MICHEL GERMANEAU
Rien ne vaut la mort d’un homme

août 2010

Le 5 août, l’AFP clamait dans une dépêche : « Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a maintenu qu’il avait eu des négociations avec la France pour la libération de l’otage français Michel Germaneau, affirmant que ses demandes étaient « claires », a rapporté jeudi le centre de surveillance des sites Internet islamistes SITE ».
Quelques lignes plus loin, le texte précisait : « Michel Germaneau a été enlevé le 19 avril dans le nord du Niger.
Aqmi a annoncé son exécution le 25 juillet ». L’AQMI, selon les propos qui lui sont attribués, aurait alors exécuté le Français pour se venger d’une attaque menée avec la participation des forces françaises et de nos services de renseignements contre une de ses bases. Tout semble dit. En réalité ces affirmations posent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses.

D
ans cette affaire comme dans d’autres, se pose en premier lieu la question de la crédibilité des communiqués d’organisations terroristes islamiques.

Le plus souvent, ils sont présentés comme récupérés sur Internet par le « SITE », comme le rapporte ensuite toute la presse, usant de ces majuscules inhabituelles sans donner plus d’explication. Se contentant de la bonne parole diffusée par les médias, on présume donc ce « SITE » une structure officielle, jouissant des plus sûres garanties d’impartialité. Et pourtant !

Cette appellation correspond au site en anglais « Site Intelligence Group », qui traduit les textes de l’arabe et les transmet ensuite à ses seuls abonnés. Il faut néanmoins savoir « Intelligence Group » une émanation de l’État d’Israël. La directrice s’appelle Rita Katz. Née en Irak, elle jouit de la double nationalité : américaine et israélienne. Elle a en outre obtenu ses diplômes à Tel-Aviv. Parmi ses trois conseillers mis en avant, figurent Gabriel Weimann, professeur de Communication à l’Université de Haïfa (Israël), et Bruce Hoffman, directeur de la Rand Corporation et intervenant auprès du JINSA, une institution juive pro-israélienne dont l’acronyme signifie « Jewish institute for national security affairs ».
Ce n’est pas tout. Le « SITE », pour son hébergement sur Internet, recourt aux bons offices de « Web Station One ». Et là, on sourit. Cet hébergeur accueille principalement des sites sionistes ou des structures de propagande favorables à Israël. On reconnaît, parmi les noms des bénéficiaires, celui du MEMRI, un site Internet créé par un ancien officier du Mossad, Yigal Carmon, pour diffuser la traduction de documents islamistes.

Cette longue digression pour arriver au coeur de notre question : d’où vient le communiqué de l’AQMI, contesté par les autorités françaises, qui affirment qu’aucunes négociations n’étaient en cours pour obtenir la libération de Germaneau ?

Selon plusieurs médias en arabe, une organisation dénommée « Al Fajr » aurait servi à la diffusion du message. Problème cependant, pour des raisons de sécurité, les sites islamistes radicaux sont évanescents. Plus fugaces encore, les enregistrements de cassettes ou de CD peuvent apparaître et disparaître aussi rapidement sur des forums de discussion.

En d’autres termes, toutes les manipulations sont possibles et l’on peut soupçonner n’importe qui de faire passer n’importe quoi. Raison de plus de se méfier quand on voit à quel point les Israéliens sont parvenus à s’introduire dans les tuyaux de la communication des islamistes radicaux sur Internet. On mesure le degré d’inféodation des médias occidentaux à l’influence sioniste à la facilité avec laquelle ils « avalent » l’information prédigérée par le « SITE » au point de risquer l’intoxication. Car, personne n’en disconviendra, Israël n’a rien d’un partenaire neutre face à l’islam, que ce dernier soit extrémiste ou non.

Or, voilà où le doute nous assaille, Israël ne conduit pas seulement une guerre contre les organisations et pays musulmans qui, par les armes ou le verbe, remettent en cause sa légitimité. Il mène aussi une offensive plus discrète contre les intérêts français en Afrique, se rangeant pour ce faire dans le camp anglo-saxon.

