LE COUP DE GONG DU HAMAS

février 2006

 Le 25 janvier 2006, tombe le résultat des élections au Parlement palestinien. Le Hamas, parti islamiste, remporte 76 sièges sur 132. Le Fatah, mouvement dirigé par Mahmoud Abbas, le chef de l'Autorité palestinienne, ne recueille que 43 sièges. C'est un désaveu, pour le successeur de Yasser Arafat, un coup de gong aussi pour Israël.

 

Mahmoud Abbas

 

Le succès du Hamas est le résultat de la frustration d'une population prise entre une occupation israélienne injuste, voire cruelle, et une Autorité palestinienne corrompue.

Chez les Palestiniens, comme en Egypte, où l'on a vu les Frères musulmans percer au Parlement, dans tout l'espace arabo-musulman, les islamistes gagnent en popularité, surfant sur la colère de la population et le ressentiment provoqué par les Etats-Unis et Israël.

Les origines du Hamas remontent à l'apparition des Frères musulmans dans la Palestine sous mandat britannique. Le frère de Hassan Al-Banna, fondateur de la confrérie, se rend lui même dans la région en 1928 pour y créer les premiers groupes de combattants contre l'occupant et les colonies juives en développement.

Après la naissance de l'Etat d'Israël, et à la suite de la guerre de 1948, deux bases des Frères se développent. La première, installée à Gaza, est reliée à la branche égyptienne de la confrérie. L'autre prend naissance avec la bénédiction du roi, en Cisjordanie sous contrôle jordanien.

Après la défaite arabe, en 1967, Gaza et la Cisjordanie passent sous l'autorité d'Israël, les deux bases des Frères se retrouvent, mais pour mieux se diviser. A la fin des années 70, partisane du jihad immédiat contre Israël, une minorité va fonder le Jihad islamique. Restant soumise aux orientations politiques des Frères musulmans, la majorité, le futur Hamas, préconise la reconquête de la société par la prédication avant la phase militaire.

Cheikh Ahmed Yassine émerge dans ce contexte. Né en 1936 aux environs d'Ashkelon, avec sa famille il a été chassé en 1948 par les Israéliens. Paralysé dès l'enfance, il se déplace à l'aide de béquilles, puis sur un fauteuil roulant. Il n'en continue pas moins ses études. Membre des Frères musulmans depuis 1955, il devient enseignant. En 1968, il lance une association caritative sous le nom de " Al-Majmaa. "

De manière surprenante, les Israéliens officialisent l'association. Pour diviser les Palestiniens, ils comptent sur la mouvance de cheikh Yassine, afin de s'opposer à l'OLP, structure laïque dirigée par Arafat.

Calcul pervers qui ne manque pas de se retourner contre eux. Cheikh Yassine met sur pied un réseau de mosquées, d'écoles et de bureaux d'aide aux démunis. Mais pas seulement. En 1984, la police israélienne découvre un stock d'armes dans le sous-sol de la mosquée où il officie. Il écope de 13 ans de détention. Pourtant, en mai 1985, bénéficiant d'un échange de captifs, il retrouve la liberté.

Résultat, en décembre 1987, il participe au lancement de la première " intifada " (soulèvement) et fonde le Hamas. A nouveau condamné en mai 1989, il est élargi en 1997. Entre-temps, il y a eu les négociations de Madrid, en 1991. Puis la suppression, dans la charte de l'OLP, des articles appelant à la destruction de l'Etat d'Israël. Hamas garde le cap et refuse toute concession. Ouvertement, le mouvement déclare vouloir l'éradication de l'Etat hébreu.

Quand, le 29 septembre 2000, se déclenche la deuxième Intifada, répondant aux tirs d'aéronefs israéliens, les Palestiniens, au premier rang le Hamas, entreprennent une campagne d'attaques visant la population israélienne. Mais, le 22 mars 2004, un avion israélien tire une salve de roquettes contre la maison de cheikh Yassine, le tuant avec plusieurs membres de sa famille.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Hassan Al Banna

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ahmad Yassinee

 Quel avenir dans ce contexte ? Deux lignes s'opposent au sein du Hamas. L'une refuse toute concession. L'autre cherche un modus vivendi avec Israël. Pour preuve, le " Haaretz, " journal israélien, notait le 29 janvier qu'un mot d'ordre avait été lancé par " le Hamas à ses dirigeants dans les Territoires (occupés), leur demandant de mettre fin aux déclarations extrémistes faites aux médias sur les intentions " du mouvement.

Plus que l'on ne l'imagine, l'avenir repose entre les mains des Israéliens. Il y aura toujours des extrémistes, mais à désespérer la population on augmente leurs rangs. Puisse le coup de gong de l'élection du Hamas avoir servi de leçon aux Israéliens raisonnables.

 

Alain Chevalérias

est consultant au

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001

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