COMMENT FAIRE FACE AU TERRORISME ?

avril 2006

 

 

George W. Bush a parlé à plusieurs reprises de " guerre contre le terrorisme. " En Irak, il a affirmé avoir aussi envoyé ses troupes pour éradiquer cette menace. On a vu le résultat : il y a plus de terrorisme sur les bords du Tigre et de l'Euphrate, et même dans le reste du monde, qu'il n'y en eût jamais quand Saddam Hussein exerçait le pouvoir. La méthode employée apparaît contreproductive. Que faire ? Deux écoles se font face. La première, peu ou prou, présente l'islam comme responsable du terrorisme. La seconde, refusant cette vision, envisage des causes multiples. A la question " que faire ? " les tenants de ces deux approches répondent de manière radicalement opposées.

 Ceux qui croient l'islam cause quasi exclusive du terrorisme, perçoivent plus ou moins consciemment tous les musulmans comme un danger global. Ils parlent de " guerre de civilisations, " à la manière de Samuel Huntington (1)

Cette façon d'interpréter la réalité conduit à ranger les individus dans deux camps : d'une part l'Occident, " civilisé " et déclaré chrétien. D'autre part l'ensemble musulman, barbare et mauvais. Les guerres se préparent toujours de cette manière, les idéologues suscitant une vision manichéenne du monde et diabolisant celui dont on a décidé de faire l'ennemi.

Imaginons donc, qu'acceptant cette manière de voir, et sous prétexte de réduire le terrorisme, nous partions en guerre contre l'ensemble musulman. Les Anglo-Saxons ont commencé par l'Irak, nous sommes aussi en Afghanistan, l'Iran et la Syrie sont visés, certains, les amis d'Huntington justement, parlent de l'Arabie Saoudite. D'autres viendront, la Turquie, par exemple, si son penchant islamiste s'affirmait, ou le Pakistan, s'il basculait dans le fondamentalisme avec sa bombe atomique.

 

Bush à bord du porte-avion A. Lincoln en mai 2003. Il annonce la fin des combats en Irak.

 

 

 

 

Il faut envisager les conséquences d'une telle guerre.

1/ Provoquant un conflit généralisé, nous aurions la guerre à l'échelle planétaire. Les frustrations vécues par les musulmans et le sentiment de subir l'injustice des grandes puissances seraient exacerbés. Alors oui, nous entrerions dans une " guerre de civilisations. "

2/ L'Europe, l'Asie et l'Afrique se couperaient en deux. Individuellement ou collectivement, le choix du camp tendrait à se faire non en fonction de la nationalité ou des intérêts, mais de la seule sensibilité religieuse. Cette dernière serait perçue non comme une croyance mais comme une appartenance quasi tribale.

3/ En Europe, singulièrement en France, la guerre civile éclaterait. Les citoyens assimilés, mais de souche musulmane, suscitant la méfiance des autres Français seraient exclus de la société. Aussi, de plus en plus coupés des milieux musulmans, nos services de renseignements ne pourraient plus prévenir les attentats dont les projets iraient croissant en nombre.

4/ Pour faire la guerre, il faudrait réinstituer la conscription. En dépit de leurs démographies très faibles, les pays européens devraient lever des troupes. Nos enfants et nos petits-enfants iraient combattre en Indonésie ou en Azerbaïdjan.

5/ L'énergie deviendrait plus rare et plus chère. Dans les zones de guerre, l'extraction du gaz et du pétrole deviendrait plus difficile. Leur transport, sujet à des attaques, serait plus aléatoire. Résultat, nous manquerions de carburant et celui dont nous disposerions serait réservé à l'effort de guerre, à nos avions, à nos bateaux et à nos blindés. Nous serions obligés de remiser nos voitures et de passer l'hiver dans des appartements non chauffés.

