Traduction de l'interview
d'Isaac Herzog
(Membre de la Cellule de sécurité du Gouvernement israélien)

Sur la BBC, le 18 Juillet 2006
à propos de l'intervention israélienne au Liban
BBC-Hardtalk

Cette interview, réalisée par la BBC, est un vrai travail de journaliste. Nous aimerions nos confrères travaillant dans la " grande " presse, en France, montrant le même professionnalisme. A la lecture des lignes qui suivent, on comprendra l'armée israélienne se rendant au Liban coupable de crimes de guerre. On verra aussi les objectifs israéliens nébuleux, tant la mission qu'ils disent s'être assignée est peu en relation avec leur tactique sur le terrain. Leurs attaques ressemblent plus à une destruction programmée du Liban qu'à une opération de sauvetage de deux soldats capturés par l'ennemi, voire à l'élimination d'une organisation qu'ils qualifient de terroriste.
Le Centre de Recherches sur le Terrorisme

 

Stephen Sackur, BBC-Hardtalk

Stephen Sackur : Quel est le principal objectif stratégique d'Israël au Liban aujourd'hui ?

 

 

Isaac Herzog

Isaac Herzog : Nous essayons de provoquer un changement total du mode de comportement d'une organisation terroriste (ndt: le Hezbollah) qui est membre du gouvernement libanais et décide par elle même de sa politique (avec nous), ouvrant le feu et détériorant la région. Nous avons une bonne connaissance des événements passés et des renseignements solides concernant les raisons qui ont amené (ndt : le Hezbollah) à agir ainsi. Par conséquent, nous opérons tout simplement pour détruire l'infrastructure de cette organisation, restaurer la tranquillité à la frontière, mettre en oeuvre la Résolution du Conseil de sécurité de 2000 (1) qui, pour l'essentiel, ordonnait le déploiement de forces (ndt : de l'armée libanaise) dans le Sud Liban et obtenir le retour sain et sauf de nos soldats en Israël.

S. Sackur : Oui, mais comme vous le spécifiez, la priorité numéro un, c'est d'éradiquer la menace du Hezbollah et vous avez un collègue, un général de votre armée, Ido Nehushtan, qui a dit cela de manière plus simple. Je le cite : " Nous avons besoin de mettre le Hezbollah hors jeu. " Qu'est-ce qui vous fait croire que vos opérations actuelles vont mettre le Hezbollah hors jeu?

I. Herzog : Nous savons que l'on ne peut pas mettre hors jeu un prétendu mouvement politique, un mouvement idéologique. Ce que l'on peut faire en réalité c'est gêner et affaiblir ses capacités terroristes. Vous voyez que le Hezbollah a amassé une quantité énorme de munitions et de missiles, a reçu beaucoup d'aide technique d'Iran, de Syrie et d'ailleurs au Liban, donc sous les yeux du gouvernement souverain (ndt : de ce pays). Ceci inclut des missiles de longue portée, allant jusqu'à 200 kilomètres, et des roquettes " katioucha (2). " Vous l'avez dit, nous voulons nous assurer que ces armes ne seront pas utilisées. C'est toute cette infrastructure (ndt : ce stock) de 10 000 roquettes et missiles que nous essayons de mettre hors jeu.

S. Sackur : Monsieur Herzog, je suis sûr que vous avez un sens élevé de l'Histoire. Vous savez mieux que moi que pendant deux décennies les troupes israéliennes étaient au Liban (3). Il y avait des milliers de soldats israéliens au Sud Liban et ils n'ont pas pu détruire l'infrastructure du Hezbollah. Ils ne sont pas parvenus à détruire les roquettes " katioucha " du Hezbollah alors. Aujourd'hui, vous n'avez pas de troupes au sol. Vous vous contentez de frapper le Liban du ciel, de la mer et avec l'artillerie. Cela ne va pas marcher, n'est-ce pas ?

