Quelques mots
SUR LA GUERRE DE GAZA

août 2014

Le 12 juin 2014, trois jeunes Israéliens étaient enlevés en Cisjordanie. Une vaste opération de recherche diligentée par l’armée israélienne commençait. 18 jours plus tard, on comptait 420 Palestiniens arrêtés et cinq tués (1). Apparemment aucun n’était impliqué dans l’affaire. La tension monte. Quelques roquettes partent de Gaza mais ne font aucune victime. Puis, le 30 juin, on retrouve les corps des trois garçons assassinés à quelques minutes de l’endroit où ils ont été capturés. Sans preuves déclarées, l’Etat juif accuse Hamas, le mouvement palestinien maître de Gaza de ces trois crimes. Puis le 1er juillet, commence à bombarder l’enclave. Le lendemain, l’émotion monte d’un cran avec le meurtre d’un jeune Palestinien, brûlé vif, à Jérusalem-Est. Ces faits et ceux qui vont suivre amènent à se poser plusieurs questions. Bientôt deux mois plus tard, on compte plus de 2000 morts dans le camp palestinien.

Sur les trois jeunes israéliens assassinés
Aucune méthode de combat ne peut justifier le meurtre délibéré de trois garçons âgés de 16 ans et 19 ans.
Leurs assassins n’ont même pas l’excuse de les avoir trouvés sous l’uniforme. Quant à leur résidence dans une colonie du Goush Etzion, illégale comme toutes les colonies en territoire palestinien au regard du droit international, on ne peut même pas le leur reprocher, compte tenu de leur âge puisqu’ils dépendaient de leurs parents.

Les recherches des autorités israéliennes étaient-elles légitimes ?
Répondre négativement reviendrait à nier le droit à un État d’assurer la sécurité de ses citoyens.
Néanmoins, Israël a dépassé les bornes en arrêtant 420 Palestiniens qui, pour sûr, ne pouvaient pas tous être impliqués dans ces crimes. De plus, la recherche n’a pas été conduite comme une opération de police mais par l’armée selon des méthodes militaires. Logique d’occupation dira-t-on. Certes, mais qui prouve une fois de plus que l’État de droit s’arrête aux limites d’Israël. Encore peut-on se demander si l’action d’Israël n’aurait pas été plus efficace en collaborant étroitement sur ce dossier avec Mahmoud Abbas, le Président palestinien. Ce dernier, du reste, a vivement dénoncé les trois assassinats (2).

Connaît-on les auteurs, voire les commanditaires, des trois assassinats ?
Les Israéliens accusent Hamas. Mais ils n’ont donné aucune preuve, aucun nom même.
Ils agissent comme si, plus que la vérité, ils voulaient un coupable, quelqu’un à qui faire porter le chapeau pour calmer leur opinion. À la réflexion, on peut même douter que le Hamas soit le responsable. En effet, depuis avril 2014, ce parti est entré dans un processus de réconciliation avec le Fatah de Mahmoud Abbas, autre composante politique exerçant une autorité sur les Palestiniens. Les deux mouvements ont même formé un « gouvernement de consensus ». Lâché par tous ses alliés passés (3), Hamas n’a pas intérêt à couper les ponts avec son ultime partenaire. Au contraire, pour sortir de l’isolement, il vaut mieux pour lui préserver le lien avec le Fatah. Or, commanditer une action aussi intolérable que le meurtre de sang-froid de trois adolescents n’aurait pu que mettre un terme à la nouvelle relation avec Mahmoud Abbas et son parti. Certes, Hamas peut être dans la logique du scorpion (4), mais tous les signaux donnent à penser le contraire. C’est plutôt Benyamin Nétanyahou qui nous joue la fable du Loup et de l’Agneau : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère ». On peut imaginer des dissidents du Hamas ou les membres d’un autre mouvement ayant perpétré ces crimes. Mais, le principal, aux yeux du Premier ministre israélien, est de se donner une raison pour attaquer.

Quelles sont la ou les raisons de l’attaque contre Gaza ?
Israël a proclamé son droit à se défendre. Droit que personne ne peut contester. Mais les Israéliens tiennent-ils compte du droit parallèle des Palestiniens à se défendre eux aussi,
contre une occupation injuste ou pour leur sécurité ? Ils parlent comme si les Arabes sous leur domination n’avaient pas de droits. Aussi avancent-ils comme prétexte du déclenchement de l’offensive les tirs de roquettes partant de Gaza. Pourtant, avant l’opération militaire israélienne, ces tirs de roquettes, étaient peu nombreux et n’avaient pas causé de décès. De plus, ils avaient été provoqués par les recherches conduites agressivement des trois disparus. S’il est vrai qu’en réponse aux bombardements israéliens les tirs de roquettes ont augmenté, compte tenu de leur imprécision, le 11 juillet ils n’avaient fait que 9 blessés légers (5). Les Palestiniens comptaient déjà 100 morts. En clair, les tirs à partir de Gaza sont plus une réaction à l’attaque israélienne que l’inverse. Il faudrait donc parler de légitime défense des Palestiniens. Les Israéliens ont-ils perçu la faiblesse de leur argumentation ? En tout cas, au gré de l’offensive, une nouvelle raison est invoquée : la destruction des moyens militaires du Hamas et, surtout, celle de tunnels qui peuvent menacer la sécurité d’Israël. Reste à se demander pourquoi, si c’est le véritable objectif, les Israéliens pilonnent des sites situés à plusieurs kilomètres de la frontière et donc des tunnels. Pourquoi, aussi, ils détruisent des écoles et des hôpitaux de l’ONU ? Si les hommes de Hamas se sont vraiment placés à proximité de ces bâtiments pour tirer, il faut savoir leurs armes extrêmement mobiles. Ils auraient déjà déguerpi quand la réponse arrive.

