ÉLECTIONS EN IRAN

avril 2008

Le 14 mars 2008, en Iran, se déroulait le premier tour des élections législatives. Selon les sources diplomatiques, sur les 290 sièges à pourvoir au Parlement, les radicaux, appelés conservateurs dans le langage journalistique, auraient emporté 120 circonscriptions contre seulement 40 pour les Réformateurs.

On connaît mal, en Occident, ces Réformateurs. On veut les croire peu, voire pas du tout, différents de leurs concurrents radicaux. Pourtant, sous la présidence de leur principale figure, Mohammad Khatami, de 1997 à 2005, la République islamique s'était décrispée, à l'intérieur et à l'extérieur.

D'un côté, les règles vestimentaires appliquées aux femmes s'étaient relâchées et la presse avait pris quelques libertés. De l'autre, les relations avec l'Occident tendaient à se normaliser. La majorité des Iraniens, avait-on l'impression sur place, approuvait cette évolution.

Mais les radicaux, dont Ahmadinejad (photo), le Président, est devenu la figure de proue, n'acceptaient pas la remise en question de l'orthodoxie " khomeyniste ". Dès 2004, lors des précédentes législatives, on les avait vu utiliser les institutions pour imposer l'élection des leurs.

Il faut savoir qu'il existe en Iran une structure connue sous le nom de " Conseil des gardiens de la Constitution ". Formé de douze membres, six religieux et six juristes, pour ces derniers le plus souvent issus eux aussi de la caste religieuse, il est dominé par les radicaux. Entre autres prérogatives, ce Conseil contrôle la " validité ", au regard de sa conception de l'islam, des candidatures au Parlement.

En 2004, et encore cette fois, les radicaux se sont débarrassés de la plupart de leurs concurrents Réformateurs en les faisant décréter inéligibles par le Conseil. Au début de cette année, plus de 2000 candidatures ont ainsi été écartées, pour la plupart celles de personnalités favorables à Khatami.

Ceci n'explique pourtant pas le haut niveau de participation des électeurs au scrutin du 14 mars. Plus de 65% des Iraniens inscrits sur les listes électorales se sont rendus aux urnes, tout en sachant les jeux faits, en faveur des radicaux, faute de challengers réformistes. Pourquoi une telle participation ?

Téhéran offre une réponse partielle. En effet, dans la capitale, et tranchant avec le reste du pays, seulement 40% des électeurs sont allés voter. A l'échelle de l'Iran, ce sont les campagnes qui font la différence. Ce point échappe à nombre d'analystes trop sensibles à l'opinion de la bonne société de Téhéran. En effet, cette dernière, d'orientation moderniste, nourrit une hostilité, bien compréhensible, contre le régime. Dans les villages de la province, en revanche, on est conservateur, au sens occidental du terme. On serre les rangs autour du mollah, comme autrefois en France on venait chercher conseil et inspiration auprès du curé de la paroisse.

Or, la hiérarchie religieuse a battu le rappel à travers le pays, ordonnant, comme un impératif religieux, de voter. Là encore, les observateurs étrangers estiment mal la situation. Ils ne voient pas l'extraordinaire réseau, mis en place au cours des siècles par les mollahs, à travers le pays.

L'ayatollah Mohammad Taghi Mesbah Yazdi, apparaît comme l'une des têtes de cet appareil tentaculaire. Né en 1934 à Yazd, il est le guide spirituel d'Ahmadinejad et un important artisan de son arrivée au pouvoir. Il dirige l'Institut Imam Khomeiny, à Qom, une université religieuse dont les diplômés constituent les cadres du régime. Grâce à ses anciens étudiants, Mesbah Yazdi influence toutes les structures du pouvoir.

Or, ce vieux Monsieur n'est pas un grand-père gâteau. " Si quelqu'un insulte la sainteté de l'islam, a-t-il dit, l'islam permet de répandre son sang. Il n'est pas besoin d'un tribunal pour cela ".

Seule consolation pour les Iraniens, qui aspirent à vivre comme tout le monde, les radicaux sont divisés en clans ennemis. Ainsi, quand le précédent Parlement était dominé par les intégristes supposés acquis à Ahmadinejad, les députés ont pourtant refusé de voter le budget présenté par celui-ci. Ils se sont aussi opposés à trois reprises à l'intronisation de candidats présentés par le Président pour assumer les fonctions de ministre du Pétrole.

Ces conflits entre radicaux, pour des raisons d'idéologie et, plus souvent encore, pour s'emparer des subsides de l'État, peuvent donner l'illusion d'un fonctionnement démocratique. Cependant, tant que les Réformistes, mais aussi l'opposition non religieuse, les partis de gauche, les royalistes, les libéraux et d'autres encore ne pourront pas présenter librement leurs candidats, la démocratie restera l'Arlésienne de l'Iran.

 

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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