Nous avons mis cette réalité en évidence dans plusieurs cas. Celui, par exemple, de l’attaque aérienne du 6 novembre 2004, qui valut la mort de neuf de nos soldats en Côte d’Ivoire (1), ou celui de la campagne de diffamation conduite en sous-main par Israël pour dénigrer l’action de nos soldats au Rwanda (2).

Dans ces conditions, quand l’information, relative à la mort de Germaneau, surgit de « tuyaux » sous contrôle israélien, difficile de ne pas craindre une manoeuvre de l’État hébreu, dans ce qui apparaît comme une nouvelle offensive, pour discréditer notre bras coercitif à l’étranger.

Les réseaux islamo-terroristes existent bien, nous feront remarquer les esprits éveillés, et n’ont pas non plus d’intentions amicales à notre égard.

Vrai ! Néanmoins, l’AQMI entretient d’étranges relations avec certains services de renseignement pourtant réputés leurs ennemis.

Jeremy Keenan, un anthropologue britannique connaisseur du Sahel et des enjeux politiques sub-sahariens, publiait un commentaire à propos de la mort de Germaneau, le 8 août sur le journal Internet Al Jazeera, canal télévision du Qatar. Nous ne suivons pas Keenan dans sa démonstration, qui aurait dû rester une hypothèse, d’une double attaque militaire, l’une destinée à occulter l’autre.

Amari Saïfi ou Abderrezak el Para
Amar Saïfi ou el Para

Cependant, comme lui, nous confirmons l’étroitesse des relations entre la DRS, le service algérien, et certains dirigeants de l’AQMI. Nous avons déjà pointé du doigt le rôle d’Abderrezak El Para (3), ancien militaire algérien et ancien responsable de l’AQMI. Capturé au Tchad, puis remis aux autorités de son pays, il vit aujourd’hui sous protection de l’armée algérienne qui a refusé de le faire comparaître au procès, intenté contre lui à Alger. Il a pourtant été condamné par contumace.

De même, Hassan Hattab, le fondateur du GSPC, ancien nom de l’AQMI, vit lui aussi librement en Algérie et donne même des interviews. Comme celle publiée le 15 octobre 2005 (4) par le journal arabe « Al Charq Al-Awsat ».

Hassan Hattab, fondateur du GSPC

Ce qui pourrait passer pour une illusion de journalistes se voit confirmé par plusieurs enquêteurs des services occidentaux, qui confirment la manipulation de l’AQMI par les services algériens. Ces derniers se servent de ce mouvement pour étendre leur influence dans le Sahara et à ses confins, au Mali, au Niger, en Mauritanie et jusqu’au Tchad. Ils veulent en chasser les Français et semant le trouble, passer comme le seul recours possible pour restaurer la sécurité dans la région, afin d’y jouer le rôle de gendarme.

Nous n’irons pas jusqu’à accuser Israël de participer à la manipulation de l’AQMI. Nous remarquons néanmoins les manoeuvres anti-françaises communes à ce pays et à l’Algérie. Nous savons aussi des liaisons existant entre les services secrets algériens et ceux d’Israël.

Ainsi, le commandant Uri Barsony (5), pour ne parler que de lui, est certes un ancien officier sud-africain, mais aussi un proche du Shin-Bet, l’un des services israéliens. Comme nous l’avons déjà évoqué, il a joué un rôle important pour entraîner les forces spéciales algériennes, au début des années 2000, et servi de liaison entre la DRS algérienne et le Mossad israélien.

La France, empêtrée dans des alliances avec des pays pratiquant systématiquement le double jeu, se voit embarquée dans des parties de poker menteur où elle ne peut que laisser des plumes. Cela durera tant que nos responsables politiques ne feront pas passer les intérêts de la nation avant leurs allégeances personnelles à d’autres pays. Germaneau a payé cela au prix de sa vie.


Alain Chevalérias

Liens:
(1) « Des Israéliens ont-ils tué des soldats français en Côte d’Ivoire ? ».
(2) « Rwanda : que Justice soit faite ! »
(3) « Qui a enlevé les otages du Sahara ».
(4) Interview de Hassan Hattab, fondateur du GSPC algérien.

(5) « L’Algérie sous contrôle américain ».

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 

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