I. Herzog : C'est absolument faux, avec tous mes respects. Premièrement, il est vrai que nous sommes entrés au Liban quand le Hezbollah n'existait pas (4). Il est apparu plus tard. En fait, nous avons déployé (ndt : il veut dire retiré) nos forces du Liban de manière très audacieuse. C'était une initiative unilatérale effectuée en mai 2000 (5) avec la bénédiction de toute la communauté internationale. C'est pourquoi votre question est tout à fait de circonstance. Si Israël a fait un pas unilatéral en faveur de la paix régionale, comme lorsqu'elle s'est retirée de Gaza, cela ne doit pas être interprété comme un signe appelant l'ennemi à continuer de tirer sur Israël ou de l'intérieur d'Israël. Cela n'aurait aucun sens. Toute la formule se résumait, souvenez-vous, à " la terre contre la paix. " Israël se retire et la paix règne sur la frontière. Nul, comme un élément extrémiste et lunatique, dans le style d'Al Qaïda, ne saurait interpréter cela comme un signe de faiblesse, continuant de tirer, kidnapper, enlever, organiser des insurrections et autres. Ceci doit avoir une fin. Ce mode opératoire doit cesser dans le cadre de la paix au Moyen Orient.

S. Sackur : Néanmoins avec tout le respect que je vous dois, vous n'avez pas répondu à ma question. Ma question est : si vous avez échoué pendant ces deux décennies à éradiquer le Hezbollah et à détruire ses roquettes en ayant des soldats au sol, comment comptez-vous y parvenir avec le type d'offensive que vous menez ?

I.H. : Parce que nous réduisons les capacités de tirs de missiles et de roquettes (du Hezbollah), que nous frappons ses postes de commandement, ses quartiers généraux et sa population au sol sur toute leur infrastructure libanaise, nous croyons que cela est tout à fait possible et ...

S. Sackur (l'interrompant) : Vous savez qu'au cours des dernières quarante huit heures, il y a eu plus de roquettes qui sont tombées sur Israël, et ceci profondément dans le territoire, que jamais auparavant.

I. Herzog : C'est exact, nous avons essuyé un nombre énorme de tirs de roquettes et de missiles sur la partie nord d'Israël, y compris il y a juste une demie heure, avec des pertes hélas ! Et déjà, je dois vous dire, que si vous regardez les chiffres, nous croyons que c'est en diminution. Nous croyons que ces tirs manquent de précision et que ce sont juste des tirs partant da la zone frontière, tout cela pour décourager Israël de continuer. Nous savons que nous frappons ceux qui effectuent ces tirs, nous visons les tireurs et ceux qui donnent les ordres. Vous avez posez une bonne question, mais quelle est l'alternative à la fin ? Ce sera, comme vous le savez un accord international qui devra être imposé. Autrement, comme vous me le dites, il faudra aussi un assaut terrestre, pour terminer le travail, et encore nous le ferons en application de nos plans et nous croyons que cela progresse comme nous l'avions planifié.

S. Sackur : Avant d'aller plus moins, répondez-nous sur ce point précis : comme membre de la Cellule de sécurité du gouvernement israélien, êtes-vous en train de m'expliquer que vous n'avez pas écarté la possibilité d'envoyer une force terrestre significative (ndt : au Liban) ? (6)

I. Herzog : Nous n'avons écarté aucun moyen ou aucun outil pour mener à bien cette opération et nous déciderons au gré de l'évolution des événements. Dans l'état actuel des choses, vous pouvez voir que nous n'avons pas lancé d'assaut terrestre d'importance. Nous essayons de cibler et frapper directement les tireurs eux-mêmes, droit sur les unités qui veulent tirer un missile... Cela ne réussit pas à tous les coups. Nous devons les détecter. C'est aussi un grand nombre d'armes et encore nous progressons conformément à nos plans et toute la chaîne de commandement de Nasrallah à Beyrouth a été totalement éradiquée.

