HISTOIRE
DU JIHAD

septembre 2016

L' idée du jihad (1) suscite beaucoup de fantasmes et engendre la mort. En principe c’est une guerre de défense. Mais c’est devenu une excuse pour lancer des opérations de conquête au nom de la religion. Aujourd’hui, pour soumettre des populations à un nouvel ordre.

Tout commence dans l’univers des tribus sémites, les nomades qui peuplaient depuis plus de six mille ans les régions connues aujourd’hui sous le nom de Péninsule Arabique et de désert de Syrie.

Où que ce soit, y compris autrefois en Europe, les tribus ont leur logique (2). Pour se protéger, elles ne connaissent que les armes, pour se renforcer elles constituent des confédérations tribales qui se forment sur la base d’accords de défense. Mais il est bien tentant d’utiliser cette force pour soumettre d’autres peuples, voire prendre leurs terres ou tout simplement les piller.

Grâce à la Bible, les Juifs, appelés alors Hébreux, sont les Sémites les plus connus, mais non point les seuls ni les plus anciens à former un peuple (3). L’idée de confédération tribale est chez eux passée à la postérité. Nous la reconnaissons dans les 12 tribus qui s’allient autour d’un projet commun et d’un accord militaire tout en s’inventant, sans doute, un ancêtre fondateur, Abraham (4).

Nous passons aussi dans la Bible, de la guerre de défense à la guerre de conquête et à la soumission des autres peuples, avec l’invasion du pays de Canaan par les Hébreux. Comme dans le jihad, on remarque qu’alors la guerre de captation est bénie par Dieu puisque ce sont ses ordres, que les héritiers de Moïse exécutent, pour défendre son nom et son culte. Comme quoi Dieu se prête volontiers aux desseins des hommes qui se réclament de lui quand ils partent à la conquête de nouveaux territoires.
Par le double héritage des tribus arabes, elles aussi sémites, et de la tradition juive, en raison de la proximité culturelle de leurs deux peuples, ces notions s’imposèrent sur la religion prêchée par Mahomet au VIIe siècle de notre ère.

Certes, aux débuts de l’islam, le texte coranique ne comporte pas d’appels au jihad. Mahomet vit alors à La Mecque. C’est la période dite « mecquoise ». Il n’est qu’un prédicateur de type christique. Il subit des persécutions et est même banni. Il répond par la non violence allant jusqu’à envoyer certains de ses disciples en Éthiopie pour échapper aux avanies.

Mais en septembre 622, il s’installe à Médine à la suite d’un accord passé avec la population. Ses partisans sont désormais nombreux et, aux menaces des tribus de La Mecque, il répond par le fer. En chef de guerre. C’est à partir de cette période, dite « médinoise », que les versets guerriers et la notion de jihad prennent place.

Certes, ce n’est qu’une guerre de défense. Il faut néanmoins savoir que, dans le Coran, existe la notion de jihad par anticipation sur l’intention d’attaquer de l’ennemi.

Du reste, la première attaque, celle de Nakhlah, est une embuscade contre les Mecquois à l’initiative de Mahomet. De même que, au nom du jihad contre les infidèles, la première bataille, celle de Badr, le 17 du mois de ramadan, contre une riche caravane mecquoise de marchandises arrivant de Syrie. On voit le principe de simple défense bien dépassé.


Déjà, sous Mahomet, le recours au jihad a été permanent permettant d’accroître le territoire musulman. À sa mort, en 632, cela n’a fait que continuer en Égypte, en Perse ou en Syrie. Au point que, de proche en proche, un siècle plus tard, en 732, se défendant eux réellement, les chevaliers francs livraient bataille à des jihadistes sur notre sol.

Il faut bien comprendre ce que le jihadisme emprunte à l’esprit tribal. Visiblement, le plus souvent, l’invocation du nom de Dieu pour faire la guerre n’est qu’un artifice politique. Dans le passé, l’Occident aussi y a eu recours. Nous nous ressemblons tellement ! Mais aujourd’hui, d’Al-Qaïda à Daech ou à Boko Haram, ceux qui s’appuient sur de prétendus décrets divins pour tuer n’apparaissent plus que pour ce qu’ils sont : des assassins. Parce que le monde a changé. Quelques-uns parmi nous, des musulmans mais pas seulement, ne l’ont pas encore compris.

 

Jean Isnard

Notes

(1) Souvent, en français, on lit « djihad ». C’est une erreur. En arabe, il existe la lettre « jim », prononcée « je » par la plupart des locuteurs de cette langue. Sauf les Égyptiens, qui disent « gue », et les Maghrébins qui prononcent « dj ». Reproduire la prononciation maghrébine revient à préférer une langue arabe abâtardie par un usage dialectal.
(2) Nous pensons aux tribus gauloises et germaniques, y compris les Francs.
(3) Les Juifs sont des Sémites de la branche amorite. Les Amorites se sont emparé du Moyen-Orient au XXe siècle av. JC. Avant eux, se sont fait connaître dans l’antiquité les Akkadiens, eux aussi sémites, avec Sargon 1er, au XXIVe, qui conquit Sumer.
(4) L’âge de sa mort, 175 ans, à lui seul donne à penser qu’il s’agit d’un individu mythique. Pour l’historien, la Bible n’est pas un livre historique mais un ensemble de mythes comportant parfois des parcelles de vérité.

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