KISSINGER : STRATÉGIE AFGHANE DES ETATS-UNIS

avril 2009

Dans « Le Monde » du 16 mars 2009, Henry Kissinger a publié un commentaire sur la stratégie la plus à même, selon lui, de stabiliser la situation en Afghanistan.

Henry Kissinger Henry Kissinger, secrétaire d’État des Présidents Richard Nixon et Gerald Ford

Il y a du bon. D’une part, Kissinger admet qu’une solution purement militaire ne saurait être couronnée de succès et rappelle qu’ « aucun conquérant étranger n’a jamais réussi à occuper l’Afghanistan ».

Il évoque aussi le recours aux milices et aux chefs locaux, « ce qui a été appliqué avec de bons résultats dans le Anbar », c’est à dire en Irak. Cela suppose néanmoins une approche réfléchie. Parce que la situation en Irak, caractérisée par l’affrontement entre chiites et sunnites, a permis d’appliquer cette tactique quand, en Afghanistan, l’affrontement est uniquement dirigé contre « l’occupant ».

En revanche, lorsque Kissinger dit : « Une base jihadiste s’étendant de part et d’autre de la frontière afghano-pakistanaise ferait peser une menace permanente sur les espoirs d’une évolution modérée », il semble ignorer la situation sur le terrain. Les combattants islamistes radicaux sont aujourd’hui, et depuis belle lurette installés des deux côtés de la frontière. Néanmoins une évolution, non « modérée », au contraire de ce dont semble rêver Kissinger, mais négociée, reste possible.

Sur ce plan, du reste, nous craignons que beaucoup de monde ne se trompe. Barack Obama lui-même a évoqué la possibilité de négociations avec des Taliban qu’il qualifie de « modérés ». S’il existe des opposants armés afghans prêts, pour de l’argent ou en raison de conflits tribaux, à changer de côté, il restera toujours un nombre important, une majorité pensons-nous, d’hommes qui poursuivront la guerre jusqu’au départ des forces occidentales.

C’est avec eux qu’il convient de négocier, avec leurs chefs donc, à commencer par Mollah Omar. Le mythe des « Taliban modérés », avec lesquels on pourrait arriver à une solution de compromis, pour isoler le noyau dur et le neutraliser, est une fiction, qui conduira à un départ en catastrophe du type Vietnam.

Il est vrai, Kissinger identifie une nécessité absolue pour pacifier l’Afghanistan « que les principaux voisins s’accordent sur une politique de retenue et de lutte contre le terrorisme ». Il parle même de créer « un groupe de travail rassemblant les voisins de l’Afghanistan, l’Inde et les membres permanents du Conseil de sécurité ».

D’abord, il ne parle par de la Russie, quand cette dernière est présente politiquement dans la région et entend jouer un rôle. Ensuite, donnant une position à l’Inde, qui n’a pas de frontière avec l’Afghanistan, il indispose le Pakistan, dont l‘aide est indispensable. Enfin, il ignore, ou fait semblant d’ignorer, que l’Iran nourrit des visées stratégiques sur le nord de l’Afghanistan. En d’autres termes, faute d’une connaissance intime de cette région, sauf s’il ne dit pas l’essentiel pour des raisons tactiques, Kissinger se trompe quant à la manière de gérer le cas afghan.

De plus, même s’il voit juste quand il remarque la faiblesse de « l’appui de l’opinion publique (des pays de l’OTAN) aux opérations militaires » en territoire afghan, il manque la cible, faute d’identifier les causes de ce manque de soutien : les erreurs et les injustices américaines, dont la plus grave fut l’attaque de l’Irak. En clair, il faudrait une véritable contrition des États-Unis et non pas cette prétention, restée intacte, de super-puissance infaillible.

 

Note
* Henry Kissinger a été secrétaire d’État des Présidents Richard Nixon et Gerald Ford

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Lire aussi:
Retour Menu
Retour Page Accueil