RÉVÉLATIONS :
LA CAPTURE DE JAMES FOLEY

octobre 2014

Comme on le sait, James Foley est un journaliste américain qui a été assassiné par le prétendu État islamique (Daech) le 19 août 2014 en Syrie. Il est né à Rochester, dans le New Hampshire (USA), le 18 octobre 1973. Photoreporter, il faisait déjà partie du groupe de journalistes incarcérés en Libye par Mouammar Kadhafi au printemps 2011 et avait passé 44 jours interné. Il travaillait essentiellement pour le Global Post, un site Internet d’information international. Deux contacts syriens nous ont fait un récit cohérent, que nous avons pu partiellement vérifier, de la détention de Foley dans leur pays. Nous croyons nécessaire de publier ces informations exclusives pour donner une vision plus exacte de la guerre civile syrienne.

James Foley a été capturé le 22 novembre 2013 dans le nord de la Syrie par le groupe Ansar Al Khilafah (les partisans du califat), qualifié par les uns de branche d’Al-Nosra, groupe jihadiste rattaché à Al-Qaïda, pour les autres de gang mafieux infiltré par des éléments du régime de Damas. À ces quelques mots, on apprécie la complexité de la configuration du terrain des affrontements en Syrie.

L’un de mes informateurs a été appelé par un ami syrien vivant aux États-Unis pour essayer de contacter les kidnappeurs afin de négocier la libération de Foley. Ansar Al-Khilafah a nié avoir capturé le journaliste. Usant de ses relations sur le terrain, l’informateur a néanmoins réussi à découvrir où le prisonnier était détenu : une ferme perdue dans la campagne au nord d’Idlib.

Finalement, l’informateur est parvenu à entrer en contact avec l’un des gardiens de Foley qui a accepté de s’enfuir avec celui-ci en échange d’argent et de l’assurance de pouvoir trouver asile en Europe (1). L’opération devait se dérouler à la fin du mois de février 2013.

Néanmoins, un intermédiaire égyptien, qui se disait mandaté par la famille de Foley, s’est introduit dans le processus. Mais cherchant sans doute à tirer un profit supplémentaire, il a tenté de piéger le gardien, donnant à la police turque le lieu et la date de la remise de l’otage sur le sol sous sa juridiction. Apprenant la chose suite à une indiscrétion, le gardien a coupé le contact et, bien sûr, ne s’est pas rendu en Turquie avec l’otage. Une occasion manquée et un pas supplémentaire vers l’issue fatale.

En effet, au mois de mai 2013, quelqu’un a offert 50 000 $ US en échange de Foley. La personne en question s’appelle Mohammed Qarna, un proche de Mohammed Hamcho (2), homme d’affaires associé au régime de Damas.

Évoquée plus comme une hypothèse qu’une certitude par plusieurs médias, la détention de Foley par les autorités syriennes est difficilement réfutable. Plusieurs personnes et institutions (3) sont entrées en relation avec Damas à ce propos. Or, Damas a toujours tenu des propos confirmant implicitement la détention de Foley par leurs services. Mieux, les autorités sont allées jusqu’à mettre en avant ce qui lui était officiellement reproché : son entrée illégale, aux yeux du pouvoir, sur le territoire syrien.

Par mes informateurs, Foley, ai-je appris, a d’abord été détenu par les services de renseignement de l’armée de l’air syrienne (4) dans un bâtiment du village de Yaafour (5). Il y est resté 40 jours puis a été transféré à la Section 235, surnommée Section Palestine, à la fois structure d’interrogatoire et de détention. Là, il était retenu dans la cellule n° 12, précise un informateur qui a parlé à un homme travaillant à la Section 235.

Mais de nouveaux événements allaient changer la donne.

À l’automne 2013, avec les combattants de Daech (6), Omar Al-Chichani (7) et d’autres groupes encerclaient la prison d’Alep qui était sur le point de tomber entre leurs mains. Le régime de Damas a alors pris langue avec Al-Chichani lui offrant des prisonniers en échange de son départ du secteur avec ses hommes.

De fait, vers la fin du mois d’octobre 2013, le groupe d’Al-Chichani a quitté le secteur de la prison d’Alep sous prétexte de renforcer le front à l’est du pays. Avec lui, il emmenait deux Syriens et deux Saoudiens libérés par Damas, mais aussi Foley, qui devenait ainsi le prisonnier de Daech.

Foley s’est alors retrouvé détenu au lieu-dit « le Club équestre », dans la ville de Raqqa, sur l’Euphrate. Jusqu’au 11 août 2014, quand il a été emmené vers une destination inconnue. Le 19 août, il était exécuté par égorgement. On ne peut pas faire comme si le régime syrien ne portait pas une responsabilité très lourde dans cet assassinat.


NOTES

(1) De nombreux membres des groupes jihadistes souhaiteraient quitter la Syrie.
(2) Mohammed Hamcho est un homme lige du régime syrien. Hamcho fait partie, aux côtés de Bachar Al-Assad, de la liste des personnes soumises à des restrictions d’activités par décision du Conseil de Sécurité datée du 23 mai 2011.
(3) Parmi ces personnes et institutions : un Libanais de la famille Eid et Philip Balboni.
(4) Hafez Al-Assad avait créé un service de renseignement pour l’armée de l’air quand il en était le chef d’état-major.
(5) À 20 km à l’ouest de Damas.
(6) Comme vu plus haut, l’État islamique.
(7) C’est un Tchétchène, un étranger à la Syrie donc, comme le plus grand nombre des combattants de Daech.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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