CE QUI SE PASSE
EN IRAN...

février 2007

 

SITUATION CONFLICTUELLE AU SEIN DE LA CASTE RELIGIEUSE

Étrange pays que l'Iran ! Dans cet État ultra islamique, au moment des fêtes de Noël, magasins, appartements de la capitale et même des halls d'hôtels nationalisés arboraient sans gêne des sapins décorés comme en Occident.

Vue de nos pays on a de l'ancienne Perse la perception d'une caste religieuse monolithique se partageant le pouvoir. Sur le terrain, en réalité, quatre comportements s'observent chez les clercs (2).

Ò D'abord, bien sûr, les partisans de la faction au pouvoir, celle des conservateurs ligués derrière la personne du guide, Ali Khamenei, successeur de Khomeiny.

Ò Face à eux, des rebelles de toujours : avant même la révolution islamique, ils étaient opposés à l'implication du clergé dans la vie politique. D'abord dirigée par l'ayatollah Mohammad Kazem Shariat-Madari (3), l'hojjat ol-eslam (4) Mohammad Ali Abtahi est aujourd'hui la figure émergeante de cette ligne. Vice-Président de la République iranienne de 2001 à 2004, sous le Président Mohammad Khatami, il a été arrêté il y a deux mois, accusé " d'activités suspectes. " D'après nos informations sur le terrain, la mosquée qu'il dirigeait, à Machhad, a été rasée pour le punir.


Ò Viennent ensuite les déçus de la révolution islamique, partisans, au début, de l'ayatollah Khomeiny. Leur chef de file, l'ayatollah Hossein Ali Montazeri, est né en 1922. Après avoir participé à la révolution, il a dirigé la rédaction de la Constitution, institutionnalisant le " Vilayat-e-faqih " (Wilayat al faqih)(1). Toujours en faveur de ce dernier, il estime néanmoins la théorie mal appliquée. Héritier présumé de l'ayatollah Khomeiny, sa dénonciation des exécutions massives de prisonniers politiques, en 1988, l'ont marginalisé. Placé en résidence surveillée de 1997 à 2003, pour avoir mis en cause la légitimité du guide, Khamenei, âgé et malade, le pouvoir ne voit plus en lui un grand danger.

Ò La quatrième catégorie est formée de religieux en désaccord avec le pouvoir en place mais qui n'osent pas s'y opposer. Certains ont autrefois tenu des positions importantes. Dans ce groupe, nombreux, émergent une dizaine de personnes et parmi elles :

- l'ayatollah Yousof Sanehi,
- l'ayatollah Moussavi Ardebeli,
- l'ayatollah Moussavi Khoeni,
- l'ayatollah Taheri Esfehani,
- le mollah Abdoullah Nouri.

Cette catégorie enrichit ses rangs au fur et à mesure que les contradictions internes fragilisent le régime. Le mode de pensée des tenants de cette tendance est de plus en plus influent dans les écoles théologiques.

Khamenei craint cette catégorie informelle de dignitaires religieux à l'influence croissante. D'abord en raison de leur passé révolutionnaire. Ensuite parce qu'il sait leur niveau d'études, en matières théologiques, plus élevé que le sien.

Ò Il faut ajouter une autre ligne de fracture, celle dont Ali Akbar Hachemi Rafsandjani a le secret. Certes, il appartient lui aussi à la caste religieuse, il a cependant construit sa puissance sur son sens des affaires et détient aujourd'hui l'une des plus grandes fortunes d'Iran. S'il a subi un échec aux élections présidentielles de 2005, il reste un adversaire sérieux pour la ligne Khamenei. Il nous apparaît néanmoins peu sérieux de classer Rafsandjani dans la catégorie des opposants au système.

D'après nos informations, environ un millier de membres du clergé serait détenu en raison de leur mode de pensée " non-conforme. "

Il règne en Iran une atmosphère de fin de régime, semblable à celle que nous avons connue dans les pays communistes avant la chute du système soviétique. Pour Issa Saharkhiz (voir ci-contre),"Ahmadinedjad et Khamenei, par leurs comportements excessifs, ils font monter contre eux la colère populaire."

 

AHMADINEDJAD
LES PIEDS DANS LE TAPIS

Depuis sa prise de pouvoir en août 2005, Ahmadinedjad n'est pas parvenu à faire voter son budget par le Parlement. Les conflits de clans au sein du régime sont tels, que même le camp des conservateurs ne lui est pas acquis.

Résultat, paradoxe dans un pays qui jouit d'une rente pétrolière colossale, le Président a dû user d'expédients pour couvrir ses dépenses.

