Les petits soucis
du Président Ahmadinejad

mai 2008

"Amener l'argent du pétrole à la table du peuple " proclamait Mahmoud Ahmadinejad pendant la campagne électorale présidentielle qui devait le porter à la tête de l'Iran, en 2005.

Le slogan s'est révélé efficace. Au point de pousser l'électorat iranien à préfèrer Ahmadinejad, jusque-là inconnu de la majorité des Iraniens, à l'ancien maire de Téhéran ou à des hommes de la stature de Hachemi Rafsandjani, ancien Président de la République, ou de Mehdi Karroubi, ancien chef du Parlement.

(Ahmadinejad pris en photo par son frère dans l'intimité devant un repas "de pain et de fromage".)

Grâce aux " Fonds d'Epargne " que Mohammad Khatami, le président sortant, avait constitués, pendant la première année de son mandat, pour mettre à l'abri une partie des revenus du pétrole, Ahmadinejad a pu palier aux revendications économiques de son électorat. Résultat, le taux d'intérêt, à l'époque de 19%, est decendu à 6% ; les tarifs de l'eau, de l'électricité, des télécommunications et des transports aériens sont restés stables et, pour la première fois depuis des années, les salaires et les pensions ont augmenté voire doublé. Puis la hausse du prix du baril de pétrole a permis au gouvernement de maintenir ce rythme pendant deux bonnes années. Depuis près d'un an, néanmoins, l'argent venant à manquer, Ahmadinejad se trouve en difficulté sur le front intérieur.

En juin 2007, par exemple, le Parlement a obligé le gouvernement à réduire ses dépenses et exigé la mise en place d'un plan de rationnement de l'essence. Fixant les quotas à 600 litres par mois pour les taxis et à 120 litres pour les autres automobilistes, la décision a soulevé une vague de mécontentement dans les classes moyennes, dont une partie fait le taxi pour arrondir ses fins de mois.

A l'approche du premier tour des élections législatives, le 14 mars 2008, suivi du nouvel an iranien, le 21 mars, le ministère du pétrole a promis 100 litres supplémentaires pour les vacances. Dans le même temps, il vendait de l'essence hors rationnement à 400 tomans (28 centimes d'euro) le litre, un prix élevé pour l'Iran.

De la chirurgie économique

Malgré les efforts du gouvernement pour apaiser la situation, la nouvelle année iranienne promet d'être difficile pour la classe moyenne. Selon les statiques de la banque centrale, au cours des derniers jours du mois de mars, le taux d'inflation a dépassé 18,4%, le plus haut niveau depuis huit ans. " Le prix du riz a doublé en moins de deux mois ", dit un épicier de Chahr-e-Rey, quartier populaire du sud de Téhéran (voir note). " Les fruits ont augmenté dans les mêmes proportions en l'espace de trois semaines ", ajoute ce commerçant.

Le gouvernement d'Ahmadinejad avait toujours refusé d'admettre la réalité des chiffres de la banque centrale. Le gouverneur de celle-ci avait même été forcé à la démission pour cette raison. Aujourd'hui, la tête de l'exécutif doit se rendre à l'évidence. Le ministre de l'Economie, Davoud Daneshjafari, dont on dit qu'il va bientôt changer avec deux autres ministres, vient d'admettre " l'échec du gouvernement dans sa lutte contre l'inflation ".

Même Kayhan, le quotidien ultra-conservateur, l'un des plus grands soutiens d'Ahmadinejad, écrit dans son éditorial du 7 avril : " La vérité c'est que l'inflation existe, qu'elle n'arrête pas de grimper et que les couches les plus pauvres de la société en paient le prix ".

Pour faire face à ces problèmes, Ahmadinejad a parlé en février d'une grande " chirurgie économique ". Evoquée pour la première fois par le ministre de l'Economie sous le titre de la " rationalisation des subventions " en 2005, dans une conférence donnée à l'université de l'Imam Sadeq, cette thèse préconise le paiement d'aides en liquide aux populations les plus défavorisées. Les sources proches du gouvernement disent que cette subvention sera de 50.000 tomans mensuels par personne, soit 35 euros.

Reste à déterminer à partir de quel seuil de pauvreté cette aumône devra être accordée. En outre, les partisans du projet avancent que le gouvernement avait déjà mis en place un plan dit des " actions égalitaires " destiné aux catégories défavorisées. Il avait offert à ces dernières des actions d'entreprises d'Etat. Ces libéralités n'ont pas été très utiles aux nouveaux actionnaires, les entreprises d'Etat étant souvent peu rentables, sinon déficitaires. La distribution de ces actions a du reste tourné à la gabegie. Chaque fois que le gouvernement ne parvient pas à respecter ses engagements, il donne des parts de ses entreprises aux catégories lésées : aux exportateurs, comme aide à l'exportation, aux retraités en substitut d'une prime de fin de service, ou aux enseignants, suite à des demandes d'augmentation de salaires.

Entre les tensions internationales autour du dossier nucléaire, les problèmes économiques intérieurs et les exigences politiques des clans qui le soutiennent, Ahmadinejad semble promis à une fin de mandat difficile. On le voit mal réussir à se faire élire pour une seconde fois Président de la République.

Hassan Chirazi

Note du Centre de Recherches sur le Terrorisme : Certes, les denrées alimentaires ont connu une augmentation spectaculaire partout dans le monde. En Iran, la responsabilité n'en incombe donc pas seulement au gouvernement.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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