6/ Nos économies s'effondreraient. D'une part, la plus grande partie de nos ressources serait confisquée par la guerre. D'autre part, nos entreprises manqueraient de main d'oeuvre en raison du nombre de soldats appelés sur les fronts ou pour assurer la sécurité intérieure du pays. Enfin les échanges commerciaux seraient largement paralysés. Résultat, notre machine économique marcherait au ralenti.

7/ Les aides sociales et les retraites seraient revues à la baisse. En France, le chiffre d'affaire des entreprises et les revenus des particuliers s'effondrant, prélèvements sociaux et fiscaux chuteraient. Ni l'État, ni les différentes caisses versant les aides sociales ne pourraient faire face aux besoins. L'accès aux soins médicaux serait régenté. Dans la catégorie la plus vulnérable, les retraités, beaucoup seraient réduits à la misère.

8/ Les investissements immobiliers et les valeurs boursières chuteraient eux aussi. Ceux des retraités, qui auront investi pour s'assurer un complément de retraite, verront la pierre et les actions perdre de leur valeur, ce revenu de substitution s'effondrer.

 

Oussama Ben Laden tirant à la Kalachnikov en Afghanistan.

 

Encore tout cela n'est-il que peu de chose au regard de l'après-guerre.

Toutes les guerres ont une fin. Celle-ci n'échapperait pas à la règle. Mais, après la guerre, il faut trouver des réponses aux problèmes qui ont été sa cause. En d'autres termes, régler les différents dont la solution, appliquée plus tôt, aurait permis d'éviter la guerre.

Mais, n'en déplaise aux adulateurs, conscients ou inconscients, de la " solution finale, " nous ne parviendrons pas à exterminer un milliard 300 millions de musulmans comme nous le fîmes autrefois des Cathares (2). Le simple fait de l'avoir envisagé, comme une solution à nos maux, pèserait sur nos consciences. Car, force ou faiblesse, nous sommes ainsi faits.

Certes, nous serions le camp du vainqueur. D'abord en raison de notre supériorité technologique. Ensuite, parce que nous voyons déjà l'Inde se joindre à nous, par haine de l'islam, avec son milliard d'individus (3). Sur les fronts les plus meurtriers, elle nous fournirait des troupes au sol, la chair à canon qui nous manque.

Néanmoins, cette compensation de nos besoins en combattants, nous la paierions très cher. New Delhi échangerait la vie de ses gens contre l'accès aux technologies les plus performantes.

Mais cela n'est encore que peu de chose.

Pressés par l'Inde, soucieuse de récupérer les dividendes de son engagement à nos côtés, en outre mises en demeure de répondre aux projets annexionnistes d'Israël (4), les puissances occidentales risqueraient, de plus, d'imposer une solution injuste. Comme les " dommages de guerre " excessifs imposés à l'Allemagne en novembre 1918 préparèrent la Deuxième guerre mondiale, il faut craindre l'extrême exigence des conclusions de la " Troisième " revitalisant le terrorisme islamiste au lieu de le réduire. Ce serait un retour à la case départ.

Reste le pire.

La Chine, dont nous voyons le développement économique se faire aux dépens de notre prospérité, sortirait probablement grande bénéficiaire du conflit.

Elle aurait, pensons-nous, la sagesse de garder ses distances du conflit tout en fournissant aux belligérants les équipements dont ils auraient besoin (5). Ceux que nous ne pourrions plus produire ajoutés à ceux que le monde musulman nous achetait par le passé.

Aussi, si elle s'en tient à ce comportement de sage bien dans sa tradition, la Chine s'enrichira, quand la guerre et nos erreurs nous appauvriront. Résultat, une fois passées les hostilités, elle sera l'une des premières puissances mondiales. Sinon la première. Non loin, débarrassée dans le conflit du surplus de ses populations analphabètes, l'Inde se sera elle aussi renforcée.

En clair, comme la Deuxième guerre mondiale avait été la cause première de l'effondrement de nos empires coloniaux, la "Troisième " réduirait à néant nos restes de grandeur.

