LE DRAME SYRIEN

juillet 2011

Nous éprouvons des difficultés pour nous informer sur les événements se déroulant en Syrie en raison de l’impossibilité pour les journalistes de se rendre sur place. Néanmoins, nous avons multiplié les contacts avec des membres de l’opposition, obtenu des témoignages de réfugiés et suivi avec attention les journaux des chaînes en arabe. Grâce à la technologie moderne, les photos et petits films pris sur des milliers de téléphones portables et les communications Internet, il est néanmoins possible de se faire une idée de la situation.

Les affirmations d’un régime syrien acculé ne peuvent pas faire illusion. Il n’y a pas un soulèvement islamis-te armé contre lui. Aucune preuve convaincante d’une telle offensive n’a été donnée. Si de soutien islamiste il fallait parler, ce serait de celui de l’Iran des ayatollahs à Bachar Al-Assad et à ses séides.

Point important, à l’extérieur, faisant fi de leurs différences, les trois tendances idéologiques se sont alliées, s’entendant autour du principe de multipartisme. Autre point, surtout à l’intérieur, les différences communau-taires sont laissées de côté au profit d’une volonté de vivre ensemble. Ainsi a-t-on vu, dans certaines villes, des chrétiens se rendre à la mosquée pour entendre des déclarations politiques contre le régime.

Certes, n’étant pas sur place, il est difficile de dire qu’aucun coup de feu n’a été tiré contre les forces de sécurité. Si des opposants ont eu recours aux armes, cela ne peut néanmoins qu’être sporadique, ne représentant que des cas isolés. Nous en voulons pour preuve que les forces de sécurité, vues sur les bribes de films, ne progressent pas en formation de combat mais visiblement pour démanteler des manifestations. Elles foncent sur des gens désarmés, des matraques à la main, sans chercher à s’abriter des coups de feu d’éléments armés.

En clair, la répression est dirigée contre une population en colère, dont le courage et la détermination étonnent après des années de passivité. Or, si le pouvoir a le droit, le devoir même, de restaurer l’ordre, il doit le faire dans la légalité.

Celle-ci est déjà discutable, compte tenu de l’illégitimité d’un régime dictatorial, largement aux mains de la minorité ethno-religieuse des alaouites, reposant sur le système du parti unique et la répression de toute opposition politique. Néanmoins pouvoir de fait, il doit, pour restaurer l’ordre, au moins faire usage de la force de manière proportionnée. On ne répond pas à des manifestations pacifiques en tirant à balles réelles sauf à entrer dans l’illégalité.

Or, quand nous écrivons ces lignes, d’après l’Organisation des Droits de l’Homme en Syrie, au moins 1300 personnes seraient tombées mortes sous les coups ou par balles. Les autorités syriennes ne manqueront pas de mettre en doute ce chiffre, mais l’organisation dit posséder les noms des victimes et des témoignages concernant leur décès.

En outre, les 12 000 Syriens réfugiés au Liban et en Turquie, on l’imagine, n’ont pas dû abandonner leurs maisons de gaîté de coeur. Il fallait pour cela qu’ils craignent une menace grave pesant sur eux.

Cet a priori posé, on peut présenter l’opposition au régime. À l’extérieur, elle est formée d’exilés ayant quitté le pays pour fuir la dictature qui y sévit. Les nombreux intellectuels la composant ont trouvé chez nous des emplois représentatifs de leur niveau. Certains sont mêmes professeurs dans nos universités. Ils s’identifient à trois courants politiques : la gauche, très minoritaire, faite d’éléments qui ont refusé de se laisser absorber par le parti unique, les islamistes, dont les Frères musulmans, et le plus grand nombre, les « libéraux » comme ils disent, proches des concepts occidentaux de gouvernance.

À l’intérieur de la Syrie, en revanche, les idéologies n’ont pas joué de rôle moteur. Les manifestations expriment une colère populaire et instinctive, accumulée depuis des années contre le pouvoir.

En résumé, les opposants syriens ont su éviter les pièges : la tentation de la lutte armée, qui aurait justifié la répression, et le repli communautaire. Ils en évitent un autre : ils refusent une intervention militaire étrangère. On se trouve dans une situation diamétrale-ment opposée à celle de la Libye.

À l’étranger, principalement à l’Occident, tous les porte-paroles rencontrés ne demandent que des restrictions commerciales, pour affaiblir le coeur du pouvoir, et la mise en examen de ses chefs par un tribunal international. Prête à en payer le prix, l’opposition syrienne compte sur le temps pour faire tomber le régime.

Reste l’inconnu de la Turquie. Le 11 juin 2011, Abdullah Gul, le Président turc, a déclaré son pays prêt à agir en Syrie, « y compris militairement ». Quelques jours plus tôt, du 30 mai au 2 juin, l’opposition syrienne s’était réunie sous la protection d’Ankara dans la ville turque d’Antalya.

Or, si toutes les bonnes volontés sont les bienvenues, il faut craindre, qu’en Syrie, la Turquie ne cherche à jouer un rôle plus protecteur que nécessaire. Qu’en d’autres termes, elle ne voit chez son voisin la première marche de la recons-truction de l’empire ottoman sous une forme modernisée. L’Occident et les pays arabes devraient y prendre garde.

 

 

 

 

 

 

 

Les responsables syriens transfèrent des fonds
à l’étranger
Au cours de la deuxième quinzaine de juin, quatre financiers turcs vivant en Allemagne et aux Pays-Bas se sont rendus à Damas pour préparer ces transferts
. 250 millions de dollars d’actifs financiers doivent être mis à l’abri pour le compte des responsables du régime, Bachar Al-Assad, son frère Maher, Rami Makhlouf, leur cousin maternel, et les chefs des renseignements, Ali Mamlouk et Abdulfattah Qudsyieh. D’autre part, en raison des sanctions pesant sur eux et des difficultés d’accès aux banques occidentales, ces mêmes personnes s’apprêtent à transférer 25 millions de dollars en Malaisie et 34 millions sur les comptes de la banque Exim, un établissement indien fondé en 1982. La banque irano-germanique EIH, basée à Hambourg, doit se charger des mouvements de fonds. Cette dernière sert de soupape de sécurité au régime de Téhéran. L’année dernière, elle a été condamnée à des sanctions par les Américains en raison des relations financières qu’elle entretient avec l’Iran.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 

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