Ainsi, le montant des bourses d'étudiants iraniens a été revu à la baisse. Les autorités demandent aussi une taxe neuf fois plus élevée, passant de 4 000 tomans à 36 000 tomans (5), pour un passeport. Enfin, pour sortir du pays, les citoyens doivent payer une redevance qui a doublé. Elle passe à 20 000 tomans pour un premier voyage, à 40 000 pour un second.

La classe moyenne subit l'essentiel de ces augmentations. Dans un pays où l'on aime se rendre aux Émirats pour se changer les idées le temps d'un week-end, elles sont perçues comme une nouvelle brimade.

Les catégories sociales favorables au régime sont par contre privilégiées. Le salaire des "Gardiens de la Révolution (7)" a été multiplié par trois. Quant aux pensions des retraités de cette formation, elles ont doublé.
Les couples récemment mariés bénéficient aussi des largesses du Président. Mais, faute de liquidités, Ahmadinedjad a dû recourir à un expédient. Ainsi, le mausolée de l'Imam Reza, à Machhad, reçoit traditionnellement des dons importants en argent liquide des fidèles venus en pèlerinage. Le Président a fait main basse sur la caisse pour offrir un million de tomans aux jeunes époux (5).

Dans le même temps, le régime durcit ses règles morales. Le narguilhé, cette pipe à eau qui fait les charmes de l'Orient, est interdite dans les lieux publics. Prétexte invoqué, la santé des Iraniens. Les cameramen se plaignent pour leur part de restrictions nouvelles interdisant de filmer des monuments ou des lieux publics sans aucune justification.

À ces détails de la vie courante, on sent l'Iran s'acheminer vers une période de crise, résultat de contradictions ingérables.

 

Mohammad Ali Abtahi, ancien vice-Président de Khatami
 

 

 

 UN JOURNALISTE CONDAMNÉ
EN IRAN,

L'OCCIDENT SE TAIT...


Issa Saharkhiz, journaliste iranien, a été condamné à quatre ans de prison et cinq ans d'interdiction d'exercice de ses droits civiques.

Issa Saharkhiz, journaliste depuis 1983, chargé de la libéralisation de la presse iranienne sous le Président Mohammad Khatami, a été condamné par les tribunaux islamiques à la mi-novembre de l'année dernière. Ses juges l'accusent d'atteinte à l'ordre public pour avoir écrit des articles contre le système du "vilayat-e-faqih (1)." (wilayat el faqih) On lui reproche aussi d'avoir accordé des interviews à des journalistes étrangers.

Nous l'avons rencontré le 28 décembre 2006 à son domicile, à Téhéran, où il attend son incarcération.

"Je suis musulman, affirme-t-il, mais en faveur de réformes graduelles et pacifiques en faveur de la démocratie et des Droits de l'homme. En Iran, le vrai problème, c'est Khamenei. "

Avant cette dernière avanie, il avait vu les journaux dont il prenait la direction fermés les uns après les autres, réduisant les équipes rédactionnelles et administratives au chômage.

La correspondante du "Figaro" en Iran, Delphine Minoui, en outre prix Albert Londres, n'a pas rendu visite à Saharkhiz. Elle n'a pas non plus évoqué son nom dans le journal parisien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mohammad Khatami, ancien Président iranien
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Khamenei, "guide" de la Révolution islamique en Iran
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Depuis son arrivée au pouvoir Ahmadinejad multiplie les provocations à l'égard d'Israël. En octobre 2005, il a organisé une conférence "Le monde sans le sionisme." Puis, il a lancé un concours de caricatures sur l'Holocauste. Dernièrement, il a présidé un congrés révisionniste

Notes

(1) Système politique iranien qui place l'État sous l'autorité de la hiérarchie religieuse.

(2) Dans cet article, nous parlons de l'opposition religieuse. Précédemment, nous avons dressé un tableau de l'opposition laïque. voir " Opposition intérieure en Iran "

(3) Né en 1905, il a été placé en résidence surveillée en 1982, accusé de complicité dans une tentative d'attentat contre Khomeiny. En raison de sa haute position dans la hiérarchie religieuse, il a échappé à la peine capitale. Néanmoins, son parti a été dissous et son centre d'étude fermé. Il est mort en 1986.

(4) Dans la hiérarchie religieuse chiite, rang intermédiaire entre les mollahs et les ayatollahs.

(5) 10 000 tomans = 8,7 € au cours officiel. Le salaire moyen ne dépasse pas 250 € par mois.

(6) Il s'agit du 8ème imam de la lignée historique des dirigeants chiites. Intronisé en 818, il est mort en 835.

(7) Formation islamiste remplissant la fonction de garde prétorienne du régime.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com
 

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