LA GESTION DU RISQUE
TERRORISTE

janvier 2010

En l’espace de moins d’une semaine, deux attaques contre les États-Unis ont défrayé la chronique à la fin du mois de décembre. La première, à Detroit, s’est déroulée le 25 décembre sur un avion de la Northwest Airlines.

Un jeune Nigérian a tenté de faire exploser une bombe à l’approche de l’aéroport. Par chance, l’engin infernal n’a pas fonctionné normalement et l’auteur de l’attentat n’a obtenu que de se brûler grièvement. Le second a pris place à Khowst, à l’est de l’Afghanistan, dans une base d’où opère la CIA, le 30 décembre. Un agent jordanien en mission de pénétration d’Al-Qaïda s’est retourné contre ses officiers et a fait sauter la charge dissimulée sur son corps. Avec lui, il a entraîné dans la mort trois officiers de renseignement et deux contractuels de la société Blackwater, chargée de missions de sécurité en Afghanistan.

L’affaire de Detroit a mis le Président Barack Obama en fureur. Le jeune Nigérian, Umar Farouk Abdulmutallab, faut-il savoir, avait été signalé par son père comme représentant un danger. L’homme avait constaté le passage de son fils à l’islamisme radical et en avait informé la CIA le 19 novembre 2009. De leur côté, les autorités yéménites savaient le jeune homme présent dans leur pays depuis le mois d’août.

Compte tenu de l’existence de groupes liés à Al-Qaïda dans l’ancienne colonie britannique, on pouvait donc craindre son activation à des fins terroristes. En théorie, Abdulmutallab n’aurait jamais dû embarquer et la CIA, agissant selon les règles, avait pour devoir de l’interroger quand il a passé la frontière, arrivant de l’étranger, et avant qu’il n’embarquât pour Detroit.

L’attaque de Khost donne une idée de l’amateurisme de certains éléments travaillant pour les renseignements américains. Les services jordaniens avaient arrêté Humam Muhammad Al-Balawi, l’auteur de l’attaque, en mars 2008. Médecin, il s’était fait connaître pour son prosélytisme en faveur du djihad sur les sites Internet voués à cette idéologie.

Après quelques jours, les Jordaniens ont pensé l’avoir retourné et l’ont fait travailler à leur profit. Puis ils l’ont envoyé en Afghanistan, pour pénétrer Al-Qaïda, sous la conduite de son officier traitant, Sharif Ali Ben Zeid, un cousin du roi Hussein de Jordanie. Sûrs de leur fait le Jordanien et ses collègues américains, au mépris des règles de sécurité, ont laissé pénétrer Al-Balawi sur la base de Khost, sans faire procéder à sa fouille. Regroupant ses futures victimes autours de lui, Al-Balawi n’eut plus qu’à déclencher l’explosion. Son officier traitant était parmi eux.

Ces deux affaires mettent en évidence deux fautes trop couramment commises dans les services.

La première est le manque de réactivité dans la transmission des informations représentant une valeur immédiate pour la sécurité. Celles-ci sont trop souvent traitées de manières administratives et une enquête sérieuse n’est pas lancée. Pourtant le Nigérian présentait un profil à risque élevé, comme son père l’avait révélé.

La seconde trahit une trop grande confiance en eux des officiers aguerris. Résultat, souvent, ils tendent à négliger les mesures de prudence élémentaires parce qu’ils ne tiennent pas compte des capacités de manipulation des agents retournés ou supposés tels.


D’un autre côté, ces deux attaques révèlent une réalité la plupart du temps occultée : l’importance des musulmans eux-mêmes dans la lutte contre le terrorisme. Les services de certains pays, d’une part, comme ici la Jordanie, mais aussi l’Arabie Saoudite, le Maroc, la Tunisie, les Émirats et d’autres collaborent avec d’autant plus de détermination qu’ils sont eux-mêmes la cible des organisations islamistes radicales. La famille et les proches de ces derniers, d’autre part, sont des indicateurs potentiels. Le sentiment d’humanité qui peut les animer, la peur aussi d’être pris pour des complices sont des stimulants puissants pour les amener à dénoncer des hommes, voire des femmes, radicalisés. Encore faudrait-il travailler à les sensibiliser dans ce sens et... ne pas laisser de côté les informations sous prétexte qu’elles n’émanent pas d’Occidentaux.

Nous croyons cette conception de la collecte des renseignements bien plus efficace que la multiplication des contrôles dans les aéroports. L’excès de ces derniers s’avère même contre-productif.
Quelques exemples : le 27 décembre 2009, une nuée de voiture de police attendait un avion de Northwest Airlines. Un homme d’affaires nigérian s’était longuement enfermé dans les toilettes provoquant l’émoi de l’équipage. Il était simplement malade.

Début janvier, aux États-Unis, un couple de Libanais se voyait confisqué le biberon de son bébé à l’embarquement, parce qu’il aurait pu contenir « une matière explosive », leur a-t-on dit. Quant aux ressortissants de certains pays considérés à risque, ils subissent des fouilles tellement humiliantes qu’ils en viennent à nourrir du ressentiment contre ceux qui ont pour mission de les protéger.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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