SOMALIE :
LES NÉO-BARBARESQUES

décembre 2008

Quand nous écrivons ces lignes, les pirates coupables de la capture du superpétrolier saoudien Sirius Star négocient une rançon de 25 millions de dollars. Le bateau a été arraisonné le 15 novembre. Il est retenu dans le port de pêche somalien de Xarardheere, à 500 km de Mogadiscio. Pris d’assaut en haute mer, le Sirius Star, un navire de 330 mètres de long servi par un équipage de 25 hommes, porte à son bord 300 000 tonnes de pétrole estimées à 100 millions de dollars. Des éléments islamistes somaliens ont fait mouvement vers Xarardheere pour prévenir une attaque étrangère.

D’après les informations, trois autres navires sont eux aussi retenus sur les côtes somaliennes : un cargo ukrainien, transportant des armes, dont 33 chars T-72 de conception russe, un tanker turc, chargé de 4500 tonnes de produits chimiques, et un cargo yéménite.

Tous ont été pris au large des côtes somaliennes, zone d’approche des bateaux se dirigeant vers la Mer Rouge pour franchir le canal de Suez. Depuis le début de l’année 2008, 199 actes de piraterie ont été recensés dans le monde, 580 membres d’équipage pris en otage, 9 tués et 7 disparus présumés morts. La moitié des attaques sont le fait de Somaliens. Les pirates font preuve d’une audace grandissante. Le 13 novembre, ils ont même tiré à l’arme lourde contre une frégate de la marine indienne chargée de les traquer.

Pour protéger l’une des routes maritimes les plus fréquentées du monde, la communauté internationale a été obligée de réagir. Le 10 novembre, l’Union européenne a lancé l’opération Eunavfor Atalanta. Ce faisant, elle applique les décisions de la résolution 1838 du Conseil de Sécurité des Nations Unies d’octobre dernier, transformant la région au large de la Somalie en zone de guerre.

Bien, mais largement insuffisant. Pour mieux adapter leur action à la situation, nos stratèges devraient prendre des leçons de l’Histoire.

Au XVIIème siècle, par la mer des Grandes Antilles, transitait un important commerce entre les colonies espagnoles d’Amérique et l’Europe. Les richesses transportées suscitant la convoitise, ceux que l’on appelle flibustiers firent de l’attaque des galions d’or espagnols la source de leurs revenus.

Ces voyous des mers, que l’on nous pardonne de jeter une ombre sur l’image romantique dont on a parés ces gens, avaient besoin d’une base pour lancer leurs raids. Leur choix se porta sur l’île de la Tortue, au milieu de la mer des Antilles et à une vingtaine de kilomètres des côtes de l’actuel Haïti. Sans ce repaire, ou un autre, ne trouvant nulle part d’endroit où s’approvisionner, déposer leurs blessés et réparer leurs navires, jamais les flibustiers n’auraient pu pratiquer leur coupable industrie. Car aucun bateau ne peut rester en permanence en mer.

Autre exemple, l’Algérie. Du XVIème siècle à la fin du XVIIIème, alors sous autorité ottomane, Alger servit de refuge aux Barbaresques. De cette ville, ils attaquaient nos navires de commerce et les côtes de l’Europe où ils s’approvisionnaient en esclaves, parfois rendus contre rançon.

Aujourd’hui, comme autrefois à La Tortue ou en Algérie, les pirates ont installé leur indispensable lieu de repli en Somalie, parce qu’ils y trouvent un pouvoir faible, voire quasi inexistant, et dans une certaine mesure complice.

Soyons donc lucides, pour assurer la sécurité des routes maritimes passant par le Golfe d’Aden et ses environs, c’est d’abord la Somalie qu’il faut voir retourner à une gouvernance normale. Reste à savoir comment y parvenir sans nous enliser dans un nouveau conflit.

La situation prévalant dans cette partie du monde, nous permet d’en évoquer une autre, comparable par certains points. Nous voulons parler de l’Afghanistan. Certes, venant de ce pays et sauf bouleversement de la topographie des lieux, nous n’avons pas à craindre de piraterie maritime.

Par contre, nous voyons bien que, là-bas aussi, un pouvoir faible et complice a permis à Al-Qaïda de trouver un repaire pour lancer ses attaques. Quand, en Occident, certains veulent voir partir les forces occidentales sans avoir installé un gouvernement digne de ce nom, nous répondons : si les leçons de l’histoire ne nous suffisent pas, souvenez-vous au moins du 11 septembre 2001.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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