S. Sackur : Pourquoi votre Premier ministre, Ehud Olmert, a-t-il décidé qu'il n'y aurait pas d'échange pour récupérer les deux soldats prisonniers au Liban, quand il est évident pour tous qu'Israël négociera quand elle l'estimera nécessaire ?

I. Herzog : Parce que cela devient un modèle de conduite pour Nasrallah et les autres organisations extrémistes qui ont décidé que le point faible d'Israël, sa fibre sensible, était l'enlèvement de citoyens ou de soldats. Cela ne doit pas être. Cela doit cesser.

S. Sackur : Avec les différents gouvernements, ce type de situation se renouvelle. Les ministres montent à la tribune pour dire que cette fois ils ne négocieront pas. C'est un mauvais message, un faux signal qui est envoyé et en fin de compte, quelques jours ou quelques semaines plus tard, un accord est passé. Nous avons vu cela si souvent au cours des années. Je vais juste citer votre ministre de la Sécurité publique, M. Avi Dichter, il y a quelques heures. Il a dit : " le jour viendra où nous devrons envisager de négocier à propos des prisonniers libanais afin de ramener nos soldats à la maison. " Vous n'êtes même pas unis (ndt : sur ce point) au sein du gouvernement.

I. Herzog : Non, nous sommes unis et, bien sûr, les propos de Dichter ont été à nouveau expliqués un peu plus tard. Cela avait été dit dans un contexte général, comme nous voyons les choses le jour d'après. Laissez-moi vous expliquer que la tragédie du Moyen-Orient repose sur le fait que nous sommes une coalition de partenaires modérés avec l'Egypte, la Jordanie, la Turquie et d'autres modérés le Fatah, Abou Mazen lui-même, le président de l'Autorité palestinienne. Nous avons deux choix : ou renforcer les éléments modérés. Le Premier ministre Olmert devait rencontrer le Président Abbas (7) et devait relâcher des centaines de prisonniers afin de montrer qu'il existe des résultats tangibles à se conduire en partenaire modéré ; sinon, l'alternative est de s'enfoncer dans le chantage et l'extorsion. Nous rejetons fermement l'extorsion et le chantage. C'est clairement notre position en ce qui concerne l'échange de prisonniers.

S. Sackur : Alors si je vous cite les dizaines d'échanges de prisonniers effectués dans le passé, y compris sous le Premier ministre du Likoud Benjamin Netanyahou, vous rétorquez que cette fois cela ne se produira pas, point.

I. Herzog : Absolument. Nous l'avons montré, parce que dans les circonstances actuelles avec les attaques que nous avons lancées, nous prouvons que nous sommes pas en train de reculer en raison des enlèvements, que nous donnons une priorité extrême à la libération de nos prisonniers et que nous ferons tout ce qui est nécessaire pour les ramener à la maison (8).

S. Sackur : Jusqu'ici, au cours de cette interview, vous avez réservé vos réponses sur
le Hezbollah, mais allez-vous mettre une fin à la punition collective infligée au peuple libanais pour l'action du Hezbollah ?

I. Herzog : C'est tout à fait tragique et extrêmement pénible, croyez-moi. Aucun d'entre nous n'a voulu ça. Mais voilà l'histoire et le problème. Le gouvernement libanais existe. Est-il exempté de toute responsabilité oui ou non ? Les membres de leur coalition sont-ils en conflit avec le Hezbollah, oui ou non ? Qu'avons nous fait, sinon d'attaquer l'infrastructure qui aide le Hezbollah, comme l'aéroport international, qui est le principal moyen de communication avec l'Iran et Damas ?

 S. Sackur (interrompant) : Laissez-moi vous arrêter. Je soupçonnais que vous alliez dire cela. Je vais continuer avec vous. Il y a d'autres sites que vous avez attaqués. Vous avez bombardé des routes, des ponts, des aérodromes. Hier, vous avez attaqué une usine qui fabrique du papier. Est-ce que tout cela forme l'infrastructure du Hezbollah ?

