LE QATAR SE DÉVOILE

novembre 2011

Selon le FMI (Fonds monétaire international), le Qatar a eu en 2010 le PIB par habitant le plus élevé au monde : 88 221 $ (65 689 €), près du double de celui des États-Unis. La tendance n’est pas près de s’inverser. Avec une croissance économique annuelle de 16%, en 2016 l’émirat devrait connaître un PIB annuel de 111 963 $ (83 368 €). Outre ses revenus pétroliers, le Qatar, d’à peine la taille d’un département français, est le troisième producteur mondial de gaz naturel, après l’Iran et la Russie. Pour absorber leurs énormes masses de devises, les autorités investissent à tout va,
dans le pays, mais aussi à travers le monde par l’intermédiaire de leur fonds souverain. Sur la scène internationale, toute cette richesse permet au Qatar de nourrir des ambitions sans relation avec sa taille territoriale.

L
e cheikh Hamad Ibn Khalifa Al-Thani est un personnage étonnant. D’apparence convivial et bon enfant, il est en réalité un proche des Frères musulmans sans que l’on parvienne à savoir jusqu’à quel point il est associé à la confrérie d’origine égyptienne (1).

Certes, comme nous pouvons le voir dans l’Histoire du Qatar , il collabore avec les États-Unis en leur offrant des points d’appui militaires sur son territoire. Du même coup, cependant, il affiche sans complexe sa proximité des Frères. Ainsi, fondée en novembre 1996, sa chaîne de télévision, Al-Jazeera, compte une majorité de journalistes qui leur sont inféodés (2).

Mieux, la conscience morale d’Al-Jazeera s’appelle cheikh Youssouf Qardaoui (Qardawi). Né en 1926 en Égypte, c’est un « alem » qui a prêté allégeance aux Frères musulmans.

Plusieurs fois emprisonné par les autorités égyptiennes, interdit de prédication dans les mosquées, il a été détaché par Al-Azhar au Qatar comme président de l’Institut secondaire des études religieuses. À partir de 1977, il dirigea la fondation de la Faculté de la Chariah islamique à l’Université du Qatar. Depuis la fondation d’Al-Jazeera, il anime une émission très écoutée : « Ach-Charia wal Hayat » (la charia et la vie), au cours de laquelle il prodigue des conseils en matière de préceptes coraniques.

Il serait erroné de voir dans Qardaoui un obscurantiste du type des Taliban afghans. Souvent, il fait appel à la raison et aux ressources du Coran pour rendre la loi religieuse praticable.

Mais, dans son ouvrage « Le licite et l’illicite », il a écrit à propos des musulmans en faveur d’une adaptation réelle de la religion à la modernité : « Lorsqu’un aspect de l’islam est en accord avec les principes et coutumes occidentales, les voilà comblés de joie. Dans le cas contraire, ils emploient leurs efforts pour trouver un compromis, rapprocher la position islamique de la position occidentale... comme si l’islam n’avait d’autre choix que d’accepter la vision et les principes occidentaux ». Sans restriction, il est pour l’application de la loi islamique dans les pays musulmans.

Plus significatif, dans une fatoua (3), il a légitimé les attentats suicides contre les Israéliens. Dans une autre, il a justifié les assassinats de civils en Israël : « Chaque citoyen ou citoyenne juif, en Israël, accomplit un service militaire et est donc un soldat potentiel », a-t-on entendu de sa bouche.

Cela n’a pas empêché le Qatar, en 1996, d’établir des relations commerciales avec Israël. Shimon Peres s’était alors rendu à Doha pour ouvrir un bureau de représentation de l’État hébreu. Qui ne dit mot consent, Qardaoui n’a pas émis la moindre critique à ce propos. En réalité, Israël, pourtant expert en matière de manipulations de gouvernements étrangers, s’est fait rouler dans la farine.

L’actualité allait donner l’occasion au cheikh Hamad de se dévoiler. En 2009, au lendemain de l’opération Plomb durci contre la bande de Gaza (4), le Qatar ferme son bureau en Israël qui répond en rappelant son personnel à Doha. Au mois d’août 2011, le gouvernement israélien interdit le séjour de ressortissants qataris sur son territoire. Il reproche au Qatar son soutien à la demande de reconnaissance d’un État palestinien par les Nations Unies.

Mieux, le 5 septembre, cheikh Hamad réaffirme en public son soutien à Hamas, groupe terroriste, à partir du moment où il recourt à l’assassinat de civils, et affilié aux Frères musulmans.

Certes cheikh Hamad a soutenu le CNT en Libye, les révolutions tunisienne et égyptiennes et les manifestations en Syrie, semblant suivre les pays occidentaux. Mais après le renversement des régimes en place, c’est à l’implantation des Frères musulmans qu’il travaille.

Complices, les États-Unis ferment les yeux. Les Européens, plus sensibles aux problèmes posés par l’islamisme, devraient s’en émouvoir. Pour l’avenir des musulmans, mais aussi pour le nôtre.

Notes

(1) Les Frères musulmans sont nés en Égypte en 1929 et comptent dans ce pays plusieurs millions d’adhérents. Ils sont aussi très présents en Syrie et dans divers pays du Golfe. Ils ont des délégations dans la plupart des pays du monde à forte implantation musulmane, comme la France, où l’UOIF leur est inféodée.
(2) Voir «
Al-Jazeera : une télé pas comme les autres »
(3) Décret religieux musulman.
(4) En 2008-2009, cette guerre a tué 1200 à 1300 Palestiniens, dont plus de la moitié de non-combattants.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 
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