Menace islamiste sur le Sénégal

mai 2013

Karim Wade, le fils de l’ex Président sénégalais, était placé en garde à vue alors que nous étions à Dakar. Il est accusé d’enrichissement illégal et doit justifier d’un milliard d’euros d’avoirs. Sa culpabilité est patente et son arrestation prouve que les choses changent en Afrique. Lentement mais sûrement...

Base arrière de l’intervention occidentale au Mali, le Sénégal n’est pourtant pas à l’abri de tous les périls. Des consignes ont été données à nos soldats les mettant en garde contre des attaques possibles de jihadistes. Des hommes du MUJAO (1) se seraient même rendus sur place pour reconnaître des cibles potentielles. Un responsable de cette organisation a du reste été arrêté dans la banlieue de Dakar en février dernier.

Des Sénégalais servent, sait-on, dans les rangs du MUJAO où, selon des sources locales, ils représenteraient 30% des effectifs.

Certes musulmans pratiquants, mais sans fanatisme, les Sénégalais appartenaient jusqu’à ces dernières années à des confréries soufies, les Mourides et les Layenes, auxquelles se sont ajoutées celles venues de l’extérieur, la Tijania et la Qaderia.

Cependant, vers la fin des années 70, sont apparues des organisations islamistes inspirées de l’étranger. Actuellement on en compte trois chez les sunnites :


- Al Falah, mouvement wahhabite (2) financé par l’Arabie Saoudite.
- L’Istiqamat, organisation concurrente agissant sur le même terrain idéologique avec des fonds eux aussi saoudiens.
- Le Ibad Rahmane, organisation salafiste (3) qui cherche à récupérer des éléments des Frères musulmans pour les endoctriner.

Toujours dans le milieu sunnite, on nous signale des relations entre certaines confréries soufies et le nord du Nigéria, où a émergé Boko Haram, mouvement islamo-terroriste qui met aujourd’hui ce pays à feu et à sang. Des porosités existent entre mouvements qui peuvent brusquement transformer le paysage religieux du Sénégal.

Les chiites prennent eux aussi de l’importance. D’abord en raison de la présence d’une forte communauté de Libanais appartenant à cette secte. Or, même si les ressortissants du Pays du Cèdre sont plus enclins aux affaires qu’au fanatisme religieux, on connaît l’influence du Hezbollah sur cette population au Liban.

En outre, un groupe chiite de souche sénégalaise se développe. On en connaît mal l’origine et il semble qu’il soit exogène, né du prosélytisme iranien. Comme pour le prouver, le Cheikh Mohammad Ali Aïdara, chef de ce courant, est très actif dans la région de Kolda, en Casamance. Il travaille au développement d’écovillages, activité pour le moment religieuse et philanthropique soutenue par des fonds iraniens.

Certes, le jihadisme dans la région, que ce soit dans le Sahel ou au Nigeria, est d’inspiration sunnite. Néanmoins, le 12 février, la gendarmerie sénégalaise a intercepté un individu à Vélingara, en Casamance, l’accusant d’endoctriner des jeunes pour les emmener combattre dans le nord du Mali. Or, de nationalité mauritanienne, le suspect s’appelle lui aussi Aïdara et serait chiite.

On mesure les conséquences qu’aurait une radicalisation islamiste d’une partie de la population sénégalaise en termes tactiques pour les forces françaises. Un travail idéologique préventif est nécessaire. Mais qui s’en préoccupe ?

Alain Chevalérias

Notes

(1) Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest, émanation de l’AQMI.
(2) Courant doctrinal religieux propre à l’Arabie Saoudite. (3) Les salafistes sont des extrémistes qui prônent le retour aux origines de l’islam. Certains prêchent le recours à la violence.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

Lire aussi: Le Sénégal , un exemple pour l'Afrique

 

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