HISTOIRE
DU MONT DU TEMPLE
À L’ESPLANADE DES MOSQUÉES

décembre 2014

 

Le 29 octobre 2014, un Israélien du nom Yéhuda Glick était gravement blessé sur le « Mont du Temple », connu sous le nom
d’ « Esplanade des Mosquées » par les musulmans, par un tireur palestinien qui sera tué par la police. Figure extrémiste et habituellement provocateur, Glick revendique le droit des juifs à venir prier sur ce lieu que la loi israélienne, votée en 1967, réserve au seul culte musulman. Histoire d’un site source de passions.

Selon la Bible, le premier Temple de Jérusalem fut construit par Salomon, roi des Hébreux. On peut situer l’événement vers 960 av. JC. Il était établi sur une colline appelée mont Moriah.

Le Temple succédait à une structure démontable qui tenait lieu d’enceinte cultuelle pour les juifs pendant leur errance. Surtout, à l’image des autres peuples du pays de Canaan, les Hébreux avaient décentralisé leur culte, pratiquant les sacrifices d’animaux ordonnés par la loi hébraïque sur les collines.

En interdisant les sacrifices et autres activités cultuelles ailleurs que dans le Temple, les prêtres reprirent le contrôle total du cérémonial.

Celui-ci allait néanmoins connaître un sort tragique. Une première fois, en 597, Nabuchodonosor, roi de Babylone, entre dans Jérusalem et déporte une grosse partie du peuple hébreu chez lui. Une révolte éclatant, le monarque babylonien revient. Le 29 juillet 587 il ordonne le démantèlement des murailles de Jérusalem et fait incendier le Temple.

Mais en 538, nouveau bouleversement : le jeune empire Perse s’empare à son tour de la Babylonie. Or, la monarchie perse pratique le zoroastrisme, une religion elle aussi monothéiste. Les Hébreux de Babylonie en tirent prétexte pour se mettre au service des nouveaux conquérants. Avec le temps, ils emprunteront des pans entiers de leur religion aux Persans. La proximité est telle entre ces derniers et les juifs, que dès 538, l’empereur perse, Cyrus, autorise le retour des Hébreux dans le pays de Canaan et finance de sa cassette la reconstruction du Temple.

Le second Temple est inauguré à la Pâque de l’an 515. Avant cette date, les prêtres ont repris les sacrifices sur l’autel des holocaustes. Le culte hébraïque a de nouveau un centre. Après la domination grecque, cependant, les Romains prennent pied dans le pays s’appuyant sur un juif du nom d’Hérode qu’ils nomment « roi de Judée ».

Cruel mais fin politique, le nouveau roi est aussi un bâtisseur. Il construit de nombreuses forteresses et, surtout, effectue réparations et aménagements sur le Temple. Pour ce dernier, il construit aussi un mur de soutènement qui passera à l’histoire sous le nom de «Mur d’Hérode » et deviendra le « Mur des Lamentations ».

Des soldats sisraéliens se recueillant
devant le Mur des Lamentations
Mur des lamentations
Mais en 66 apr. J.-C., les juifs se soulèvent contre Rome. En 70, à nouveau, le Temple est incendié, par les Romains cette fois. Le culte et les sacrifices s’arrêtent de nouveau. Puis les juifs sont expulsés par vagues successives si bien qu’à Jérusalem et dans ce qui s’appelle désormais la Palestine, leur présence ne sera plus que résiduelle, les chrétiens les remplaçant avec leur religion. Ne restera aux juifs qu’un souvenir, rappelé à chaque fête de Pâque pendant des siècles par ce leitmotiv : « L’année prochaine à Jérusalem ».

Au VIIe siècle cependant, une nouvelle croyance se lève dans le désert d’Arabie, l’islam de Mahomet. Monothéiste et sémite, elle est de la même matrice que le judaïsme avec lequel elle partage beaucoup de références.
Ainsi, aux débuts de l’islam, comme les juifs, les musulmans prient en direction de Jérusalem avant d’opter pour celle de La Mecque. Ils croient aussi, qu’effectuant un voyage dans l’au-delà, Mahomet est parti d’un point situé sur le Mont du Temple au dos d’une sorte de cheval ailé, Bouraq. Notre but n’est pas de commenter le sujet mais de prendre en considération la croyance islamique.

