HISTOIRE
GENÈSE DU HEZBOLLAH

septembre 2014

 

Au Liban et jusqu’en Syrie, on entend aujourd’hui les dirigeants du Hezbollah appeler à la mobilisation contre les « jihadistes » les qualifiant de « terroristes ». Entendez par là, les extrémistes sunnites comme Al-Nosra ou « l’État islamique » (EI) qui combattent en Syrie et en Irak. Déjà, certains en France, gagnés par la propagande du régime de Damas soutenu par le Hezbollah, en sont à ne trouver que vertus au mouvement chiite. Sans entrer dans une polémique sur le fonctionnement et les objectifs actuels de ce dernier, nous invitons nos compatriotes à se pencher sur son histoire.

L’intérêt de l’Iran pour la communauté chiite du Liban remonte à 1959, quand le Shah, pour contrer la propagande nassérienne dans la région, envoya à Beyrouth Moussa Sadr, un mollah iranien né à Qom mais d’une famille originaire du Sud Liban.

Dès le début des années 70, Sadr rallia néanmoins la cause de la Révolution islamique de Téhéran et, à la même époque, créa le mouvement Amal. En 1975, éclatait la guerre civile libanaise offrant des perspectives à Sadr. Mais, en août 1978, sur ordre de Mouammar Kadhafi, il est assassiné en Libye.

À partir de 1979, le gouvernement islamiste de Téhéran cherche à reprendre le contrôle des chiites du Liban par l’intermédiaire de ses agents locaux en infiltrant le mouvement Amal, devenu une organisation laïque sous l’influence de son dirigeant, Nabih Berri (1). Il ne parvient pas à ses fins mais provoque une scission d’Amal donnant naissance à un nouveau parti, Amal islamique, dirigé par Hussein Moussaoui.

En 1982, prenant prétexte de l’invasion israélienne au Liban, le régime de Téhéran envoie un millier de Pasdaran dans la Bekaa. Ils ne vont pas combattre les Israéliens mais former et encadrer les islamistes chiites.

Regroupant les différents mouvements existants, ils créent d’abord une confédération dont Amal islamique est le pivot. Figurent Ad-Daoua, dirigé par le cheikh Hussein Fadlallah (2), Les Gardiens de la Révolution islamique, de cheikh Soubhi Toufeyli (2), et Al-Tawhid, aux mains de cheikh Saïd Chaaban (2), seule organisation sunnite de cet ensemble mais qui a fait allégeance à Téhéran.

Sous l’impulsion centralisatrice de Téhéran, tous ces mouvements finissent par ne plus en faire qu’un seul, le Hezbollah. S’il est difficile de dire quand celui-ci est créé, il apparaît néanmoins officiellement pour la première fois le 22 novembre 1982, jour de fête nationale au Liban. Ce jour-là, aux accents de l’hymne iranien, un commando armé et masqué prend le contrôle du siège du gouvernement à Baalbeck. Il déchire le drapeau national et lacère les photos du Président.

Le Hezbollah prétend tirer sa légitimité du Guide de la Révolution iranienne, à l’époque l’imam Khomeiny. Les chefs successifs du parti reçoivent une délégation de pouvoir de Téhéran et sont, hiérarchiquement ses vassaux. L’imam, comme le calife pour les sunnites, a la prétention d’avoir autorité sur tous les musulmans. Ce n’est pas la seule ressemblance.

Le Hezbollah reprend en effet l’idéologie jihadiste avec la notion de martyre, de purification par le sang et de promesse d’accession au Paradis pour y jouir de vin et de femmes sensuelles, les houris, pour ceux qui meurent au combat pour la « cause d’Allah ».

Quant aux accusations de terrorisme souvent portées contre le Hezbollah, elles sont fondées, du moins pendant la guerre civile, mais les autres belligérants, y compris chrétiens, sont tout aussi critiquables. Depuis ne pèsent sur le Hezbollah que des soupçons dans ce domaine.

Il y a cependant eu 12 prises d’otages d’Occidentaux, dont Michel Seurat, qui n’ont certes jamais été revendiquées par le Hezbollah. Des noms comme le « Jihad islamique » ou « l’Organisation de la Justice révolutionnaire », servaient pour signer les revendications. Cela permettait au Hezbollah de se dédouaner de ces actions même si l’on savait ses hommes les auteurs des rapts et les geôliers des otages.

A cela s’ajoute les attentats du 23 octobre 1983, qui tuèrent 241 marines américains et 58 parachutistes français de la Force multinationale. Des kamikazes furent utilisés. Dans « la nuit précédant le double attentat, le cheikh Mohamed Fadlallah recevait les deux candidats au suicide » (3). Le recours à l’attentat-suicide était une première pour les islamistes. Il faut noter que le modèle allait faire école chez les sunnites. C’est un autre point de ressemblance.

Aussi, quand le Hezbollah appelle à la guerre contre les « jihadistes » sunnites, nous sourions. Ce n’est jamais qu’un jihadisme contre un autre.

Jean Isnard

Notes

(1) Il est aujourd’hui président de l’Assemblée nationale libanaise.
(2) Alain Chevalérias a interviewé Hussein Fadlallah en mars 2005 et Soubhi Toufeyli en octobre 2006. Il a aussi rencontré Saïd Chaaban à Khartoum (Soudan) en 1995.
(3) Lit-on dans « Guerres secrètes au Liban » d’Annie Laurent et Antoine Basbous.

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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