I. Herzog: Premièrement, nous avons dit que nous prenions pour cibles l'infrastructure utilisée par les camions, les trains (9), les avions, qui peuvent apporter au Hezbollah des chargements de missiles sur le terrain. De fait, aujourd'hui, nous avons tiré contre un convoi de camions transportant des munitions au Hezbollah. Cela aurait être aussi bien une tragique erreur et nous le savons...

 S. Sackur (interrompant) : Vous connaissez les chiffres aussi bien que moi. Vous avez tué plus de deux cents civils libanais jusqu'à aujourd'hui, dont de nombreuses femmes et de nombreux enfants. Vous vous êtes aussi débrouillés pour tuer huit citoyens Canadiens. Est-ce le moyen de mener une campagne ciblée contre le Hezbollah ?

I. Herzog : Je pense que quelques-uns des chiffres sont faussés. Oui, il y a de tragiques événements et nous en sommes désolés. Je peux vous dire que nous donnons des instructions à nos militaires pour qu'au cas du moindre doute concernant la présence d'innocents dans un secteur, ils ne mènent pas une opération (10). Il y a cependant un dilemme essentiel, lié au fait qu'une partie de ces infrastructures sont au sein des habitations, où les citoyens ont accepté d'héberger les munitions. Nous les prévenons à l'avance, les invitant à quitter le voisinage. De fait, dans la banlieue sud de Beyrouth, pas un citoyen n'a été touché après que nous ayons prévenus la population vingt quatre heures avant (11). Nous avons un problème, normalement les organisations terroristes de cette nature essaient d'agir cachées dans la population et, croyez moi, non seulement c'est pénible, mais nous essayons de notre mieux d'éviter que quiconque ne soit touché.

S. Sackur : Laissez-moi vous lire l'article 3 des conventions concernant les crimes de guerre du Tribunal (international) de La Haye. Ce sont ces principes qui sont pris en considération pour les (affaires) de l'ancienne Yougoslavie. C'est spécialement cité et je lis : " la destruction sans motif de villes ou de villages, ou (les) dévastations sans exigences militaires, " je continue, " caractérisent le crime qui peut être sous jacent en cas d'attaque ou de bombardement par quelque moyen que ce soit contre des villes et des villages sans défense, des habitations ou des bâtiments. " Ne vous sentez vous pas mal à l'aise quand je vous lis ça ?

I. Herzog : Non, parce que non seulement nous prenons en considération chaque cible et l'analysons du point de vue légal, mais aussi parce que nous essayons de limiter nos tirs, autant que possible, à l'infrastructure terroriste qui nous défie. Elle nous envoie des roquettes. Elle a tiré plus de deux mille missiles et roquettes contre des citoyens israéliens, des enfants innocents et des femmes de notre côté de la frontière. Puis-je vous rappeler que l'Union européenne, je veux dire l'OTAN, a mené des opérations de cette nature dans l'ancienne Yougoslavie, quand elle a eu à mettre fin à la loi des pires des gens qui gouvernaient les lieux. C'est exactement ce que nous sommes en train de faire pour Nasrallah...

S. Sackur (interrompant) : Il est intéressant de savoir que l'un de vos propres collègues de la gauche israélienne, autrefois un membre au Parti travailliste et aujourd'hui au Meretz, Yossi Belein, a dit (à propos de l'attaque contre le Liban) : " Ceci a été trop loin. " Il a ajouté : " Attaquer des infrastructures civiles, " ce sont ses mots, non les miens, " au Liban, n'est pas le meilleur moyen de lutter contre notre ennemi. Notre ennemi n'est ni le Liban, ni son gouvernement, ni ses citoyens. C'est le Hezbollah. "

I. Herzog : C'est vrai, c'est exactement ce que le Premier ministre a dit hier sur le sol même du Parlement. Nous avons une excellente démocratie, active et passionnée. Yossi Beilin est un membre respecté de notre Parlement et a lui même admis, y compris par écrit, que nous devions prendre des mesures sévères contre certains éléments de la région.

