LE MONDIALISME EN MARCHE

La Russie préserve ses intérêts

avril 2009

La politique étrangère russe est incompréhensible pour qui ne fait pas l’effort de comprendre qu’elle repose principalement sur trois axes stratégiques :

1/ la volonté de s’opposer au mondialisme qui réduirait sa souveraineté,
2/ le désir d’exercer un pouvoir direct ou indirect sur le plus grand territoire possible, surtout quand il s’agit de zones riches en matières premières,
3/ la résolution d’assurer la sécurité du domaine russe.

Il n’y a pas de sentiment dans tout cela, surtout pas plus de haine que d’affection pour l’Europe ou l’Occident. Nous ne
voyons là qu’une lecture bien comprise des intérêts de la Russie et regrettons seulement, qu’en France, nous ne sachions plus défendre les nôtres avec autant de détermination.

Première information, surprenante pour les connaisseurs superficiels de la politique : le 30 mars 2009, le Kremlin annonçait sa volonté d’étendre sa coopération avec les États-Unis de Barack Obama, pour combattre Al-Qaïda et les Taliban en Afghanistan.

Les Russes pourraient choisir la revanche, après la désastreuse retraite qui leur a été infligée par la résistance afghane soutenue par Washington. Ils préfèrent donner un coup de main aux Américains pour se débarrasser d’un danger sur le flanc sud-est de leur ancien empire.

Dimitri Rozogin, envoyé de la Russie auprès de l’OTAN, a résumé les choses en quelques mots : « L’Occident, a-t-il dit, devrait en faire plus pour cibler l’argent de la drogue qui finance les Taliban ». Le ministre des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, ajoutait : « Le trafic de la drogue, en Afghanistan, est devenu une menace pour la sécurité de la Russie et des pays d’Asie Centrale ».

Voilà pour la sécurité ! Mais alors pourquoi le Kirghizstan vient-il, sur l’injonction de Moscou, de donner trois mois de préavis aux Américains pour quitter la base aérienne qu’ils lui louaient afin d’opérer en Afghanistan ?

Pour faire céder les Kirghizes, les Russes leur ont versé une aide de 2 milliards de dollars. Certes, le Kremlin veut aider Washington en Afghanistan, mais il veut aussi rester, ou plutôt redevenir, le décideur pour tout ce qui se passe en Asie Centrale. Voilà comment, à Moscou, on associe les notions de sécurité et de contrôle des États périphériques.

Pour la volonté de suzeraineté des Russes sur les anciennes possessions soviétiques, deux cas récents, liés à l’exportation des hydrocarbures vers l’Occident, illustrent cette réalité.

Le 30 mars, Gazprom, le géant gazier russe, signait un accord avec l’Azerbaïdjan pour acheter du gaz, produit dans ce pays, et en assurer la distribution. Résultat, le gazoduc Nabucco, qui devait exporter ce même gaz via la Turquie, puis le centre de l’Europe, risque de se retrouver inutile. Les Européens, qui ont financé Nabucco, voient d’un mauvais oeil les Russes prenant petit à petit le contrôle de l’acheminement des hydrocarbures.

Moscou vient de tenter la même opération au Turkménistan. Avec moins de succès pour le moment. Les Turkmènes n’ont pas accepté les conditions russes et ils ont lancé un appel d’offre international pour un gazoduc est-ouest, contournant la Russie et acheminant le gaz vers l’Europe. Affaire à suivre.

Le 27 mars, un autre événement avait attiré notre attention. Un journal de stratégie proche du Kremlin avait publié un papier signé de Dimitri Medvedev. Ce dernier annonçait l’intention de son gouvernement de créer une nouvelle force militaire pour protéger les intérêts russes dans l’Arctique.

Cet océan, sait-on, se verra bientôt libéré de ses glaces pendant une longue partie de l’année, en raison du réchauffement climatique. Les richesses du sous-sol de cette zone vont ainsi devenir accessibles à l’exploitation. Or, d’après les experts, 25% des réserves de gaz et de pétrole de la terre devraient se trouver là.

Plusieurs pays, situés en bordure de l’Océan Arctique, se disputent, pour le moment légalement, le pactole qui sommeille sous les eaux : les États-Unis, le Canada, le Danemark, la Norvège et, bien sûr, la Russie. On comprend Moscou, prêt à faire valoir ce qu’il considère comme ses droits, y compris par la force, jusque dans cette région du globe.

Patrick Cousteau

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 
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