La réponse d’Israël est-elle proportionnée ?
Même si Israël s’estime en état de légitime défense il doit, selon les codes en vigueur dans le monde, mener une offensive proportionnée à l’attaque qu’il a subie.
Les chiffres à eux seuls donnent une idée de la disproportion. Le 20 août, on comptait 67 morts côté israélien : 3 civils tués par des roquettes et 64 militaires tombés au cours de l’offensive terrestre contre Gaza. Les Palestiniens, pour leur part, avaient 2075 morts (6). Pire, les Nations Unies affirmaient les victimes palestiniennes pour la plupart des civils.

Existe-t-il une raison cachée à ces attaques répétées d’Israël ?
On peut l’imaginer quand on entend les propos tenus par certains Israéliens et certains juifs de la diaspora partisans inconditionnels de l’État hébreu.
Ces extrémistes ne reconnaissent pas le moindre droit à la terre des Palestiniens. Pour eux, la terre est juive de la Méditerranée au Jourdain. Il existe des musulmans pour interpréter leur religion dans la déraison. Il y a aussi des juifs qui affichent les symptômes de ce syndrome. Publié dans « Actualité Juive », de la « mitsva », ou règle, n° 190 il est dit : « C’est le commandement nous incombant concernant la guerre contre d’autres peuples, ce que l’on appelle la guerre facultative. Nous avons le devoir, si nous les combattons, de conclure une alliance avec eux pour épargner leurs vies, à condition qu’ils fassent la paix avec nous et nous cèdent leurs terres » (7). « Et nous cèdent leurs terres » ! Tout est dit. Pour qui suit cet ordre divin, les Palestiniens n’ont qu’un seul tort, ne pas donner leurs terres aux Israéliens. Si tous les Juifs ne sont pas à mettre dans le même sac, admettons qu’il en existe quelques-uns qui aimeraient bien se débarrasser des Palestiniens.

Notes

(1) « Le Point » du 30 juin 2014.
(2) « Le Nouvel Observateur » du 22 juin 2014.
(3) Hamas a perdu le soutien de l’Iran en raison de son positionnement contre le régime syrien depuis mars 2011, il est aussi en difficulté avec l’Égypte qui lui reproche sa proximité avec les Frères musulmans ennemis déclarés du nouveau régime.
(4) Nous faisons allusion à la fable du scorpion tuant la grenouille qui le transporte pour lui faire traverser la rivière. Il agit contre son intérêt, parce que, dit-il, « c’est ma nature ».
(5) D’après « Haaretz », journal israélien.
(6) D’après « Le Monde » du 20 août 2014.
(7) Voir « Actualité juive », hebdomadaire de la communauté en France, du 31 janvier 2013.

 

 

Charles Cogan, ancien responsable de la CIA, parle

Charles Cogan a dirigé l’antenne de la CIA à Paris de 1984 à 1989. En plein conflit afghan. Il a accordé une interview de qualité au Figaro*.

À propos de l’échec des négociations entre Palestiniens et Israéliens en avril dernier, il dit : « Implicitement, les États-Unis imputent l’échec de ces négociations à Israël, pour n’avoir pas relâché la dernière tranche des prisonniers palestiniens. Le problème des colonies aussi est toujours là. Les conséquences, c’est une frustration croissante des Palestiniens, une lassitude des États-Unis... »

Au plus fort des bombardement sur Gaza, avant l’offensive terrestre, il dit : « Il faut cesser les tirs car le nombre de morts côté israélien est nul alors que côté palestinien, il est très important. Le déséquilibre est trop fort. Mais comme le Hamas continue de lancer des roquettes, c’est difficile de pointer du doigt Israël ».

A propos du Premier ministre israélien, il a des propos très durs. Il ose : « Pour moi, tant qu’il y aura Nétanyahou, il n’y aura pas de solution au conflit. Car c’est l’occupation de la Cisjordanie le problème ! »

Cogan n’est pas plus tendre à l’endroit des son propre pays. Il avoue : « La guerre en Irak est certainement la plus grande erreur de l’histoire des États-Unis. On en voit les conséquences aujourd’hui ! Quant à l’Afghanistan, nous aurions dû partir fin 2001, au moment où Al-Qaïda s’est réfugié au Pakistan ».

Monsieur Cogan vous nous redonnez un peu d’espoir dans les Américains...

* In « Le Figaro » du 15 juillet 2014.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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