Départ des Russes de Syrie,
décryptage

avril 2016

Le 15 mars 2016, sans prévenir, Vladimir Poutine entamait le retrait de ses troupes de Syrie. Certains s’en sont réjouis et l’ont cru agissant sous la pression financière d’une économie touchée par la crise du pétrole. Qu’ils se détrompent, le maître du Kremlin a agit en stratège. Ce, qu’apparemment, ni Obama, ni aucun de nos dirigeants européens ne sait plus faire.

D’abord, il a intégré une règle de base : leçon du XXe siècle, il ne faut jamais envoyer ses troupes longtemps loin de ses bases pour combattre. On y risque l’enlisement et un jour un retrait dans la honte, comme au Vietnam ou en Afghanistan.

Ensuite, il sait, et cela au moins depuis la leçon magistrale donnée par Staline à Yalta, que les guerres se gagnent aussi sur le papier des traités.

Pour mettre la Russie en bonne position dans les tractations politiques de paix, Poutine a besoin du régime de Bachar Al-Assad comme alibi. Il l’a donc sauvé d’une fin probable pendant l’été dernier quand les rebelles et les jihadistes menaçaient le réduit gouvernemental centré sur le port de Lattaquié. Du même coup, il préservait sa tête de pont, l’escale navale dont dispose la Russie dans ce même port.

Ces objectifs essentiels atteints, pour plusieurs raisons, il pouvait se retirer avec les honneurs.

1/ Parce qu’il donne à penser aux naïfs qu’il a agi de manière désintéressée et n’a pas d’objectifs stratégiques en Syrie. En fait, l’armée syrienne, formée par les Russes, lui est acquise. De surcroît, il laisse sur place des forces spéciales. Il préserve ainsi les intérêts russes sur le moyen terme.

2/ Il a fait la démonstration que l’armée russe pouvait intervenir en force et rapidement loin de ses frontières. Ce qui, de mémoire, n’a pas de précédent et met un terme, de principe, à l’exclusivité occidentale dans le domaine.

3/ Ce faisant, il donne confiance dans le parapluie russe à ses alliés, même si, après la perte de l’Irak, de la Libye et du Yémen, ils sont bien rares dans le monde arabe.

4/ Il se venge aussi du camouflet infligé par Nicolas Sarkozy en 2011. Quand ce dernier, après s’être engagé auprès de Moscou à ne pas intervenir au sol, avait obtenu que la Russie signât la résolution du Conseil de Sécurité autorisant des pressions militaires sur Mouammar Kadhafi. Cette restriction n’avait pas empêché le chef d’État français d’utiliser ses forces spéciales pour faire tomber l’allié des Russes quelques mois plus tard.

Restait à gagner la partie politique de la guerre de Syrie. Avec le départ de l’essentiel du corps expéditionnaire russe, les négociations s’en trouvent facilitées et Moscou passe presque, du coup, comme un facilitateur de paix.

Ce n’était pas suffisant. Les Européens, les Français en particulier, apparaissaient comme les plus retors. Poutine a réussi à limiter les négociations à un tête à tête entre Sergueï Lavrov, son ministre des Affaires étrangères, et John Kerry, le secrétaire d’État américain. Sans lui faire insulte, Kerry n’a ni la culture ni la formation pour faire face à un homme formé à l’époque soviétique par le MGIMO (Institut d’État des Relations Internationales de Moscou), l’école des diplomates de haut rang où passaient en outre les futurs officiers supérieurs du KGB.

Avec une note de frais bien moins élevée que celle des Occidentaux, en Syrie, Poutine domine la table de négociations. Dommage que ce talent ne serve pas les intérêts des Syriens maintenus sous le joug d’une famille de prédateurs, les Assad. L’opposition démocratique syrienne ne peut compter que sur elle-même.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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