MARIAGE BLANC
AVEC CUBA

février 2016

En ce début du mois de février, c’était la première visite en France d’un chef d’État cubain depuis 1959, date de la révolution castriste. À l’Élysée, on a mis les petits plats dans les grands, peu regardant sur le profil « pas très démocratie occidentale » de tonton Raul.

Il fallait un peu de miel pour faire passer l’âpreté du breuvage. Comme souvent, l’argent a apporté ses vertus adoucissantes. Le Club de Paris, groupe de créanciers publics (1) de l’État cubain, a annulé 7,7 milliards de la dette de ce pays. Dans les faits, les États membres du Club n’y perdent pas beaucoup, puisque Cuba ne payait plus depuis 25 ans, laissant même courir les intérêts.
Pour les 470 millions de dollars restant, une partie sera remboursée, le reste, 230 millions, va abonder un fonds qui « servira à accélérer les projets franco-cubains à Cuba en finançant une part des coûts locaux ». Ceci pour conforter l’autre volet, les intérêts économiques de la France.

Après l’échec retentissant du système communiste, La Havane dit vouloir entrer dans l’économie de marché. Très bien, même si les progrès se font à dose homéopathique dans cette direction. Si, en mars 2014, les autorités cubaines ont adopté une loi d’ouverture aux investissements étrangers, les choses n’avancent guère. Aujourd’hui, les micro-entreprises nées d’une timide libéralisation ne concernent que 10% de la population active et l’État reste le principal employeur.

Les Français ne voulaient cependant pas manquer de saisir une part du gâteau. Les entreprises comme Pernod-Ricard et Accor font déjà la cour à la Havane lorgnant sur les possibilités touristiques de l’île, quand, en Afrique du nord, sous la menace terroriste, le marché se tarit. D’autres sociétés espèrent elles aussi se placer, comme Total, Alstom ou Alcatel-Lucent. Ceci d’autant plus que l’Hexagone a un concurrent de taille en Europe, l’Espagne qui, outre la langue commune avec Cuba, est déjà implantée dans l’hôtellerie.

Il y a cependant un hic ! Quand nous annulons une dette publique, celle de Cuba en l’occurrence, c’est une perte pour le prêteur. Le contribuable est lésé puisqu’il paye le manque à gagner en impôts. En revanche, les entreprises qui décrocheront des marchés engrangent des bénéfices, apparaissant comme gagnantes. Cela revient donc à convertir de l’argent de l’État en profits privés. Certes pour le plus grand bien de tous quand les entreprises concernées payent leurs impôts en France... ce qui n’est pas toujours le cas.

Nous n’allons pas jouer aux parangons de vertu, sachant que nous commerçons avec nombre de pays aux performances peu flatteuses en matière de Droits de l’homme. Il convient néanmoins de rappeler celles de Cuba, pour lesquelles la gauche française se montre singulièrement silencieuse.

Depuis 1959, un million 200 000 Cubains, 10% de la population actuelle, ont préféré s’enfuir sur des coques de noix au risque de leur vie plutôt que de subir la dictature castriste. On estime à au moins 15 000 le nombre d’exécutions d’opposants, sans parler des preuves de tortures et de maltraitance des prisonniers. Amnesty International a en outre publié des preuves de recours abusifs à la psychiatrie contre les opposants politiques à l’hôpital Gustavo Machin de Santiago de Cuba.

Suite au réchauffement des relations avec les États-Unis, dès 2009, on aurait pu attendre un plus grand respect des principales libertés par le régime castriste. Or il semble qu’il n’en soit rien. Le 8 janvier 2015, Amnesty International se réjouissait de la libération de 9 opposants, mais ajoutait : « Nous avons reçu des informations très inquiétantes faisant état d’une augmentation des mesures de harcèlement et des détentions de courte durée visant des dissidents en 2014 ».

Alors oui au pragmatisme politique, mais sans oublier que Cuba a plus besoin de nous économiquement que nous n’avons besoin d’elle. Inutile donc de nous humilier.

 

Note

(1) Ils sont 14 États dont les principaux sont la France, l’Espagne, le Japon et l’Italie.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Lire aussi: Histoire : Cuba et les Américains

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