UNE POLITIQUE RUSSE POUR L'EUROPE

novembre 2008

Le 8 octobre 2008, Chota Outiachvili, le ministre géorgien de l'Intérieur, déclarait les soldats russes " retirés de toutes les zones tampons " adjacentes à l'Abkhazie et à l'Ossétie du Sud. On voit là un succès en demie teinte pour la diplomatie menée par Nicolas Sarkozy, en tant que président en exercice de l'Union européenne. N'oublions pas, si les troupes de Moscou se replient derrière leurs positions d'avant l'attaque géorgienne du 7 août, ce dont on ne peut que se réjouir, elles n'en restent pas moins en territoire géorgien, dans les provinces irrédentistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. Pire, en Occident, on fait mine d'oublier que la Russie, le 26 août, a " reconnu " par décret l'indépendance de ces deux territoires.

On peut craindre une réédition des accords de Munich, quand en 1938, on donna les Sudètes à l'Allemagne nazie. Deux ans plus tard, la guerre éclatait. On peut aussi penser que la reconnaissance d'un état de fait, la présence de l'armée russe dans les deux provinces depuis 1989 associée à l'influence dont jouit Moscou sur la population, permet de calmer le jeu. Tout dépend des intentions des Européens et des Russes. Mais ils ne sont pas seuls.

Washington travaille à renforcer son influence à la périphérie de l'ancien empire soviétique : dans les Républiques musulmanes d'Asie centrale, dont l'Azerbaïdjan, en Ukraine, dans les Pays baltes et les pays européens récemment rattachés à l'Union européenne, comme la Pologne, la Roumanie ou la Bulgarie.

Moscou, pour sa part, cherche à reprendre le contrôle, fût-il politique, de ces territoires. Résultat, à pas feutrés dans certains pays, à coups de manoeuvres diplomatiques dans d'autres, quitte à faire parler les armes comme en Géorgie, la Russie fait à nouveau front, face aux États-Unis. Grâce à son poids de producteur d'hydrocarbures, sur la scène internationale, et à son économie en pleine reconstruction, elle se sent suffisamment forte pour défier, dans certaines limites, son alter ego de la guerre froide.

Si nous soutenons aveuglément la politique de Washington, nous augmentons les tensions et rendons difficile notre relation avec la Russie. Or, pour une part croissante, nous dépendons en Europe des approvisionnements de pétrole et de gaz venant de ce pays. D'un autre côté, nous rallier inconditionnellement à Moscou, comme certains le préconisent, nous livrerait à son traditionnel despotisme. En outre, et en dépit des nombreuses erreurs politiques et militaires commises aujourd'hui par les États-Unis, nous commettrions un geste immoral, rompant avec eux une alliance plusieurs fois consacrée par le sang versé, ensemble sur les champs de bataille.

Plus subtil, un jeu d'équilibre retient notre préférence. D'un côté, nous pouvons rester adossés aux États-Unis, dans l'OTAN ou en dehors. Pour notre part, nous préférerions en dehors. Mais refusons d'adhérer aux manoeuvres d'encerclement menées par Washington contre la Russie. Entretenons au contraire une politique de bon voisinage avec ce pays. Ayons un discours ferme en matière de respect des frontières, ce qui, par exemple, nous conduirait à exiger le repli des troupes russes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. Critiquons sans faiblesse la violation par leurs services de sécurité de principes humains de base. Mais sans haine ni a priori.

Pour soutenir cette position d'équilibre, nous disposons d'un argument de poids. Car, par exemple, nous dépendons de la Russie pour 25% de nos approvisionnements en pétrole*, la même Russie se retrouve à son tour dépendante de nous pour commercialiser son or noir et son gaz dont l'Europe est, et de loin, le plus important acheteur.

Si, comme il semble, Sarkozy a choisi cette politique, nous n'aurons pour l'essentiel de celle-ci rien à redire. Une fois n'est pas coutume.

 

* D'après " L'Usine Nouvelle " du 10 janvier 2007.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com
 
Lire aussi: Offensive de séduction russe en direction de la France
Retour Menu
Retour Page d'Accueil