DES OPPOSANTS LIVRÉS
À TÉHÉRAN PAR LES TALIBAN

août 2009

Fin 2008, on apprenait qu’un groupe de combattants du Jundullah (ou Jundallah, Jondollah) était prisonnier des autorités iraniennes (1). Le 14 juillet dernier (2009), 13 membres de l’organisation étaient pendus à Zahedan, capitale du Baloutchistan iranien.

A entendre Téhéran et Islamabad, les Pakistanais auraient procédé à la capture des hommes du Jundullah pour les remettre aux Iraniens. D’après nos informations venues du terrain, la vérité est quelque peu différente.

Pour mémoire, le territoire des Baloutches, ethnie de religion sunnite, est partagé entre le Pakistan, l’Iran et, pour une plus faible part, l’Afghanistan. Or, détail d’importance, c’est dans les zones désertiques du sud-ouest de ce dernier pays que le Jundullah a installé ses maquis.

Jusqu’ici, protégé par la frontière, qui interdit les attaques directes iraniennes, et servi par l’incapacité des forces armées afghanes et de leurs alliés étrangers à contrôler le pays, le Jundullah jouissait d’une quasi impunité. État de fait renforcé, croyons-nous nécessaire de préciser, par les relations entretenues par la CIA et les services britanniques avec un mouvement qui recourt, pourtant, aux méthodes terroristes (2).

Les Iraniens ont contourné la difficulté. Puisque les autorités afghanes et les forces d’occupations ne pouvaient et (ou) ne voulaient pas réduire le Jundullah, ils ont décidé de s’adresser aux adversaires de Kaboul, les Taliban, pour faire la travail.

Des officiers des services secrets iraniens et des Pasdaran se sont rendus à Quetta, au Pakistan, où vivent plusieurs responsables des Taliban. Là, ils ont donné à ces derniers les informations nécessaires pour débusquer les hommes du Jundullah.

Quelques semaines plus tard, les Taliban afghans lançaient une opération dans la région frontalière jouxtant l’Iran, là où les opposants à Téhéran tiennent garnison. Selon Mollah Abdul Aziz, un commandant des Taliban résidant à Quetta, l’attaque aurait eu lieu dans le secteur de Toftan. Le chef du Jundullah, Abdul Malek Rigi, est parvenu à s’échapper en moto (3). Mais les Taliban ont capturé son frère, Abdul-Hamid Rigi, Majid Balutch et cinq autres hommes du groupe.

 

Le Jundullah diffuse sur Internet des vidéos de ses opérations.

 

 

La remise des prisonniers aux Iraniens s’est effectuée à Quetta, sous la supervision des autorités pakistanaises. Les captifs, mis à part Abdul-Hamid Rigi, font partie des treize personnes pendues le 14 juillet par les Iraniens. Jusqu’ici, Abdul-Hamid Rigi a échappé à la mort, acceptant de participer à une conférence de presse organisée à Zahedan. Il a chargé son frère, le chef du Jundullah, l’accusant d’avoir collaboré en 2003 avec Al-Qaïda, en échange de grosses sommes d’argent, pour faciliter l’évacuation d’Arabes piégés par la guerre en Afghanistan.

Le Jundullah aurait alors demandé à Al-Qaïda de participer à une offensive anti-chiite en Iran. Toujours selon les « révélations » du captif, Al-Qaïda ayant refusé, le Jundullah s’est alors tourné du côté des Américains, qui lui auraient fourni de l’argent et du matériel de communication (4).

Les Taliban, peut-on supposer, n’ont pas rendu gratuitement service au régime de Téhéran. Fait acquis, on sait, par exemple, qu’ils disposent d’un accès au territoire iranien, sans passeport ni pièces d’identité, grâce à des lettres, signées par certains de leurs chefs, et servant de laissez-passer pour franchir la frontière.

On voit, en Afghanistan, plus largement dans la région, les forces occidentales prises dans un jeu d’une complexité qui, semble-t-il, les dépasse.

 

Notes

(1) Voir « Le Baloutchistan : un foyer insurrectionnel ».
(2) À titre d’exemple, le 28 mai 2009, le Jundullah faisait sauter une bombe dans une mosquée chiite de Zahedan, causant la mort d’au moins 20 personnes, 25 selon les sources officielles iraniennes.
(3) Les combattants du Jundullah semblent utiliser les mêmes tactiques que les Taliban, se servant de motos pour se déplacer à l’intérieur de leurs zones de combat.
(4) Ces déclarations doivent être reçues avec méfiance, compte tenu du peu de marge de manoeuvre d’un homme dont la vie dépend de l’autorité iranienne. Néanmoins, elles paraissent crédibles, en raison de la situation sur le terrain et des commentaires émanant de sources indépendantes.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

Lire aussi: Sunnites, chiites, frères ennemis de l'islam

 
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