ESCLAVE AU
XXIème SIÈCLE

août 2006

Dans des articles précédents, nous avons évoqué l'esclavage pratiqué par les musulmans en Méditerranée, dans "Les Barbaresques, " et celui des Africains, dans " Esclavagistes noirs. " Pour mettre un terme à ce dossier, nous mettons ici en scène l'esclavage dans sa dimension actuelle.

J'ai vu une vente d'esclave de mes propres yeux en 1967. Traversant le Sahara algérien sur un camion qui transportait des dattes séchées destinées aux populations du Sahel, j'arrivai à la frontière de Tessalit au Mali.

Le chauffeur s'appelait Ibrahim. Il venait d'Adrar, un oasis algérien. Musulman, il pratiquait sans rigueur, ne craignant pas de téter de temps en temps une bouteille d'alcool cachée sous son siège.

Peu après Tessalit, il se laissa distancer par les autres camions. Il s'arrêta dans un village accroché à un virage de la piste. Un gosse perché sur le dos, des femmes pilaient le mil. Une odeur de lait caillé flottait dans l'air. Nous entrâmes dans une case de terre sèche. Deux hommes noirs, assis sur le sol, semblaient nous attendre. Nous avons bu du thé. Ibrahim parlait avec eux dans une langue que je ne comprenais pas.
Au bout d'un moment, l'un de nos deux hôtes s'esquiva. Il revint quelques minutes plus tard accompagné d'un gosse de onze ou douze ans. Nous quittâmes alors la case. Le gosse grimpa sur le camion. On lui désigna un sac de dattes qu'il jeta sur le sol. D'un coup de rein, l'un des deux Noirs le hissa sur son épaule.

Quelques minutes plus tard, notre camion repartait. Le jeune Africain continua le voyage avec nous, juché sur le chargement. C'est en le voyant faire le feu du bivouac et vaquer aux activités domestiques que j'ai compris : le sac de dattes, c'était son prix d'achat.

Il faut avoir vu ces choses, accomplies dans leur simplicité coutumière pour toucher du doigt la distance entre nos cultures.

En 1996, je faisais une série d'interview avec Hassan Al-Tourabi, alors président du Parlement soudanais et haute figure de l'islamisme. Tout en dénonçant l'esclavage, soit disant interdit par l'islam, il justifiait néanmoins la réduction des " prisonnières de guerre " à l'état de marchandise humaine. " Si vous les relâchez, argumentait-il, elles se livreront à la prostitution autour de votre camp pour survivre... " (1)

Exceptions ?

L'Arabie Saoudite a attendu 1962 pour abolir officiellement l'esclavage. Pourtant, les lieux saints de l'islam sont gardés par des esclaves, pire, des castrats, amputés de leurs organes génitaux par soucis de pureté. Slimane Zéghidour en a compté trente six lors d'un voyage réalisé en 1988 (2).

La Mauritanie s'offre la particularité d'avoir proclamé trois abolitions de l'esclavage. La première en 1905, sous la colonisation française, la seconde à l'indépendance, en 1961, et la troisième en 1980. Elle n'ont pas été plus efficaces l'une que l'autre.

Le 14 mars 2005, une association interdite dans le pays, " SOS Esclaves Mauritanie, " signalait avec l'aide d'un journaliste le cas de deux femmes noires maintenues dans l'état d'esclaves. Les autorités les ont jetées en prison, les accusant de faux témoignages.

Le phénomène touche les pays arabes les plus développés. Ainsi, en décembre 1997, dix garçons de quatre à six ans ont été rapatriés dans leur pays d'origine. Ils avaient été vendus comme jockeys de dromadaires de course à un natif des Émirats Arabes Unis.

Au Niger, interdit depuis 1963, l'esclavage n'a été pénalisé qu'en 2003. Craignant des poursuites, un chef tribal touareg a alors annoncé la libération des 7000 esclaves possédés par les membres de son clan. Le jour dit, devant la presse et les officiels, il se déjugeait et affirmait que son clan ne comptait pas un seul esclave dans ses rangs.

Il est pourtant une coutume connue dans ce pays. En échange de six vaches et six chamelles, les propriétaires aisés peuvent acquérir une cinquième épouse, quand l'islam n'en autorise que quatre. Il s'agit toujours d'une jeune vierge, dont l'âge dépasse rarement treize ans. Aucune cérémonie n'intervient. L'affaire se limite à une vente et à un achat. L'enfant n'a pas le droit de quitter la case et, si elle n'accepte pas de se soumettre à la volonté de son époux, est battue.

Au Soudan, la guerre civile entre le Nord, musulman, et le sud, largement animiste et partiellement christianisé, a été l'occasion d'une relance des enlèvements à des fins esclavagistes. Deux ans après la conclusion, le CCEM (Comité Contre l'Esclavage Moderne) rapporte que selon leurs contacts locaux, 4000 personnes capturées dans le Sud ont été renvoyées dans leurs villages. 36 000 n'auraient toujours pas rejoint leurs familles.

Ces pratiques perdurent jusque sur notre sol. Africains ou Arabes fortunés se font souvent accompagner par des " petites bonnes " achetées en Afrique à leurs familles. Leurs passeports leur sont retirés à l'arrivée en France. Levées les premières, elles sont les dernières de la maison à se coucher. Les familles de diplomates de pays musulmans ont souvent pris cette habitude.

A titre d'exemple, le 19 juin dernier, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre examinait le cas d'Elian, jeune Ivoirienne entrée en France en 2000. Elle était alors mineure. " Sa maîtresse, " Adeline Kouassi, la faisait passer pour sa fille, la contraignait à faire le ménage et ne lui accordait aucun repos. Maltraitée, insultée, elle n'avait en outre jamais été scolarisée.

D'après les Nations unies, 27 millions d'hommes et de femmes seraient victimes de diverses formes " d'esclavage moderne. " Selon " l'Organisation Internationale du Travail, " 246 millions d'enfants sont soumis au travail forcés. Les trois quarts servent dans des environnements dangereux, tels que des mines et des usines.

Il faut ajouter à cela la traite des deux sexes. 1,2 million d'enfants en sont victimes chaque année. 300000 gosses sont obligés de faire la guerre dans trente pays. Certains n'ont pas plus de huit ans. Ne connaissant pas la peur, ils sont très appréciés de certains chefs de guerre africains.

 

Alain Chevalérias

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NOTES

(1) " Islam avenir du Monde, entretiens avec Hassan Al-Tourabi, " Alain Chevalérias, Éditions J-C Lattès.

(2) " La vie quotidienne à La Mecque de Mahomet à nos jours, " Slimane Zeghidour, Editions Hachette.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Enfant travaillant dans une mine de Bolivie.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Livre Islam avenir du Monde
Livre Islam avenir du monde, entretiens de Hassan al Tourabi avec Alain Chevalérias.

 

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