Nous serions perdants sur toute la ligne et, après tout, nous l'aurions bien mérité.

Car si tout cela était l'indispensable prix à payer pour préserver notre sécurité et notre liberté, nous l'accepterions sans hésiter. Mais ne peut-on faire face à la menace terroriste autrement qu'en mettant en péril les fondements de notre civilisation ? Réfléchissons !

 

La RAI Tv révèle l'usage du phosphore blanc par les américains contre la ville irakienne de Falloujah en novembre 2004.

 

Il faut d'abord évaluer la réalité de la menace qui pèse sur nous.

Faut-il parler de " guerre contre le terrorisme " ? Pendant la " guerre froide, " l'Union Soviétique, directement et par l'intermédiaire de ses alliés, protégeait, finançait et armait des structures terroristes (6). Aujourd'hui, aucun pays, en tant qu'État, ne protège ou ne soutient des groupes terroristes dirigés contre l'Occident. Nous avons bien dit l'Occident.

Ceux-ci, sont partout pourchassés, y compris par ceux qui les ont laissés prospérer ou ont usé de cette tactique, car ils en sont devenus les premières victimes. Nous pensons à l'Arabie Saoudite, à la Libye, à l'Algérie à l'Iran et à quelques autres (7).

Dans ce cadre, ne parlons plus de " guerre contre le terrorisme " mais d'une vaste opération de police. Cette dernière désignation aura l'avantage sur la première de nous éviter la paranoïa collective.

Nous en connaissons pourtant, manipulés ou manipulateurs, qui s'accrochent avec insistance à l'appellation de " guerre contre le terrorisme, " pour mieux désigner l'islam comme ennemi à abattre. Ils ont pour cela des arguments de poids.

D'une part, l'Histoire. De l'émergence de l'islam jusqu'à aujourd'hui, les guerres et les affrontements n'ont pas manqué avec la chrétienté. D'autre part, nos différences culturelles, exacerbées par la modernité, la place accordée, chez nous, à la femme dans la société et l'élévation de l'homosexualité au rang de moeurs honorées creusent l'incompréhension.

Il y a plus grave : le contenu des textes islamiques, principalement du coran, livre fondateur de la religion de Mahomet. Pour les musulmans, il est la parole de Dieu révélée aux hommes. Or, ses préceptes, des ordres divins donc, ont souvent des accents terribles. Quelques exemples tirés de la quarantaine de versets appelant au jihad sont édifiants :

 " Combattez-les (ceux qui vous combattent) jusqu'à l'élimination de toute subversion et jusqu'à ce que le culte ne soit rendu qu'à Dieu… " Lit-on dans le verset 193 de la sourate II.
" Ceux des croyants qui demeurent dans leurs foyers, ne sont pas égaux (en mérite) aux croyants qui exposent leurs biens et leur personne dans la lutte pour la cause de Dieu… "
Dit le
verset 195 de la sourate IV.
" Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu, ni au jour dernier et ne s'interdisent pas ce que Dieu et son envoyé ont prohibé. (Combattez) également ceux parmi les gens du Livre, qui ne professent pas la religion de la vérité, à moins qu'ils ne versent la capitation directement et en toute humilité. "
Ordonne le verset 29 de la sourate IX.
(8)

Il faut savoir, par " gens du Livre, " l'islam entend les chrétiens et les juifs. A lire cela, on pourrait penser les partisans de la guerre à outrance fondés dans leur bellicisme.
Ils le seraient en effet si tous les musulmans, ou une proportion significative d'entre eux, appliquaient les versets du coran à la lettre. Mais, chez les musulmans, comme parmi les chrétiens, il en est bien peu à se soumettre à tous les préceptes de leur religion.

Combien de fidèles du Christ accepteraient de tendre la joue gauche après avoir été frappé sur la droite ? Combien de musulmans se soumettent, en Occident, ou même en Orient, au rite des cinq prières quotidiennes ? C'est vrai, le coran prône le jihad. Dans les années 80, répondant à cet appel, 20000 jeunes gens s'étaient rendus en Afghanistan afin de combattre les Soviétiques. 20000 sur un milliard 300 millions de musulmans, ce n'est pas un raz-de-marée !

