LES TERRORISTES,

C'EST LES AUTRES!

Mai 2003


Qu'est-ce qu'un terroriste? Difficile de donner une définition satisfaisant tout le monde. Cela pour une bonne raison: chacun, entendant ce mot, voit son ennemi, celui qui lui fait peur, qui "le terrorise." Il ne se voit pas lui-même, ou ses amis. Même si eux aussi, à leur façon, "terrorisent" leur adversaire. Car le terrorisme c'est l'horreur, l'acte qualifié d'inhumain. Celui de l'autre, l'ennemi diabolisé. Il y a dans ce mot, terrorisme toute la charge émotionnelle nécessaire à la propagande et à la manipulation d'opinion. Voilà pourquoi son usage n'est jamais innocent.
Les Français devraient le comprendre mieux que d'autres. Ils en ont encore le souvenir. Quand pendant la guerre quelques-uns d'entre eux se dressèrent contre l'occupant allemand, ce dernier les qualifia de terroristes. L'Histoire a retenu le mot de résistants.

Une dizaine d'années plus tard, pourtant, confrontés au soulèvement de l'Algérie, les Français parlaient bien de terroristes pour désigner les rebelles.

Terroriste et résistant ne seraient donc que des synonymes?

A cette idée, nous devinons la réaction du pouvoir actuel de l'Algérie. Directement héritier de la guerre d'indépendance contre la France, il est aujourd'hui confronté à une guerre civile contre les maquis islamistes. Bien sûr, il les désigne sous l'appellation de terroristes et leur refuse celle de résistants. Ce dernier titre, il le réserve à ceux qui combattirent contre les Français jusqu'en 1962.

On pourrait multiplier les exemples. Dans les années 80, les Soviétiques, en Afghanistan, associaient l'opposition armée afghane à un mouvement terroriste quand, au Vietnam, ils saluaient la "résistance" d'Ho Chi Minh contre les Américains.

Ces derniers, heureux de renvoyer l'ascenseur à Moscou, parlaient bien de résistance pour désigner les combattants afghans en lutte contre les communistes. Par contre, aujourd'hui harcelés par une guérilla assez peu différente de celle qu'ils soutenaient alors, au pays des Afghans, les Américains dénoncent les attaques dites terroristes perpétrées contre eux et les troupes occidentales.

Quant à l'Irak, conquis et occupé par les Anglo-Saxons, on entend bien encore les mots résistants et terroristes instrumentalisés à des fins politiques. Les médias arabes utilisent le premier, les Américains le second, les autres Occidentaux préférant des termes plus neutres de combattants ou d'opposants.

En clair, entre résistant et terroriste, le choix n'est pas innocent car ces mots véhiculent des messages à forte charge émotionnelle et une cohorte de sous-entendus qui en font des armes de propagande. Les utilisant, nul responsable politique, journaliste ou intervenant dans les médias ne saurait prétendre à la neutralité.

Doit-on pour autant recevoir d'un même front tous les soulèvements, les tolérant, voire les soutenant, ou, les rejetant, les traquer à travers la planète?

Dans les années 80, avait-on le droit de refuser aux Afghans le droit de se défendre contre une invasion étrangère?

Mais, en Algérie, faut-il accepter une guérilla islamiste opposée à un régime sous l'emprise de militaires aux comportements mafieux?

Ces deux soulèvements ont en commun la confession musulmane de leurs membres et, au moins par certains aspects, l'idéologie.

Deux différences sautent pourtant aux yeux: le comportement à l'égard de la population et la nature de l'ennemi.

Pour le comportement à l'égard de la population:

Dans les années 80, en trois ans de séjour dans les maquis afghans, nous n'avons jamais vu d'attaques et de mesures oppressives dirigées par les combattants contre la population. Ils réservaient leurs coups aux militaires soviétiques et afghans au service de l'envahisseur.

Certes, en Algérie, la situation apparaît confuse. Dans plusieurs massacres se devine la complicité, sinon la complaisance, du pouvoir militaire à l'égard de certains groupes islamistes armés. Cela n'absout pas ces derniers pour autant. Les GIA, principalement, sont gagnés par une folie meurtrière et s'en prennent, le plus souvent, aux gens du peuple. On compte par dizaines de milliers les simples villageois égorgés avec femmes et enfants au nom d'un islam totalement dénaturé.

Une première référence s'impose donc, celle du traitement des non-combattants. Quand ces derniers deviennent la cible principale des attaques, les mouvements armés qui en sont les auteurs deviennent intolérables. C'est le cas aujourd'hui en Algérie, ce ne l'était pas autrefois en Afghanistan.

 -Pour la nature de l'ennemi:
Le droit d'un peuple à prendre les armes pour s'opposer à l'invasion étrangère est internationalement reconnu. Les Américains se le sont octroyé contre les Anglais pendant leur guerre d'indépendance. Les Français l'ont utilisé contre les Allemands.

Que dire par contre quand la rébellion est dirigée contre l'autorité nationale?

Les États répondent à leur façon à cette question. Ils se prononcent en fonction de leurs objectifs politiques. Ainsi, au début du soulèvement islamiste en Algérie, les Américains ont accordé à celui-ci un soutien politique. Mais, en 1997, concluant un accord avec le pouvoir d'Alger, il ont décrété les maquis algériens terroristes.

Éthiquement parlant, faut-il donc dénoncer toute rébellion contre l'État? Ce serait faire bien peu de cas du droit des peuples à disposer d'eux mêmes quand un despote ou une mafia se sont emparé d'un pays.

