J'AI PEUR POUR LES JUIFS !

6 août 2006

Nous avons tous des amis juifs. Ils sont des hommes comme les autres, sans cesse déchirés entre leurs intérêts propres et les principes de morale arrachés à la gangue de la brutalité de notre espèce.

Nous tous, par nos ancêtres dans l'Histoire, sans doute même à certains moments de notre vie, avons senti le vertige de puissance et le désir de l'assouvir par la force. Alors, pour l'Homme, rien ne compte plus que ses ambitions. Comme possédé, insensible au malheur d'autrui, il est prêt à tous les crimes pour servir ses intérêts.

Encore, pour se rendre plus supportable à ses propres yeux ne parle-t-il pas d'intérêts mais de ses droits. Droit de se défendre, droit divin, droit historique, droit d'occuper des terres dont il a besoin… L'Homme n'a jamais manqué de raisons. Quand elles s'imposent au détriment de l'équité, sans avoir attendu Lafontaine, elles ont toujours en commun d'être la raison du plus fort.

Hypocrites, ces mauvaises raisons savent aussi se dissimuler sous le masque des bonnes intentions. On a vu des armées se lever pour imposer leur foi religieuse à des malheureux qui ne la partageaient pas ou, plus moderne, pour étendre aux autres nations leur philosophie politique. Hier la révolution jacobine, aujourd'hui la démocratie à l'occidentale.

A chaque fois, la haine a répondu à l'agression : haine des chrétiens d'Espagne contre les conquérants musulmans, détestation des Français s'emparant du même pays sous Napoléon, rejet des Anglais dans l'Inde britannique. Toujours la violence, souvent extrême du vaincu, a répondu à l'oppression du plus fort.

Préfigurant les kamikazes du Hamas, les Sicaires juifs, au premier siècle de l'ère chrétienne, se jetaient poignard en main sur les occupants romains de la Palestine pour mourir lardés de coups d'épées. Les Espagnols inventèrent la " guérilla " contre les Français. Les résistants du Ghetto de Varsovie se battirent jusqu'à la mort.

Que nous ayons choisi deux exemples de l'histoire juive, pour évoquer la violence en retour du plus faible, ne relève pas du hasard. Les juifs, mieux que les autres, devraient comprendre les ressorts de cette mécanique. Ils devraient savoir que si le conquérant gagne un moment sur le terrain, non seulement il y perd son âme, mais il ne parvient pas à assurer sa sécurité. Pire, il la fragilise.

Tout le monde a vu la puissance d'Israël écraser un pays sans défense. L'armée libanaise ne dispose pas de moyens anti-aériens capables d'arrêter les avions de l'Etat hébreu. En comparaison de ceux dont Israël s'est dotée, ses blindés ressemblent à des tas de ferrailles destinés aux musées. Quant au Hezbollah, ses roquettes ont fait 26 morts civils chez les Israéliens contre plus de 900 morts, à 90% des civils, tués par l'armée juive du côté libanais. Là encore la supériorité militaire d'Israël est incontestable.

Bien sûr, les Israéliens ont le droit de se défendre. Mais la riposte doit rester proportionnée à l'attaque. Faute de quoi, on la qualifie d'agression. Que dirait-on de la France si, un groupe de Belges flamands ayant enlevé deux de ses soldats, elle bombardait la Belgique pendant des semaines sans avoir cherché à négocier ?

Une fois de plus, cette réponse disproportionnée d'Israël a mis en évidence son irrespect des règles internationales et son mépris des principes moraux qu'elle prétend défendre. Quand les exactions concernaient les Palestiniens, l'émotion restait discrète, tant nous étions habitués à ce conflit vieux de plus d'un demi siècle.

Mais aujourd'hui, il s'agit du Liban. Après quinze ans de guerre, il sortait de quinze ans d'occupation syrienne. Courageusement, il se reconstruisait et se réorganisait. Surtout, tout le monde, en premier les Arabes, a de la considération pour ce petit pays.

Voilà pourquoi l'agression israélienne contre le Liban fait autant horreur et soulève cette colère. Voilà pourquoi, aussi, nous avons si peur pour les juifs. Pas les Israéliens, mais les juifs. Tous les juifs. Car chauffés à blanc par les propagandistes sionistes, la plupart d'entre eux, à l'intérieur ou à l'extérieur d'Israël, s'est laissée convaincre à coups de slogans. Résultat, ils soutiennent sans nuance la politique d'un Etat devenu symbole de cruauté et d'injustice.

Bien sûr, nous évoquons là l'aspect passionnel des choses. Mais combien de jeunes Arabes, déjà mis sous tension par les injustices accumulées, sauront doser leur colère sous l'impulsion de cette ignominie, la destruction du Liban ? Combien d'entre eux, apprendront à faire la différence entre un juif vivant chez nous et un Israélien ? Combien, apprécieront la nuance entre le propagandiste sioniste et sa victime, le juif ordinaire ?

Ce mécanisme de la vengeance, enclenché par les Israéliens, nous le sentons en marche. Après ce coup de pouce donné au destin par les héritiers politiques de Sharon, nous avons décidément très peur pour les juifs.

Aussi, nous supplions tous les juifs conscients des drames qui se préparent de se désolidariser, sans attendre, de la politique de l'Etat d'Israël. Pour leur bien et le bien de l'Humanité.

 

Alain Chevalérias

est consultant au:

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001

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