Irak: le sort des minorités...
et la reconstruction

mars 2018

Après les chrétiens, la multiplication des attaques contre la minorité turkmène dans le Kurdistan irakien

Le 6 février, Ali Elmas, un professeur de Droit à l'Université de Kirkuk (Irak) appartenant à la minorité turkmène, a été assassiné dans une attaque ciblée en pleine ville. Il envisageait de devenir sous-préfet.

Un mois plus tôt, Alaattin Abdulmaksut, chef militaire du Front turkmène à Kirkuk, était exécuté par des hommes armés qui ont pris la fuite. En quatre mois, au moins 19 Turkmènes ont été tués dans des attaques à mains armées dans le Kurdistan irakien. Certes, les élections expliquent cette violence. Néanmoins de nombreuses victimes étaient des propriétaires de puits de pétrole et leurs exécutions donnent à penser qu'il existe aussi des motivations économiques à leur mort.

Au nord de l'Irak, comme les chrétiens, les Turkmènes constituent une minorité au sein d'une population à majorité kurde. Comme les chrétiens encore, ils refusent l'assimilation et sont opposés à l'indépendance. Les Kurdes cherchent pour leur part à confisquer à leur profit les postes d'autorité et les ressources économiques. D'où les tensions.

Ailleurs aussi, les minorités ethniques ciblées

On retrouve là le problème inhérent à toutes les régions se revendiquant d'une spécificité ethnique quand des minorités y coexistent : Touaregs du nord du Mali (face à des Arabes et à des éléments négroïdes), Albanais du Kosovo (cohabitant avec des Serbes, des Roms, des Turcs etc...)

Les Turkmènes ont néanmoins une particularité : ils appartiennent à l'ethnie des conquérants turcs qui ont fondé l'Empire ottoman en détruisant celui de Byzance. À ce titre, la Turquie s'estime leur défenseur. Un peu comme l'Allemagne, entre les deux guerres mondiales, se voyait comme la protectrice des germanophones des Sudètes ou de Pologne.

Que la presse turque soit la seule à évoquer les agressions dont sont victimes les Turkmènes des régions kurdes est un signal inquiétant. Comme Hitler en Tchécoslovaquie, se saisissant du prétexte de persécutions infligées aux Turkmènes, la Turquie pourrait déployer ses armées plus loin en Syrie et en Irak à la seule fin de repousser ses frontières. Erdogan a suffisamment perdu le sens des réalités pour ça.

 Irak : qui casse ne paie pas

Du 12 au 14 février, se déroulait au Koweït une conférence pour le financement de la reconstruction de l’Irak. Plusieurs pays y participaient. Les besoins étaient estimés à 90 milliards de dollars. Seulement 30 milliards ont été promis.

Certes, on comprend l’hésitation des donateurs. L’Irak a connu quinze ans de guerres ininterrompues et tout donne à penser que de nouveaux conflits peuvent à nouveau éclater. Alors reconstruire pour voir détruit !

Vrai, mais la misère engendre elle-même la violence. Il faudrait donc un processus politique de restauration de la paix. Encore vrai, mais il a lui-même besoin d’une reconstruction économique. Nous sommes face à un dilemme.

En attendant, on constate les principaux responsables de ce désastre les moins prompts à répondre aux appels de l’Irak. Que l’on se souvienne ! En mars 2003, l’alliance américano-britannique se lançait à l’assaut de ce pays pour y détruire des armes de destruction massive qui n’existaient pas. Libérée, la violence ne devait jamais cesser, les guerres s’enchaînant aux guerres jusqu’à aujourd’hui.

Or, si les Britanniques promettent modestement un milliard de dollars par an pendant dix ans, les Américains n’ont pour le moment rien offert. Quant à l’Arabie saoudite et au Qatar, qui hébergeait le centre de commandement de l’armée américaine, ils n’offrent qu’un milliard chacun. La Turquie apparaît comme la plus généreuse, avec une promesse de 5 milliards.

Sans doute a-t-elle quelques idées derrière la tête. Mais qui n’en a pas ! Les Américains par exemple. Non sans raison, ils craignent que leur aide ne serve les projets expansionnistes de l’Iran, pays qui a la haute main sur le pouvoir chiite de Bagdad.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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