FATALITÉ
LIBANAISE ?

novembre 2006


Pierre Gemayel (Jr)

Mardi 21 novembre à 16 heures 20, à quelques kilomètres de Beyrouth, Pierre Gemayel est assassiné d'une rafale d'arme automatique dans la tête. Au coeur de la région chrétienne et en plein jour.

Ministre de l'Industrie, âgé de 34 ans, Pierre était le fils d'Amine, ancien Président de la République pendant la guerre civile. Ce dernier avait lui-même reçu la charge de Président de la République à la suite de l'assassinat de son frère, Béchir, tout récemment élu. Après le carnage perpétré par Israël cet été, l'assassinat de Rafic Hariri ou celui de Gebran Tuéni, on a le sentiment que ce pays, le Liban, est voué au malheur. Un peu comme si ce territoire minuscule jouissait d'une climatologie de la violence particulière.

Mais accepter la fatalité, c'est oublier le doigt qui appuie sur la détente ou la main qui allume la mèche lente.

Il faut pour comprendre retourner à des références simples. D'abord comprendre deux camps se faisant face aujourd'hui au Liban.

D'une part celui dit du 14 mars, par allusion aux démonstrations anti-syriennes déclenchées dans les rues un mois après l'assassinat de Rafic Hariri, le 14 février 2005. On trouve dans ce camp la majorité des sunnites, les druzes, derrière Walid Joumblatt et une grosse partie des chrétiens, en particulier ceux de Samir Geagea.

Les Libanais de cette mouvance manifestent en commun de l'inquiétude face à la montée du Hezbollah et le refus d'inféoder leur pays à Damas. Il y a un an et demi, Les élections législatives leur ont permis d'obtenir la majorité au Parlement et, par conséquent, le gouvernement du pays.

En face d'eux, se tiennent les organisations de la gauche arabe et des affairistes liés à Damas, mais aussi une partie de la communauté chiite soudée derrière le parti Amal et le Hezbollah. Leur relation avec la Syrie relève du pacte conclu autour d'intérêts communs pour dominer le Liban. Pour préserver l'unité nationale, les responsables du mouvement du 14 mars avaient accepté au gouvernement des ministres du Hezbollah. En outre, la mouvance pro-syrienne bénéficie du soutien du Président de la République, Émile Lahoud, élu certes, chrétien de surcroît, mais qui doit sa place aux anciens maîtres syriens du Liban.

Autre point fort de l'alliance tirée par le Hezbollah, la présidence du Parlement est tenue par Nabih Berri, un avocat chiite chef du parti Amal et ami de longue date de la famille Assad.

La voiture de Pierre Gemayel après l'attaque. Un tir pour tuer. Du travail de professionnels.

Terminons la description du paysage politique libanais par la position du général Michel Aoun. A la fin de la guerre civile, il s'était illustré par des hostilités frontales et suicidaires contre l'armée syrienne. A partir d'octobre 1990, en exil en France, il se rapprochait des États-Unis et pactisait même avec des émissaires d'Israël.

De retour au Liban au printemps 2005, on le croyait, ennemi de la Syrie, prêt à rallier le camp du 14 mars. Mais là, surprise, au bout de quelques mois il fit une alliance avec le Hezbollah. Il croit ainsi obtenir le prochain mandat de la Présidence de la République. Son ambition l'a emporté sur les intérêts du pays. Aussi, prix de ce pacte contre nature, après le désastre de cet été, on voit les partisans de Aoun se détacher progressivement de lui au profit de Samir Geagea.

Néanmoins, à la lutte pour le pouvoir, s'ajoute une autre cause de conflit : l'issue de l'enquête relative à l'attentat dont fut victime Rafic Hariri et plusieurs de ses proches.

Le camp du 14 mars soutient l'idée d'un tribunal international dont la création relèverait du Conseil de sécurité des Nations unies. Le Hezbollah et ses amis s'y opposent. Il est vrai, un faisceau de présomptions semble désigner la Syrie.

L'assassinat de Pierre Gemayel est venu ajouter au climat de suspicion. La population, principalement la rue chrétienne, a accusé sans hésiter la Syrie de cette nouvelle tragédie. Amine Gemayel lui-même a refusé la présence des leaders du Hezbollah aux funérailles de son fils.

Certes, la Syrie et ses alliés font des coupables idéaux. Trop peut-être. Il faut aussi tenir compte d'autres responsabilités potentielles. Or, on y a assisté cet été, la Syrie n'est pas seule à travailler à la déstabilisation du Liban.

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