S. Sackur : Et maintenant, il pense que vous avez été trop loin.

I. Herzog : (Une dizaine de mots incompréhensibles).

S. Sackur : Laissez moi continuer. Je suis confronté à des points confus, parce que d'un côté vous dites que le gouvernement libanais doit, jusqu'à un certain point, être considéré comme responsable ayant échoué à éradiquer le Hezbollah et sa menace à partir du Sud Liban. D'un autre côté, nous avons des généraux les plus importants, comme le général Halutz, qui dit sur la télévision israélienne, je cite : " Si nos soldats ne rentrent pas, nous renverrons le Liban vingt ans en arrière. " N'est-il pas au courant de la violence qui régnait au Liban il y a vingt ans, de l'anarchie et du chaos qui ont été les véritables causes de l'enracinement du Hezbollah au Liban. Si vous faites tourner les aiguilles de la montre vingt ans en arrière, vous allez tout simplement accroître la puissance du Hezbollah.

I. Herzog : La manière dont cela a été décrit est différente. C'est plutôt en raison du manque de précaution, disons même à l'indifférence du gouvernement libanais, que cela (le Hezbollah) s'est développé sous ses yeux à travers le Liban. D'une certaine manière, c'est lui qui détruit le pays et l'entraîne dans le chaos et la terreur. Il a permis à un élément cancéreux de mettre sur pied les éléments principaux de son infrastructure (12).

S. Sackur (interrompant) : Pardonnez-moi, je ne vois tout simplement pas comment une semaine de bombardement d'infrastructures civiles, un pilonnage massif de cibles libanaises et la tuerie de centaines de civils peuvent renforcer le gouvernement central et son autorité sur le Liban.

I. Herzog : Je pense que vous décrivez les choses du mauvais point de vue. Pourquoi dis-je cela ? Parce que nous déclarons que nous attaquons les infrastructures qui aident l'organisation terroriste à opérer en toute liberté au Liban et c'est ce que nous avons fait en réalité. Nous avons mis sur la table, devant le gouvernement libanais, une question essentielle à laquelle il est en train de répondre. Il dit, oui, maintenant nous sommes prêts à appliquer la Résolution du Conseil de sécurité, oui nous sommes prêts à déployer l'armée libanaise dans le Sud du pays. C'est exactement ce que nous les encourageons à faire et c'est exactement ce que le Premier ministre (ndt : israélien), hier, a évoqué devant le Parlement israélien.

S. Sackur : N'est-il pas vrai que, si vous vouliez bloquer le Hezbollah et sa stratégie à long terme, vous devriez chercher ailleurs, à Damas ou à Téhéran ? Nous avons entendu George Bush parlant à Tony Blair en aparté pendant le sommet du G8. Il disait, je cite, que " la clé est d'obliger la Syrie à forcer le Hezbollah à arrêter de semer cette merde et c'est fini... " C'est ce qu'a dit le Président Bush. Voyez-vous les choses comme cela ?

I. Herzog : Eh ! bien, je pense qu'il a décrit les choses dans le moment d'une manière très claire.

S. Sackur (interrompant) : Alors, pourquoi vous en prendre au Liban, détruisant le pays si vous admettez que vous devriez vous retourner contre Damas après ?

I. Herzog : D'abord parce que, nous l'avons déjà dit, il existe un axe du mal passant par Téhéran, Damas et Beyrouth, où le Hezbollah est basé et opère, lançant ses missiles sur Israël. Nous avons aussi dit que nous avions vu tout le temps des missiles iraniens et syriens tirés sur nous. Mais, aujourd'hui, nous nous concentrons sur le déracinement de l'infrastructure de cette organisation terroriste au Liban (ndt : quelques mots inaudibles). Cela relève de la responsabilité de la communauté internationale d'exercer des pressions sur la Syrie et sur Téhéran pour faire comprendre à ces dernières qu'elles seront considérées comme responsables de ce qui se passera dans la région.

