ÉLECTIONS IRANIENNES
SUR FOND DE CONFLIT
ENTRE RADICAUX

mars 2008

A l'occasion des élections législatives iraniennes du 14 mars 2008, pour les Réformateurs, mouvance de l'ancien Président Khatami, et les Conservateurs, celle de l'imam Khamenei et du Président, l'heure est à la coalition. La tâche apparaît bien rude pour ces derniers.

Il faut savoir, adoptant une terminologie quasi occidentale, depuis l'arrivée d'Ahmadinejad au pouvoir, en 2005, les Conservateurs-radicaux se désignent eux-mêmes sous le nom de Fondamentalistes. Ils ont en outre créé un " Front uni " chargé de rassembler les forces de leur sensibilité afin d'emporter les élections.

Mohammad Reza Bahonar, vice-président du Parlement et membre du Front, compare celui-ci à un triangle dont le premier côté serait le " Comité du Beau Parfum du Service ", le second celui des " Disciples de la lignée de l'imam Khomeiny " et le troisième serait formé de l'association des " Reconstructeurs de l'Iran islamique " avec " l'Assemblée des combattants de la Révolution islamique ".

Le " Comité du Beau Parfum du Service " apparaît comme la branche la plus influente mais aussi la plus attaquée. Mehrdad Bazrpach, son fondateur, est âgé de 26 ans. Etudiant en ingénierie à l'université Sharif de Téhéran, fils d'un ancien combattant de la guerre Iran-Irak et membre du Basidj, une milice islamiste, il est réputé pour son zèle révolutionnaire et ses emportements. En 2002, il s'est fait connaître en attaquant une réunion d'étudiants de l'opposition à l'université Allameh Tabatabaï et en cassant la tribune.

Mahmoud Ahmadinejad

Pour le remercier de son soutien pendant les élections présidentielles, Ahmadinejad l'a nommé chef de son " groupe de jeunes conseillers " avant de lui confier le poste de président directeur général de " Pars Khorow ", deuxième usine de fabrication d'automobiles qui, en outre, représente la marque Renault en Iran.

La position du " chouchou " du Président de la République islamique est si solide que le rapport d'enquête du Parlement sur l'industrie automobile du pays est soudain devenu " confidentiel " et interdit de publication. En cas de diffusion de ce document, la position de Tabatabaï aurait été fragilisée quand on accuse les constructeurs d'automobiles de ralentir la production pour maintenir artificiellement élevé le prix des véhicules.

Mais, bien qu'aux affaires, les radicaux sont en réalité très divisés. Première raison, parce qu'ils n'ont pas su regrouper tous ceux de leur tendance dans les rangs du " Front uni ". L'un des exclus, Emad Afrough, leader du " Front des Fondamentalistes indépendants " et membre de la commission culturelle du Parlement l'a clairement dit : " Les fondamentalistes ne pourront pas gagner les élections sur une position unilatérale et opportuniste. Comment peuvent-ils se permettre de prétendre réunir 95% des conservateurs ? Comment, en effet, trois ailes politiques pourraient-elles représenter tous les fondamentalistes ". Ceci donne une idée de la multiplicité des clans radicaux proliférant sous la bannière de la République islamiste !

Deuxième raison, Ahmadinejad, arrivant au pouvoir, a exacerbé les tensions latentes entre courants radicaux. Il se crut alors suffisamment fort pour ne pas conclure d'alliance avec les différents clans. Résultat, quand la chambre est majoritairement conservatrice, le nouveau Président réussit la prouesse de la dresser contre lui. Elle refusa d'abord de voter le budget qu'il lui présentait, puis elle disqualifia les trois premiers candidats qu'il lui demandait d'introniser comme ministre du Pétrole.

Cerise sur le gâteau, le Parlement finit par obliger le gouvernement à mettre sur pied un système de rationnement de l'essence de 100 litres par mois et par automobiliste. Mise en vigueur en juillet 2006, cette mesure eut pour effet de provoquer des émeutes dans les grandes villes et de faire chuter la popularité du Président dans les couches populaires de la société qui constituaient les gros bataillons de son électorat.

Certes, les radicaux siègent au " Conseil des gardiens ", structure prévue par la Constitution et ayant pour mission d'accepter ou de refuser les candidats à la députation. Par ce moyen, comme déjà aux précédentes élections législatives, beaucoup de Réformateurs ont été écartés sous prétexte qu'ils ne présentaient pas les qualités de probité et de religiosité suffisantes. Néanmoins, sauf à transformer la convocation des électeurs en farce totale, les radicaux doivent maintenir quelques-uns des noms de leurs adversaires parmi les candidats. Il sera donc intéressant de voir combien de Réformateurs parviendront à se faire élire en dépit des méthodes mises en place pour limiter leur nombre à l'Assemblée nationale.

Il convient pourtant d'ajouter : même si les Réformateurs dominaient dans l'hémicycle, ce qui paraît bien improbable, l'Iran n'en serait pas pour autant un Etat de droit. En effet, tant que le "Conseil des gardiens" n'acceptera pas les candidatures de l'opposition non religieuse, partis de gauche, royalistes, libéraux et autres, l'Iran aura du mal à se faire passer pour un pays démocratique.


Hassan Chirazi

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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