On voit le pas entre le fait de se déclarer croyant d'une foi et celui d'une pratique absolue de toutes ses règles.

Ceci est encore plus vrai aujourd'hui, qu'hier. Car, " lentement mais sûrement, " la société musulmane se laisse gagner par la modernité. Les mahométans, qui ont opté pour un mode de vie comparable au nôtre, sont de plus en plus nombreux. Ils sont nos meilleurs alliés contre le terrorisme d'inspiration islamique.

Certes la masse reste plus traditionaliste. Allons-nous cependant la convaincre d'évoluer en nous taisant sur les injustices perpétrées contre eux ? Pouvons-nous décemment nous prétendre les porte-drapeaux de l'équité quand les États-Unis ont violé les frontières de l'Irak sous les prétextes que nous savons, avec le résultat que nous voyons et pour les motifs que nous devinons ?

Pour réduire le terrorisme, il faut certes le combattre avec fermeté. Mais là où il se trouve. Pas là où des propagandistes malintentionnés le disent terré pour nous lancer à l'attaque d'objectifs sans relation avec lui.

Et d'abord, soyons clair, nous devons régler l'une des principales causes du terrorisme islamique : le problème israélo-palestinien. Imposant une solution équitable, mettant un terme pour cela à la politique d'annexion lente des territoires palestiniens par les Israéliens, nous nous honorerions. Mieux, nous porterions le coup le plus redoutable jamais porté au terrorisme d'inspiration islamiste.

 

Colons israéliens évacuant Gaza selon le plan de désengagement unilatéral de Sharon en septembre 2005.

 

Il ne nous resterait plus qu'à veiller à l'émergence de groupes terroristes sans assise populaire. Certes, des islamistes, mais aussi des marxistes, des nationalistes basques ou bretons. Rien de bien neuf en fait.

 Notes

(1) Intellectuel américain auteur de plusieurs ouvrages mondialistes et favorables au contrôle des États-Unis sur les pays du Tiers-Monde, il est l'inventeur du concept de " guerre de civilisations. " Il est membre de la " Commission trilatérale. "
(2) Les Cathares, dont le dogme s'est nourri aux sources des religions manichéistes, surgit au XIème siècle dans le Limousin et se répandit dans le sud de la France. Sanglante, une croisade fut lancée contre eux de 1209 à 1229. Ils disparurent à la suite de la prise de leur dernière place forte, Montségur, en 1244.
(3) En février 2006, lors d'un déplacement en Inde, George W. Bush a mis en place un programme de coopération nucléaire entre les États-Unis et New Delhi. De leur côté, les Israéliens resserrent les liens militaires avec le pays de Gandhi.
(4) Israël est très présent au Kurdistan irakien où, de l'aveu de ses experts, il compte pouvoir bénéficier ainsi de l'accès aux nappes de pétrole irakien et aux ressources en eau du pays. Voir " Visées israéliennes sur le Kurdistan"
(5) Ainsi verrait-on la guerre amplifier les effets pervers des délocalisations de nos industries provoquées par la mondialisation.
(6) Dans les années 80, le terrorisme subventionné par l'URSS n'a pas été moins cruel que celui des islamistes d'aujourd'hui. Que l'on se souvienne qu'il faut ranger dans cette catégorie les attaques d'Action directe, des Brigades rouges, des organisations palestiniennes laïques, de l'ETA basque etc...
(7) N'en déplaise aux partisans de la guerre, il existe une collaboration mondiale des services secrets pour lutter contre le terrorisme.
(8) Traduction de Si Boubakeur Hamza, ancien recteur de la Mosquée de Paris.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001

 

Lire aussi:Les pays du Golfe sont nos alliés dans la lutte contre le terrorisme

 

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