S. Sackur : Est-ce que c'est la réponse appropriée que de dire que vous allez seulement vous occuper de la menace au Liban et que vous allez laisser la communauté internationale négocier avec Damas et Téhéran. Vous savez très bien que si vous détruisez, par exemple 5000 roquettes " Katioucha " et leurs lanceurs, dans les jours qui suivent, Damas et Téhéran peuvent réapprovisionner le Hezbollah ?

I. Herzog : Nous croyons que Damas autant que Téhéran comprennent que nous sommes sérieux, qu'ils sont responsables pour ce qui se passe dans la région et qu'il y a un front international positionné face à eux pour cette raison. Au passage, nous mentionnons aussi cela parce que Damas alimente un des plus grands et des plus durs réseaux terroristes du monde. Khaled Mechaal a fondé et dirige une branche du Hamas qui donne l'ordre de ne pas négocier et explique comment continuer à attaquer Israël. Il y a tout un réseau ici auquel, nous Israéliens, sommes en première ligne du monde libéral, moderne et démocratique.

S. Sackur : Aussitôt que possible, Tony Blair et Kofi Annan veulent mettre en position une force d'interposition des Nations unies au Sud Liban. Approuvez-vous cela ?

I. Herzog: Nous ne refusons aucunes alternatives proposées si elles sont raisonnables. Notre expérience passée avec les forces des Nations unies au Liban n'a cependant pas été très satisfaisante. En fait, l'une des pires opérations déclanchées il y a quelques années s'est déroulée sous les yeux de la FINUL. Nous n'avons pas été content du fonctionnement de cet organisme. C'est pourquoi toute solution proposée devra être fiable, reposer sur la force et offrir des moyens coercitifs (13).

S. Sackur (interrompant) : Je vous demande une réponse claire, parce que maintenant, le temps presse. Des gens meurent des deux côtés de la frontière. Tony Blair veut cette force s'installant aussi rapidement que possible. Il me semble que vous n'accueillez pas cette idée favorablement et que vous ne l'approuverez pas.

I. Herzog : L'initiative qu'actuellement (ndt : nous connaissons) et qui a été présentée hier par le Premier ministre (israélien) était d'obtenir le déploiement de l'armée libanaise dans le Sud Liban. S'il existe une autre idée, elle doit être discutée, pourvu qu'elle soit fiable. La force des Nations unies, jusqu'à aujourd'hui, n'a pas fonctionné. Elle n'a pas empêché le Hezbollah d'attaquer et d'installer son infrastructure. Alors, quelle est son utilité ? S'il existe une nation souveraine et un gouvernement souverain au Liban assez fort pour déployer ses brigades dans le Sud Liban, qu'il s'assure qu'il n'y aura plus d'unités du Hezbollah au Liban (14). Et si nos soldats sont libérés, je crois que les choses peuvent retourner très, très vite à la normale. Nous voulons tous cela, croyez-moi (15).

S. Sackur : Condoleezza Rice, le Secrétaire d'Etat américain, se rend pour une courte visite dans la région. Vous savez que vous n'avez plus longtemps à pilonner le Liban parce que les Américains ne peuvent pas tolérer cela indéfiniment. Combien de temps avez-vous encore à votre avis ?

I. Herzog : La question est, qui peut exercer une pression sur le Hezbollah pour arrêter ses tirs, ses obus, ses mortiers, ses canons et ses missiles ? C'est cela la question. Je veux dire, vous pouvez nous inviter, nous Israéliens, à arrêter nos tirs. Mais que se passera-t-il de l'autre côté ? Est-ce que ce sera une victoire définitive sur une des organisations terroristes les plus impitoyables du monde ? Ce qui se passe ici (ndt : au Liban) c'est l'affrontement (inaudible). Les nations doivent présenter une demande claire à l'autre côté et s'assurer qu'il l'applique.