Il existe des cas extrêmes pour lesquels la révolte de la population apparaît comme la seule solution. Sans doute était-ce le cas dans l'Irak de Saddam Hussein. Sans doute aussi dans l'univers concentrationnaire soviétique. Peut-être même face au pouvoir algérien.

Encore faut-il s'être assuré, pour légitimer une telle insurrection, que toutes les alternatives non-violentes ont été épuisées. Que les objectifs avoués et cachés des rebelles ne sont pas pires que le système en place. Enfin, s'inquiéter de la manière dont sont traités les civils. On retourne à la condition énoncée précédemment, le comportement à l'égard des populations.


Un premier exemple nous vient à l'esprit. Les maquis algériens contre la France pouvaient se réclamer du droit de rébellion face à un occupant. Leur projet politique, mâtiné de communisme, par contre, n'offrait pas une alternative souhaitable pour la population.On le voit aujourd'hui. En outre, les exactions du FLN, égorgeant, posant des bombes dans les lieux de vie et exerçant un chantage à la violence permanent sur les populations musulmanes, juives et européennes, retirait beaucoup de sa légitimité à ce mouvement. La France, en 1962, abandonnant l'Algérie aux tueurs du FLN a commis un crime à l'égard du peuple algérien.

Détail à nos yeux important, si nous, Français, choisissions l'indépendance pour notre colonie, devions le faire avec noblesse. Pour les Pieds-Noirs, comme pour les Algériens de souche.

Second exemple, celui des Moujahidine-e-Khalq iraniens (MEK). De notre point de vue, si les Iraniens ont le droit de contester le système mis en place par l'ayatollah Khomeyni, le MEK offre une alternative politique inacceptable. Pire, ses bombes et ses tirs de mortiers dans les lieux habités tuant de simples citoyens le mettent sur la ligne des organisations criminelles.

Kamal Kharrazi, ministre des Affaires étrangères iranien a raison de dire: "Si le terrorisme est dirigé contre vous, c'est mauvais, mais si nous en sommes les victimes, vous le trouvez acceptable."

L'utilisation par les États-Unis de ce mouvement contre l'Iran et son accueil pendant plus de vingt ans sur le sol européen, en France à Auvers sur Oise, prouvent le double jeu de nos Etats en matière de "terrorisme".

L'Iran, il est vrai n'a pas toujours usé de la même prudente réserve dans ce domaine.Ce n'est pas une raison pour l'isoler. Car, en matière d'insécurité dite "terroriste," nous avons besoin de la coopération de tous.

A lui seul l'État hébreu résume toutes les contradictions inhérentes au dossier "terrorisme."

-Dès les années 30, les organisations juives implantées en Palestine ont posé des bombes dans les bus fréquentés par la population arabe. Il n'ont jamais cessé ce type d'attaque jusqu'à la création de l'État d'Israël. Ces agressions étaient inacceptables à deux titres:
1-Leurs auteurs, migrants de fraîche date, n'avaient aucun droit sur le pays.
2-Ces actions visaient des civils.

Cela retire tout argument éthique aux Israéliens pour critiquer, aujourd'hui, les Palestiniens.

Comparés aux juifs sous mandat britannique, les Palestiniens ont l'avantage de la légitimité du combat, quand Israël occupe leur sol. Leur droit de résister est indiscutable.

Aussi, lorsqu'ils attaquent des objectifs militaires israéliens, y compris en Israël, voire même des colons armés, critiquer ces actes revient à leur dénier le droit de se défendre. C'est admettre une supériorité politique des Israéliens sur les peuples de leurs entourage. Cette approche, à la limite du racisme, est injuste.

Par contre, quand les activistes palestiniens se font sauter au milieu de la foule, nous ne pouvons pas les soutenir.
Non pas en raison de la méthode, l'attentat suicide, qui relève du libre arbitre moral de chacun, mais parce qu'ils prennent pour cible des civils.

Quand on les condamne pour ces opérations, les Palestiniens évidemment réfutent la qualification de terroristes. Ils la retournent contre les Israéliens, mettant en avant les horreurs de la répression, ils parlent de "terrorisme d'État." Qu'en est-il?

Légales ou non au regard du droit international, une intervention ou une occupation militaires doivent respecter un minimum de règles. Faute de quoi, outrepassant les interdits, l'État et ses dirigeants deviennent coupables de crimes de guerre.

Or, sur ce plan, il conviendrait, après trois ans d'Intifada, de se pencher sur les méthodes de l'armée israélienne au regard des conventions internationales.

  • Celles-ci interdisent les punitions collectives: N'est-ce pas ce que fait Israël en détruisant les maisons des familles de kamikazes?
  • Elles prohibent la torture des prisonniers: La Knesset a voté une loi autorisant cette pratique sur les prisonniers palestiniens.
  • Elles condamnent la privation de nourriture des assiégés: L'armée israélienne a détruit des stocks alimentaires distribués par les Nations-Unies.
  • Elles exigent, pour la population, le libre accès à l'éducation et aux soins: Les Israéliens ferment les écoles et universités. Ils font attendre malades et blessés pendant des heures aux points de contrôle jusqu'à provoquer la mort de plusieurs faute de soins etc...

Les terroristes, c'est bien les autres!

Georges W. Bush, partant en guerre contre un concept flou, n'innove pas. Fût-il aujourd'hui qualifié de terroriste, on se bat toujours contre son ennemi.

 Soyons honnêtes, ce n'est pas contre le terrorisme, qu'il convient de lutter, mais contre des méthodes devenues à notre époque intolérables. A commencer par les violences infligées aux civils. Or, en la matière, Américains et Israéliens ne sont pas les derniers.

Centre de Recherches sur le Terrorisme Depuis le 11 Septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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