Quand le second calife (1), Omar, s’empare de Jérusalem en 638, il visite le Mont du Temple à la recherche du « mihrab » de David (2), la niche où aurait prié ce roi. Il trouve le Mont du Temple abandonné, déserté de tout...culte, et couvert de détritus. Il fait nettoyer l’endroit et ordonne la construction d’un lieu de prière. Puis, recouvrant la roche, à partir de laquelle Mahomet se serait élevé vers le ciel avec Bouraq, en 691, est bâtie une mosquée qui deviendra le Dôme du Rocher, recouvert d’une coupole dorée.

Au VIIe siècle, une nouvelle mosquée voit le jour. Dans l’imaginaire musulman, avec sa coupole argentée, elle se dresse à la place de l’ancien temple de Salomon et reprend le nom que les Arabes donnaient à cet édifice : la mosquée Al-Aqsa. Et ainsi, passant d’une religion à l’autre, le Mont du Temple devient l’Esplanade des Mosquées.

À la suite de la Guerre de 48 contre les Arabes, les Israéliens avaient conservé Jérusalem-ouest, mais perdu la partie orientale de la ville où se tient, pour eux, le Mont du Temple. En 1967, cependant, lors de la Guerre des six jours, ils reprennent Jérusalem-est le 5 juin.
Là, se posent deux problèmes. D’une part, quoi qu’en disent les Israéliens, les
musulmans nourrissent une véritable fascination pour Jérusalem, principalement pour le site de l’ancien Temple, qu’ils estiment troisième lieu saint de l’islam, après La Mecque et Médine. En clair, toucher aux deux mosquées de l’Esplanade ou seulement rétablir en ces lieux le culte hébraïque provoquerait une vague de violence sans précédent.

D’autre part, passé sous silence pour préserver l’image du judaïsme, cette religion, faut-il se souvenir, pratiquait les sacrifices d’animaux sur l’autel de pierre du Temple, dit autel des holocaustes. Cette pratique a été suspendue, mais non supprimée, à deux reprises. Entre la destruction du premier Temple et la reconstruction du second, puis depuis la disparition de ce dernier. Ce, pour une raison simple, comme nous l’avons vu plus haut, les sacrifices ne peuvent se dérouler que dans l’enceinte du Temple.

Aussi, si le culte hébraïque était restauré à Jérusalem, selon la règle, les juifs devraient retourner à la pratique des sacrifices d’animaux. Imagine-t-on, en ce début de XXIe siècle, l’effet dévastateur que cela aurait dans l’opinion pour une religion monothéiste aussi proche de l’establishment !

La réponse a été politique et religieuse. Sur le premier plan, les autorités israéliennes ont interdit le culte juif sur l’Esplanade des Mosquées. Si les juifs ont le droit de visiter les lieux, ils sont interpellés par la police dès qu’ils font mine de se mettre en posture de prière.

Sur le second, le religieux, l’exercice ne manque pas de subtilité. Au regard de la religion hébraïque, le Mont du Temple est devenu impur. Pour être rendu au culte, il faudrait le purifier à l’aide d’une eau lustrale (3). À cette eau, tirée d’une source pure, on doit mêler les cendres d’une vache rousse, sacrifiée par le grand prêtre et brûlée sur un bûcher.

Bien, mais la vache doit être parfaitement rousse, si seulement deux de ses poils sont d’une autre couleur, elle devient impropre à la confection de l’eau lustrale. Or, sur ce point, les rabbins sont d’accords : il n’existe plus de telles vaches sur terre.

Au soulagement de tous, sauf d’une poignée d’intégristes juifs comme Yéhuda Glick, le problème est donc réglé. Comme quoi, quand il le veut, l’Homme peut faire preuve de raison.

 

Jean Isnard

Notes

(1) Le calife est le successeur de Mahomet à la tête des musulmans. Voir notre article « De Mahomet au califat »
(2) Le roi David est le père de Salomon et son prédécesseur à la tête du royaume.
(3) Eau de purification, un peu comme l’eau bénite utilisée par les chrétiens. Elle servait, entre autres, à puriifer les personnes qui avaient touché un mort.

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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