S. Sackur : Vous êtes découragé aujourd'hui, parce qu'après tout, vous êtes de la gauche, en Israël. Votre père a été un leader du Parti travailliste. Vous avez aussi rejoint ce gouvernement croyant au compromis territorial. Mais, maintenant, regardez la situation. Vos troupes assiègent Gaza, votre armée et votre aviation pilonnent le Liban. Vous devez être très déprimé en voyant comment les choses se déroulent.

I. Herzog : Laissez moi vous dire une chose. Je crois que cette expérience est un moment du processus qui doit nous apporter la paix. Pourquoi ? Je vous explique. J'ai aussi servi dans le gouvernement d'Ariel Sharon l'année dernière. C'était quand nous avons traversé l'un des moments les plus difficiles de notre histoire en déracinant nos frères et nos soeurs de Gaza. Nous leur avons dit de rentrer à la maison, que la paix régnerait à la frontière d'Israël et de Gaza. Cela n'est pas arrivé. Nous nous sommes retirés et on nous a tiré dessus. Nous voyons la même chose au Liban. Cela doit changer. Nous voulons la paix et, croyez moi, nous avons l'un des gouvernements les plus modérés et les plus pacifiques. Il veut tendre sa main aussi loin que possible pour faciliter les concessions territoriales les plus difficiles en Cisjordanie. Notre Premier ministre a posé cela clairement dans son programme de réajustement. Et ce réajustement peut-être mis en route seulement si nous sommes assurés que l'on ne nous tirera pas dessus après.

S. Sackur : Isaac Herzog à Tel Aviv, merci beaucoup d'être venu sur " Hardtalk."

I. Herzog : Je vous remercie.

 
 
 
 
 
 
L'aéroport de Beyrouth bombardé par l'aviation israélienne
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le 15 juillet les Israéliens somment les habitants de Marwahin de quitter le village. Deux familles prennent la route, elles seront décimées par l'aviation israélienne.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Point de contrôle de l'armée libanaise
bombardé. Cette même armée dont les Israéliens exigent la présence dans le Sud Liban pour arrêter les hostilités.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Restes d'une maison bombardée par l'aviation israélienne
Restes d'une maison bombardée par l'aviation israélienne. Tous ses habitants sont morts.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Pont détruit par l'aviation israélienne
Pont détruit par l'aviation israélienne.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Bombardement de la banlieue sud du Liban
Banlieue sud, canalisations éventrées.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Corps d'une fillette retiré des décombres
Le corps sans vie d'une petite fille dégagé
des décombres de sa maison. Toute sa
famille a péri avec elle.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Enfants morts sous les bombardements israéliens
Plus de la moitié des victimes civiles sont des enfants.

NOTES

(1) Il s'agit de la Résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies, votée non en 2000, mais le 2 septembre 2004. Entre autres, elle ordonne au Liban de désarmer les " groupes " armés. Ce qui signifie les Palestiniens dans les camps de réfugiés et les Hezbollah. Rappelons qu'Israël, depuis sa création, n'a pas appliqué des centaines de Résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale des Nations unies (voir " Les résolutions bafouées des Nations Unies ").

(2) Les " Katioucha " sont des roquettes créées par les Soviétiques et aujourd'hui fabriquées dans plusieurs anciens pays amis de l'URSS, dont la Chine. Aucun missile d'une portée de 200 kilomètres n'a été tiré par le Hezbollah.

(3) La première pénétration en force d'Israël au Liban remonte au 14 mars 1978 et s'est arrêtée au fleuve Litani, dans la partie sud du pays. Les Israéliens se replient le 13 juin 1978. Le 6 juin 1982, ils attaquent de nouveau et remontent jusqu'à Beyrouth pour chasser les Palestiniens. En réponse, les Iraniens envoient des hommes dans la Bekaa et encadrent l'émergence de partis islamistes chiites qui, se réunissant quelques années plus tard, formeront le Hezbollah. Les Israéliens se replient en plusieurs vagues et continuent d'occuper une bande de territoire libanais au Sud à partir du 1er juin 1985. En mai 2000, les Israéliens quittent le Liban, sauf la vallée des fermes de Chebaa qui reste une pomme de discorde avec Beyrouth et une raison de continuer ses attaques pour le Hezbollah.

