oussama Ben Laden, s’il est toujours vivant, n’invente pas les versets guerriers du Coran.

 

 LES MOTIVATIONS DES TERRORISTES

 

Les chefs des réseaux terroristes peuvent chercher par la violence à satisfaire des ambitions politiques. Seuls, ils représentent un danger tolérable.

Les hommes qui les suivent répondent par contre à des pulsions liées à des frustrations d’ordre identitaire ou liées au sentiment d’injustice. Dans le cas du terrorisme islamique, la religion, après la faillite du marxisme, est le dernier exutoire des populations musulmanes. Elle sert souvent de prétexte inconscient et le Coran, avec son message de violence sacrée, répond alors à l’attente du rebelle.

Contrairement aux Américains, nous croyons la motivation économique peu importante. Pour preuve, les gens des premiers cercles d’Al Qaïda ont tous suivi des études supérieures, y compris parmi les "suicidés" du 11 septembre. Ils viennent souvent de familles aisées. Pour cette raison, contrairement aux Américains encore, nous ne croyons pas à la disparition du terrorisme islamique grâce au développement économique.

Il faut, pensons-nous, agir sur les raisons poussant des musulmans à rejoindre la mouvance terroriste.

 

 COMMENT, EN AVAL, COMBATTRE LE TERRORISME ISLAMIQUE.

 

Il faut d’abord s’attaquer aux causes religieuses, au Coran qui sert de justificateur. Il faut obtenir, pour rester dans l’esprit de l’islam, la "suspension" des versets inacceptables dans un monde ouvert. Pour y parvenir, il existe en islam "l’ijtihad," ou effort d’interprétation, et les précédents historiques allant dans ce sens.

Ce processus est difficile à imposer, mais possible. Il suppose d’obtenir un accord consensuel de tous les pays musulmans et des membres des castes religieuses. Nous le pouvons par une politique cohérente, de pressions amicales, diplomatiques et économiques. Nul besoin de défis publics. Ce processus a d’autant plus de chance de réussir qu’il se met en place dans la discrétion. Nous bénéficions de circonstances favorables, le camp occidental dominant désormais, face à une URSS effondrée, et les pays musulmans étant eux-mêmes désormais victimes du terrorisme (Arabie Saoudite, Ouzbékistan, Iran etc...)

On obtiendra rien, cependant, en pratiquant l’injustice en matière de gestion internationale. Ce que les musulmans appellent le "double standard." L’attaque de l’Irak sans l’accord des Nations-Unies et le comportement autoritaire des États-Unis en est un exemple. Le traitement du problème israélo-palestinien, toujours en faveur des Israéliens et au mépris des Palestiniens en est un autre.

 Encore ne serons-nous pas arrivés à éliminer le terrorisme, ou plutôt les terrorismes. Nous serons tout juste parvenus à en réduire l’importance. Il restera à le combattre, au jour le jour, avec les moyens policiers, les renseignements, voire l’armée.

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