HISTOIRE
LE RETOUR
DU JIHADISME

mai 2014

Le jihadisme, ou théorie appliquée de la guerre sainte islamique, avait disparu du discours des musulmans avec l’effondrement de l’Empire turc, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Fait remarquable, même entre les deux grandes Guerres et pendant les décolonisations, le mot jihad ne servait pas de référence. Il a fallu attendre les années 80 pour l’entendre s’imposer de nouveau. Tout a recommencé en Afghanistan et en Iran...

Pour l’Afghanistan, l’invasion des Soviétiques, en décembre 1979, est le détonateur du jihad. En termes islamiques, il apparaît justifié, dans son sens le plus restreint, en tant que « guerre de défense contre un attaquant cherchant à éradiquer l’islam ». Or, les Soviétiques pou-vaient bien être perçus comme tels.

Les Américains vont néanmoins renforcer l’esprit du jihad. Tout à leur préoccupation de se venger de l’humiliation de la guerre du Vietnam et de donner un coup de boutoir à l’URSS, ils encouragèrent le jihadisme local, mieux, ils l’internationalisèrent, en organisant le recrutement de volontaires arabes.

Pour l’Iran, le déclic fut l’offensive de l’Irak contre ses frontières en septembre 1980. À la suite de la Révolution de 1979, l’armée avait perdu nombre de ses officiers et le gouvernement islamiste, pour faire face, eut naturellement recours au jihadisme. Il lui permit de fanatiser les masses et, invitant les soldats au sacrifice, de repousser les troupes de Saddam Hussein.

Cependant, derrière l’Irak, se tenait l’Occident, les États-Unis mais aussi la France, qui armaient le bras de Saddam. À cela s’ajoutait la volonté expansionniste de Téhéran. Le jihadisme iranien a alors pris les couleurs du terrorisme. Notre pays a été dramatiquement touché. Sur notre sol avec une série d’attentats en 1985 et 1986. Deux ans plus tôt, en octobre 1983, au Liban avec l’attaque contre l’immeuble Drakkar au cours de laquelle 58 de nos parachutistes furent tués.

 Réflexions

Le terrorisme est-il conforme aux règles de l’Islam ? Certainement pas, car les références islamiques imposent des limites à la guerre, quand le terrorisme s’affranchit de toute humanité.
Les attentats suicide sont-ils acceptés dans l’islam ? On peut en douter, le suicide étant prohibé et la mort au combat, selon la doxa musulmane, relevant de la volonté de Dieu et non du combattant.


Point important, au Pays du Cèdre, sous l’impulsion de l’Iran chiite et au nom de la religion, on voyait alors ressurgir une notion tombée en désuétude :
l’attaque-suicide (*).

En Afghanistan, en revanche, dans les années 90, si l’absence d’une politique réfléchie de la part de l’Occident favorisa le développement du désordre accompagné de quelques attaques terroristes, on ne parlait pas encore d’attaques suicides. Cependant, dans l’univers sunnite, sous prétexte de jihad, ces derniers finirent par s’imposer, sans doute pour ne pas laisser à l’Iran chiite le monopole du sacrifice suprême.

Al-Qaïda, qui avait émergé en regroupant les volontaires arabes dans les maquis d’Afghanistan à l’ombre de la protection américaine, en devint le principal adepte. Quelques exemples : le 7 août 1998, l’organisation d’Oussama Ben Laden organisait deux attentats suicides contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et de Dar Es Salaam (Tanzanie) tuant plus de 300 personnes. Le 12 octobre 2000, le bateau de guerre USS Cole était attaqué dans le port d’Aden par deux kamikazes qui perdaient leur vie. Puis, le 11 septembre 2001, c’était l’explosion de folie du Trade World Centre. L’ancien protecteur était devenu l’ennemi et, d’une certaine façon, on peut dire les Iraniens et les Américains les parrains du retour au jihadisme et aux attentats suicide.

Mais, surtout, l’attentat suicide faisait dorénavant partie de l’environnement jihadique des islamistes radicaux. Il se répandait en Irak, au Pakistan, en Afghanistan et aujourd’hui en Syrie. Les radicaux sont convaincus qu’ils agissent ainsi conformément au Coran. Un nombre croissant de musulmans pense néanmoins le contraire. C’est aussi une guerre idéologique dans laquelle nous ne pouvons pas gagner sans l’aide des musulmans raisonnables.

Alain Chevalérias

Note

(*) Historiquement, l’attaque suicide pour des motifs religieux fut inventée par les juifs, avec les Sicaires, contre les Romains, au 1er siècle av. J.-C.. Les mêmes méthodes furent utilisées par les chiites ismaéliens contre le pouvoir sunnite, au XIème siècle. Mais il fallut l’invention des explosifs pour que les attentats suicides prennent toute leur signification.

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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