Pourquoi le meurtre d’un employé du CICR au Pakistan ?

septembre 2013

Khalil Dale, un cadre de la Croix Rouge, a été retrouvé assassiné dans la région de Quetta, dans le sud-ouest du Pakistan en avril 2012. Il avait été kidnappé le 5 janvier, quatre mois plus tôt.

De son nom de naissance Ken Dale, il vivait à Dumfries, en Écosse. Âgé de 60 ans, il s’était converti à l’islam et travaillait pour le CICR (Comité international de la Croix rouge) depuis 1981. À première vue, rien n’explique ce meurtre. Des informations reçues de l’un de nos correspondants lèvent le voile.

Au début de l’été 2011, les hommes d’Al Qaïda avaient déposé à l’hôpital de la Croix Rouge de Quetta deux de leurs hommes, de nationalité jordanienne, blessés en Afghanistan. Rien d’étonnant, depuis des années, bordant la frontière, les structures médicales installées au Pakistan reçoivent sans rechigner les blessés de guerre arrivant d’Afghanistan. La Croix Rouge est largement sollicitée dans ce sens.

Les services d’espionnage américains le savent parfaitement. Aussi, pour s’informer, la CIA a-t-elle introduit des agents dans les hôpitaux de la Croix Rouge. Mais quand les Américains s’apprêtent à lancer une opération pour capturer les deux blessés, les responsables d’Al-Qaïda l’apprennent et les transportent en catastrophe à l’hôpital du CICR de Peshawar.

Cependant, les Américains n’en démordent pas. Ils localisent les deux blessés et, à Peshawar, exigent qu’ils leur soient livrés par les responsables de la Croix Rouge. Ces derniers refusent et préviennent les deux hommes qui sont exfiltrés par les Taliban à la barbe des Américains.

Ce n’est pas la première fois qu’Al-Qaïda prend conscience de la présence d’agents américains dans les structures médicales de la Croix Rouge. En septembre 2011, déjà, trois membres de l’organisation terroriste avaient en effet étaient capturés à l’hôpital du CICR de Quetta sur renseignements. Parmi eux, figurait Younis Al Moritani (1), l’un des chefs les plus importants dans la hiérarchie d’Oussama Ben Laden.

Le sort de Khalil Dale n’était cependant pas scellé. Mais la Croix Rouge, s’alignant sur la politique de la plupart des grandes puissances (2), refusait de payer une rançon. Al-Qaïda et ses alliés locaux décidèrent alors d’exécuter leur otage.

À ce jeu, cependant, Al-Qaïda et ses alliés perdent beaucoup. En effet, le 10 mai 2012, en réponse à l’as-sassinat de Khalil Dale, la Croix Rouge a suspendu ses activités à Peshawar, et plus loin à Karachi, sur le Golfe arabo-persique. Le personnel étranger s’est replié à Islamabad la capitale. Il n’en continue pas moins de constituer des cibles pour Al-Qaïda et ses complices.

Notes

(1) Ou Younis Al Mauritani. Il a été extradé vers la Mauritanie le 31 mai 2013.
(2) C’est aussi la politique adoptée depuis peu par la France. Pour cruelle qu’elle puisse paraître à première vue, c’est néanmoins le seul moyen de mettre un terme aux prises d’otages en annihilant la motivation principale, le profit.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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