LES SAMARITAINS
Ce nom de Samaritain évoque dans notre culture chrétienne certains passages de l'Évangile. Nous identifions mal la population à laquelle il est ainsi fait référence et pouvons croire à une anodine allusion à un passé révolu. Et pourtant ! À l'aube du XXIème siècle, on trouve encore des Samaritains dans l'ancienne Palestine. Ils sont environ 700, dans les faubourgs de Naplouse et à côté de Tel-Aviv. Eux se disent héritiers du royaume du Nord quand, en 931 av. JC, Israël et Juda se séparèrent. Les juifs les rejettent, les estimant avec mépris descendants de " païens, " comme ils disent. Aujourd'hui encore, quand ils résident dans l'État hébreu moderne, sur les papiers d'identité des membres de cette minorité figure la mention " samaritain " et non " juif. "

Mais, dans le fond, qui sont les Samaritains ? Sur le plan religieux, leur judaïsme ne saurait faire de doute. Ils professent les lois et les croyances de cette confession. Mieux, ils pratiquent des liturgies tombées aujourd'hui en désuétude chez les juifs. Par exemple, tous les ans pour Pessah (la Pâque juive), ils égorgent des agneaux pour les sacrifier à Dieu. A ce titre, on pourrait les dire plus juifs que les juifs.

Des différences notables apparaissent cependant. D'abord, les Samaritains ne reconnaissent comme livre religieux que le Pentateuque, la partie de l'Ancien Testament allant de la Genèse au Deutéronome. En d'autres termes, ils s'arrêtent à Moïse.

Ils n'adhèrent pas non plus au Talmud (1). Enfin, ils ne font pas de Jérusalem, mais du mont Garizim, le centre de leur culte. Pour les célébrations pascales, ils se retrouvent chaque année sur cette éminence située au sud de Naplouse.

Les juifs interprètent ces divergences comme la marque de l'origine païenne des Samaritains.

Pour nous, ces différentes observations nous donnent à penser à une rupture surgie dans le passé. A un moment historique, quand Samaritains et juifs ont divergé formant deux branches d'une même religion. Reste à définir l'époque de la rupture.
On l'a vu, les juifs situent la divergence entre eux et les Samaritains après la division de l'État de David et Salomon, en 931 av. JC. Quand celui-ci se scinda en royaume de Juda, au sud, et Israël au nord, dont la capitale devint la ville de Samarie.

En accord sur ce point avec la Bible, l'Histoire situe la disparition du royaume de Samarie sous le roi Osée, au VIIIème siècle av. JC. Il fut vaincu par le monarque assyrien Salmanazar V et, selon les annales, 27 290 de ses habitants déportés en Mésopotamie. Des migrants venus des différentes régions s'installèrent alors en Samarie.

Dans ces conditions, le royaume de Juda restait le seul État juif et, estimait-il, le dépositaire de la tradition. Il faut en outre inscrire cette période dans le contexte de la compétition entre Israël-Samarie, au territoire plus fertile, plus riche par conséquent, et Juda, jaloux à l'endroit de ses coreligionnaires du nord.

Dans la Bible, le " Deuxième Livre des Rois, " œuvre des tenants de Juda, décrit les habitants de la Samarie conquise mêlés à des non-juifs et abandonnant la foi de Moïse. Ils y seraient revenus sous la pression du roi d'Assyrie pour échapper à une invasion meurtrière de lions. Par intérêt donc.

A l'analyse on comprend cette décision d'un roi non-juif peu crédible. On devine dans cette histoire une manoeuvre pour porter atteinte à l'image des gens de Samarie.

L'histoire continuant sa marche, le royaume de Juda tomba sous la férule des Babyloniens en 597 av. JC. Les "Judéens " furent à leur tour déportés en Mésopotamie où ils retrouvèrent les juifs de Samarie exilés un siècle et demi plus tôt.

Désormais répartis sur un domaine s'étendant de l'Iran à l'Égypte, les juifs risquaient de voir se dissoudre leur identité. A partir du IIème siècle av. JC, ils rédigèrent le Talmud. Du même coup, ils assimilaient des croyances nouvelles issues des religions mésopotamiennes et du monothéisme zoroastrien importé de Perse (2).

Évoqué plus haut, le rejet du Talmud (1) par les Samaritains est le signe du refus de ces juifs-là de tolérer les innovations acceptées par la majorité. Que les réfractaires fussent tous ou non originaires de Samarie n'y changea sans doute rien. Furent englobés sous la même appellation discriminatoire ceux qui refusaient les changements.

Voilà pourquoi il serait fort intéressant, de rechercher dans les textes sacrés samaritains les traces du judaïsme d'origine.


Jean Isnard

 

Notes

(1) La loi qui aurait été donnée par Moïse et les commentaires.
(2) Voir à propos de l'influence zoroastrienne " Le messianisme "

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