GUERRE
DES RÉVÉLATIONS AU LIBAN

juin 2009

Deux affaires sortent l’une à la suite de l’autre au Liban : la découverte de nids d’espions travaillant pour Israël et les accusations portées contre le Hezbollah dans le cadre de l’assassinat de Rafic Hariri, l’ancien Premier ministre, le 14 février 2005. Concernant deux points qui font l’unanimité au Liban, le ressentiment contre Israël et la dénonciation d’un crime dénoncé par toutes les communautés, ces « révélations » sortent à la veille des élections législatives qui doivent se dérouler le 7 juin. Est-ce un hasard ?

A la date du 20 mai 209, 18 personnes étaient accusées, dont 12 avaient été placées en détention sur décision de la Cour militaire libanaise, pour espionnage au profit d’Israël.

Un responsable des services de sécurité déclarait : « Depuis le début de 2009, ces espions sont devenus plus actifs et ont laissé des traces, ce qui nous a permis de les démasquer ». Parmi eux, figure un ex-général de la Sûreté, Adib Al-Alam. Depuis quinze ans, il travaillait pour l’État hébreu avec sa femme et son neveu, caporal dans l’armée.

Mais pourquoi la découverte de ces réseaux à la veille des élections ? Les Palestiniens présents au Liban les premiers lèvent un coin du voile. Dans une communication du 10 mai 2009, ils disent : « Ces arrestations sont le fruit d’une coordination entre le bureau des renseignements des FSI (la police), la direction des renseignements de l’armée libanaise et le service sécuritaire de la résistance libanaise du Hezbollah ».

Une autre source libanaise nous le confirme. Le Hezbollah a non seulement été mêlé à l’enquête, mais il en est l’instigateur. On comprend mieux. La campagne électorale se durcit. L’enjeu, c’est le gouvernement. Que le Hezbollah et ses alliés obtiennent la majorité à la Chambre des députés et ils nommeront le Premier ministre et ses ministres, chassant du pouvoir l’actuelle majorité, réputée proche de l’Occident.

Les intentions du Hezbollah apparaissent clairement. Au début de l’enquête, les espions semblaient provenir des rangs chrétiens et sunnites. Par ses « révélations », le « Parti de Dieu », principal leader chiite, comptait susciter l’opprobre contre ses adversaires politiques.

Général Achraf Rifi
Achraf Rifi, brigadier général des FSI libanaisTrès vite, néanmoins, les enquêteurs tombaient sur des cellules chiites, dont certaines étaient parvenues à pénétrer le Hezbollah. Le chef de la police, le général Achraf Rifi, pouvait déclarer, le 21 mai 2009, sur la télévision Al-Arabiya, que l’on trouvait des coupables dans toutes les confessions de la société libanaise.

Dans l’esprit des Libanais, cependant, la peur d’une attaque israélienne se voyait réactivée. Or, cette inquiétude profite au Hezbollah qui, grâce à sa milice, est considéré avec raison comme un obstacle face à l’armée de Tel-Aviv.

Le 23 mai, la seconde bombe médiatique tombait. Le « Der Spiegel », hebdomadaire allemand accusait le Hezbollah d’être l’auteur de l’assassinat de Hariri. L’auteur de l’article, Erich Follath, disait avoir reçu ses informations grâce à des fuites émanant de sources proches du tribunal international chargé, sous supervision des Nations Unies, d’élucider le crime. L’information tombait du reste après la libération, début avril, de quatre personnes jusque-là soupçonnées du meurtre, d’anciens responsables de la sécurité du pays (Jamil Sayyed, Moustafa Hamdane, Raymond Azar et Ali Hajj).

Le « Der Spiegel » s’appuyait sur des éléments de l’enquête. Un expert en électronique, le capitaine Wissam Eid, a travaillé sur les téléphones portables utilisés autour de l’emplacement de l’assassinat. Le capitaine avait identifié huit mobiles, achetés le même jour à Tripoli (Liban). Ces derniers avaient commencé à fonctionner six semaines avant l’attentat et ont cessé d’émettre après celui-ci. De plus, à une exception près, ils n’ont servi qu’à des échanges de conversations entre les détenteurs des huit postes.

Cette exception concernait un appel à une jeune femme. Interrogée, elle a confessé qu’il s’agissait d’une communication de son amoureux dont elle n’avait plus, depuis, aucune nouvelle. Celui-ci, Abdelmajid Ghamlush, a disparu.

Cette découverte a permis aux enquêteurs de remonter à Hajj Salim, le chef de Ghamlush, devenu depuis un an le commandant militaire du Hezbollah.

Plus grave, selon l’enquête, la camionnette Mitsubishi qui, chargée d’une tonne d’explosif, a servi pour l’attentat, aurait été achetée par un autre membre du Hezbollah, lui aussi identifié.

Ce n’est pas tout. A l’époque de l’assassinat de Hariri, Imad Moughnieh se trouvait à la tête de la branche militaire du Hezbollah. Recherché par tous les services de la planète, il était soupçonné, entre autres, d’avoir participé à l’attentat du 18 avril 1983 contre l’ambassade américaine à Beyrouth.

Photo d'Imad Moughnieh
Liant la structure du Hezbollah à l’assassinat de Hariri, il paraît difficile d’écarter l’implication de Moughnieh. Or, ce précieux témoin potentiel était à son tour tué dans une attaque perpétrée contre lui le 12 février 2008, à Damas, dans une zone résidentielle sécurisée par les autorités syriennes. Un peu vite, certains commentateurs avaient imputé sa mort aux services israéliens.

On meurt décidément beaucoup dans cette affaire. Le 25 janvier 2008, le capitaine Eid, après avoir mis en lumière l’utilisation des portables de l’attentat contre Hariri, avait été assassiné à Hazmieh, dans la banlieue de Beyrouth.

Hassan Nasrallah
Comme il fallait s’y attendre, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à la suite de l’article du « Der Spiegel », a réfuté les accusations et dénoncé « un complot international contre le parti ». Quant au Tribunal chargé de l’enquête, il s’est contenté de répondre aux journalistes qu’il « ne commentait pas les questions liées aux aspects techniques de l’enquête ».

Vraie ou fausse, l’accusation portée contre le Hezbollah tombe à point nommé avant les élections. Difficile de croire au hasard. Du reste, d’après un correspondant, à Beyrouth on se prépare à de nouvelles révélations.

Reste à se demander comment le Hezbollah va réagir. Acculé, il peut être tenté par la surenchère violente. En d’autres termes, déclencher une nouvelle guerre civile.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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