LE GRAND TURC VACILLE MAIS TIENT

mai 2014

Le 25 février 2014, deux journaux proches du régime islamiste turc accusaient la confrérie de Fethullah Gülen, lui aussi un islamiste, d’avoir mis sur écoute des milliers de personnes dont le Premier ministre lui-même, Recep Tayyip Erdogan.

Comme par hasard, dans les heures qui suivaient, l’enregistrement d’une conversation, présentée comme s’étant déroulée entre Erdogan père et fils, surgissait sur Internet. Le premier était désigné comme demandant à sa progéniture de faire disparaître 30 millions d’euros de son domicile.

Erdogan qualifiait l’enregistrement de « montage indécent ». Devant les députés, il tançait : « Jamais nous ne céderons. Seul le peuple peut décider de nous renvoyer. Et personne d’autre ». Il faisait allusion aux élections prochaines.

Nul ne donnait cher de la peau d’Erdogan et de son gouvernement islamiste. De plus, que le puissant mouvement de Gülen, jusqu’ici leur indéfectible soutien, soit passé à « l’ennemi » n’augurait pour eux rien de bon.

A l’approche des élections, le climat se durcissait. A la mi-mars, sur Twitter, de nouveaux enregistrements de conversations mettaient en cause Erdogan dans une vaste affaire de corruption. Le Premier ministre, sans dissimuler sa colère, faisait bloquer Twitter. Mais le 20 du même mois, il était obligé de le rouvrir sur l’injonction de la Cour constitutionnelle.

Puis c’était au tour de Youtube, diffuseur de séquences filmées sur Internet, de faire passer l’enregistrement d’une réunion pendant laquelle quatre hauts responsables d’Ankara, dont le chef des renseignements et le ministre des Affaires étrangères, envisageaient une intervention militaire contre la Syrie. Plus gênant, ils parlaient de faire tirer des soldats turcs contre leur pays pour justifier l’attaque.

À cette rocambolesque campagne s’ajoutaient les purges effectuées dans la police, avec le déplacement de 6000 policiers, et dans la justice, avec le changement de centaines de juges. De surcroît, le mécontentement des couches modernistes de la population n’arrangeait rien. Place Taksim, à Istanbul, il y a à peine un an, les manifestations et les émeutes de ces derniers avait même fait couler le sang.

Les analystes occidentaux étaient sûrs de leur fait. Ils voyaient déjà Erdogan quittant piteusement la scène. Mais coup de tonnerre, au lendemain du 30 mars, date des élections municipales, l’AKP, le parti d’Erdogan, sortait vainqueur avec 45% des suffrages exprimés. Mieux, il améliorait son score de 2 points par rapport à 2007.

Nos prévisionnistes n’avaient oublié qu’une chose : la Turquie, comme la plupart des pays musulmans, est divisée. Les grandes villes sont plus européanisées quand les campagnes votent généralement conservateur. En terre d’islam cela veut dire pour l’islamisme. Et puis, le petit peuple n’oublie pas : en l’espace de 12 ans, l’AKP a triplé ses revenus et lui a ouvert le système de santé. Alors, quelques millions d’euros envolés, qui s’en soucie ?

Plébiscité, Erdogan se sait désormais les coudées franches. Déjà, il a promis de punir les coupables… ceux qui ont diffusé les enregistrements, ses frères ennemis du mouvement de Gülen. La pseudo démocratie islamiste risque de se faire très pesante en Turquie.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 

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