(4) De fait, le Hezbollah n'existe pas au Liban en 1982. Sa naissance, plus tardive est la conséquence de l'occupation du Liban par Israël et de l'instrumentalisation de celle-ci par l'Iran.

(5) Le retrait des forces israéliennes du Liban, en mai 2000, se déroule dans des conditions ignobles. Les miliciens libanais enrôlés par Israël, et qui croient défendre le sol libanais, sont, en l'espace d'une heure, confrontés à un choix terrible : quitter leur pays sans espoir d'y revenir ou rester au risque de perdre la vie. Des négociations avaient été initiées avec les Nations unies pour assurer le maintien de ces soldats dans leur pays en toute sécurité. Les Israéliens ont quitté brusquement le Liban rendant ces négociations stériles.

(6) Plusieurs unités de soldats israéliens étaient déjà au Liban au moment de l'interview.

(7) Abbas et Abou Mazen sont la même personne, le chef de l'Autorité palestinienne. Les Palestiniens attendent toujours les libérations de prisonniers.

(8) On peut douter que l'objectif principal des Israéliens soit de ramener leurs deux soldats " à la maison. " En effet, lançant un assaut contre le Liban, ils mettent la vie des deux prisonniers en danger si les hommes du Hezbollah se laissent aller à la vengeance. Ils risquent aussi de les tuer en bombardant les infrastructures du Hezbollah.

(9) Il n'y a aucune ligne de chemins de fer en activité au Liban.

(10) Compte tenu du fait que l'essentiel des blessés et des morts sont des civils, cette affirmation porterait à sourire si la situation n'était aussi tragique.

(11) M. Herzog s'aventure. On compte quelques dizaines de morts civils dans les ruines de la banlieue sud de Beyrouth.

(12) La majorité du gouvernement, à l'exception des chiites, souhaitent le désarmement du Hezbollah. De difficiles négociations étaient en cours pour obtenir ce désarmement dans des conditions acceptables pour tous. Le consensus était nécessaire pour éviter l'éclatement d'une nouvelle guerre civile.

(13) M. Herzog devrait se renseigner. La mission de la FINUL, sous casque bleu des Nations unies, n'est pas coercitive. Elle se limite à l'observation. Présente dans le Sud du Liban depuis mars 1978, la FINUL n'a jamais empêché aucune force militaire de franchir la frontière. Qu'il s'agisse de commandos palestiniens, descendant vers le sud pour attaquer Israël, ou d'Israéliens remontant vers le nord pour attaquer le Liban. Du reste, en 1978 et en 1982 (voir note 3), les hommes de la FINUL n'ont pas bougé. Ils ont juste rendu compte de l'entrée des forces israéliennes au Liban. M. Herzog est donc mal venu de critiquer " l'inutilité " de la FINUL.

(14) M. Herzog présente une position étonnante : on voit l'action de l'armée israélienne affaiblissant le gouvernement du Liban. Dès lors, comment ce gouvernement affaibli pourrait-il trouver la force de positionner ses troupes au Sud Liban et d'en chasser le Hezbollah.

(15) Nouvelle contradiction de Herzog. Dans son propos, il affirmait plus haut l'armée israélienne et le gouvernement décidés à détruire l'infrastructure du Hezbollah et présentait cela comme la priorité. Affirmant les hostilités pouvoir s'arrêter avec la remise des soldats faits prisonniers, on ne sait plus quelle est la priorité réelle d'Israël dans cette guerre. Nous pensons les autorités israéliennes savoir exactement ce qu'elles veulent. Mais il y a les faux prétextes et les objectifs véritables.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001

 

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