LA LIBYE VOIT DOUBLE

février 2016

À la mi-février la situation est figée en Libye. Pour combien de temps encore ?

Après la chute de Mouammar Kadhafi, en 2011, le pays a éclaté en une multitude de zones contrôlées par des milices aux mains d’organisations islamistes ou tribales comme celle de Zenten. Face à ce désordre, un semblant de légalité s’est mis en place. En juillet 2012, un parlement était élu sous le nom de Congrès général national. Problème, les islamistes le dominaient largement.

En mars 2014, de nouvelles élections sont organisées. Non réélus, plusieurs députés refusent alors les résultats et décrètent toujours légitime l’ancien parlement. Ce dernier demeure à Tripoli et se dote d’un gouvernement contrôlé par « Al-Fajr » (l’Aube en arabe), une fédération de milices islamistes. Mais les nouveaux élus ne l’entendent pas de cette oreille. Sous le nom de Chambre des représentants, ils forment un autre parlement et, pour échapper à la guerre, s’installent à Tobrouk, à l’est du pays, où eux aussi nomment un gouvernement.

Confrontées à cette dualité, les instances internationales font le choix de l’est, la gouvernance de Tobrouk, il est vrai plus facile à soutenir parce qu’issue d’élections plus récentes. En outre, à l’est, les anti-islamistes dominent, rassurant l’Occident, même si dans leurs rangs on compte des anciens du régime de Kadhafi et des nationalistes qu’en Europe, pourtant, l’on dénigre.

S’appuyant sur Tobrouk, de Washington à Bruxelles, on voudrait bien se débarrasser des factions islamistes qui sévissent à Tripoli. À partir du printemps 2014, on va jusqu’à soutenir un ancien général de Kadhafi, Khalifa Haftar, pour mener la reconquête, l’opération « Karama » ou « Dignité ». Aux yeux des Libyens, l’homme est pourtant d’une crédibilité douteuse : capturé au Tchad en 1987 lors d’une offensive libyenne contre ce pays, il était passé aux côtés des Américains. D’abord utilisé pour tenter de renverser militairement Kadhafi, il fut finalement exfiltré à Langley, à côté du siège de la CIA, en 1990, pour réapparaître en Libye à partir de 2011.

Mais la reconquête d’Haftar ne répond pas aux attentes. Pire, Daech (l’État islamique) s’implante dans le pays allant jusqu’à s’emparer de Syrte, la ville natale de Kadhafi, d’où ces radicaux partent à la conquête de la Libye. Au premier rang, pour s’opposer à eux, apparaissent les instances de Tripoli avec les milices d’Al-Fajr. Plus grave encore, lançant des missions du territoire libyen, Daech s’infiltre au Sahel, menaçant un peu plus la paix relative instaurée par la France dans cette région.

L’analyse de l’étranger, principalement des Occidentaux, change alors. Récemment, Jean-Yves Le Drian, notre ministre de la Défense disait « urgent » de trouver une solution politique en Libye pour pouvoir aider un gouvernement d’union nationale à combattre Daech.

Le 17 décembre dernier, on semblait arrivé au bout du tunnel : à Skhirat, au Maroc, la majorité des factions libyennes, pas toutes cependant, acceptait un gouvernement sous le parrainage des Nations Unies. Mais le parlement de Tobrouk le refusait. Sous prétexte que les ministres étaient trop nombreux, il cherchait à protéger Haftar, le ministère de la Défense ayant été confié à un autre.

Depuis, on s’enlise. On taille dans les effectifs du gouvernement, on promet et l’on s’invective, mais en vain. Pendant ce temps-là, Daech avance, en Libye et en Afrique noire. Tout cela est le résultat d’actions militaires et politiques irréfléchies de l’Occident.

 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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