ILS REGRETTERONT

LE SOLDAT MUSHARRAF

septembre 2008

Carte du Pakistan et pays limitrophes"Dans l’intérêt du pays, j’ai décidé de démissionner ". Au cours d’une allocution télévisée d’une heure prononcée le 18 août 2008, le Président Pervez Musharraf a annoncé son départ de la présidence du Pakistan.

Unie dans la volonté de le voir destitué, l’alliance majoritaire au sein de l’Assemblée nationale a fini par avoir raison de lui. Mais les vraies difficultés commencent.

Le 25 août, Nawaz Sharif, ancien Premier ministre, quitte cette alliance, dont il est pourtant l’un des deux piliers, et se range dans l’opposition. Il reproche au chef de ligne de l’autre courant de la majorité parlementaire, Asif Ali Zardari, de ne pas avoir tenu ses engagements. On est dans le discours incantatoire de type politicien.

En réalité, Sharif ambitionne la position de Président, pour laquelle Zardari, fort de son plus grand nombre de députés, a obtenu l’investiture de la majorité parlementaire.

Pour pouvoir présenter sa candidature à la magistrature, Sharif comptait sur la mise à l’écart de Zardari. Comment ? Il faut, pour comprendre, reprendre le fil d’Ariane de la politique pakistanaise.

Pendant l’année 2007, les États-Unis, estimant que Musharraf n’en faisait pas assez dans la lutte contre les Taliban, avaient exigé une plus grande dose de démocratie. Ils avaient exigé et obtenu le retour des deux principaux exilés politiques, Sharif et Benazir Bhutto, qui étaient rentrés au pays pour faire campagne aux législatives.

Néanmoins, Benazir, elle-même ancien Premier ministre, était poursuivie par la Justice pakistanaise avec son époux, le même Zardari, pour corruption lors de ses deux mandats à la tête du Pakistan. Musharraf, toujours sous la contrainte de Washington, avait dû prononcer une amnistie générale, afin de permettre le retour du couple Benazir-Zardari.

Avec l’assassinat de Benazir, le 27 décembre 2007, on assistait à la nomination de son fils, sous le tutorat paternel de Zardari, à la tête du PPP, le parti créé par le fondateur de la lignée, Ali Bhutto, lui aussi ancien Premier ministre.

Asif Ali Zardari
Asif Zardari, veuf de Benazir BhuttoCommandant en chef de la machine politique la plus performante du Pakistan, le PPP, et candidat déclaré à la Présidence de la majorité, Zardari voyait la victoire à portée de main. Mais un détail risquait de bouleverser ses plans.

Pour éviter de voir sa réélection d’octobre 2007 invalidée par la Cour suprême, le mois suivant, Musharraf avait déposé les juges siégeant à la tête de cette institution. Au cours de la campagne législative, Zardari et le PPP avaient promis de remettre ceux-ci en place. Or, au pouvoir, le Premier ministre issu du PPP n’a rien fait dans ce sens.
 
A cela, une raison : Zardari craint que la Cour suprême, retrouvant sa puissance, ne décrète irrecevable l’amnistie dont il a bénéficié avec Benazir. Il serait traduit en Justice et risquerait l’emprisonnement. Voilà pourquoi Sharif, son concurrent inavoué à la Présidence, demandait avec insistance le retour des juges de la Cour suprême. Tout simplement pour se débarrasser d’un obstacle entre lui et la magistrature suprême.

Dans cette affaire, une fois de plus, les Américains ont fait de mauvais calculs. Ils croyaient, ou voulaient croire, le retour à un fonctionnement plus démocratique la solution à toutes les difficultés du pays. Surtout, ils voyaient là la recette permettant la mise à raison des courants islamistes qui soutiennent les Taliban au Pakistan et, par rebond, en Afghanistan.


Nous assistons pourtant au processus inverse. Sous le nouveau régime, sur fond de course au pouvoir, le désordre s’accentue, les islamistes radicaux profitent de la faiblesse du gouvernement et la liaison entre les Taliban du Pakistan et ceux d’Afghanistan se renforce. Washington risque de regretter le soldat Musharraf.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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