LES SERVICES JORDANIENS
DÉVOILÉS

mars 2010

Le 30 décembre 2009, un agent travaillant pour les Renseignements jordaniens se faisait sauter à Khowst (Khost), dans un camp de la CIA, en Afghanistan. Cette attaque aurait tué 8 Américains au total, dont plusieurs officiers de renseignement, auxquels il faut ajouter l’un de leurs collègues jordaniens. Son auteur, Abou Mallal, dit Abou Doujana Al-Khorassani (1), est lui aussi jordanien et travaillait comme agent double, pénétrant Al-Qaïda pour le compte des services de son pays.

Nous avions déjà évoqué ce sujet dans l’article « La gestion du risque terroriste ». Le 28 février 2010, préenregistrée sur une cassette vidéo, la confession d’Abou Mallal, annonçant son intention de perpétrer une attaque-suicide contre les officiers de renseignement américains et jordaniens, était publiée sur Internet par les réseaux d’Al-Qaïda. Nous avons traduit in extenso le document et analysé son contenu.

Et Abou Mallal d’expliquer : « Selon Abou Zeid, Ali Bourjak, directeur de la lutte contre le terrorisme en Jordanie, serait le responsable de l'assassinat du cheikh martyr, comme nous le comptons, Abdallah Azzam (2) à Peshawar, il y a environ 20 ans. Après quoi, il avait commencé à monter en grade jusqu'au poste de directeur de la lutte contre le terrorisme ».

À l’analyse, ce document apporte deux types d’informations importantes. D’une part, il affirme les services de Renseignements jordaniens mêlés à la mort de plusieurs responsables « jihadistes ». D’autre part, il nous fait mieux comprendre la personnalité d’Abou Mallal et les circonstances de son recrutement par les services jordaniens.

Sur la cassette vidéo, nous entendons Abou Mallal décrivant sa relation avec son officier traitant, Abou Zeid : «Avec le temps, dit-il, il commençait à me raconter ce qui se passait au sein des renseignements jordaniens. Il m'a dit comment il avait envoyé un officier de renseignement parlant avec l'accent irakien pour infiltrer les musulmans en faisant croire qu'il était un moujahid appartenant au jihad irakien. Le soir du départ pour la cause d'Allah, les forces de l'ordre venaient arrêter les volontaires ». Méthode de pénétration habituelle pour piéger les candidats à l’aventure du jihad.

Abou Zeid, qui sera tué avec les Américains à Khowst, croyait tenir son agent. Il disait à Abou Mallal : « Si tu y vas (NDLR : en Afghanistan) et parviens à tuer n'importe quel chef des moujahidine, tu seras le héros de la Jordanie, comme mon patron Ali Bourjak ».

Abou Mallal poursuit : « J’ai pu aussi apprendre quel rôle avaient joué les services de Renseignements jordaniens dans l'assassinat d’Imad Moughnieh (3), le responsable militaire du Hezbollah. Les Renseignements jordaniens ont tué cet homme en utilisant un espion ».
On entend le kamikaze dire plus loin : « Ce criminel (NDLR : Abou Zeid) m'a aussi avoué avoir tué Abou Moussab Al-Zarqaoui. (4). Les services de Renseignement jordaniens ont dit aux Américains où se trouvait Abou Moussab, selon les dires de ce criminel ».

Informations ou désinformations, est-on obligé de s’interroger ? Tout, comme toujours dans ce type de manipulations, ne saurait être faux. Si nous restons prudent quant à la responsabilité des Jordaniens dans l’assassinat d’Abdallah Azzam, jusqu’à sa mort un allié des Américains, ou dans celui d’Imad Moughnieh, qui n’était pas leur adversaire, nous croyons plus à leur implication dans la mort de leur compatriote Abou Moussab Al-Zarqaoui.

Pour le reste, comprenant mieux la personnalité d’Abou Mallal, nous pensons que services américains et jordaniens ont été imprudents. Si, sommes-nous convaincus, ils sont bien parvenus à recruter le Jordanien, l’envoyant chez l’ennemi en tant qu’agent double, ils ont mal évalué la capacité de manipulation psychologique d’Al-Qaïda. Plus qu’une erreur, une faute dans ce type de guerre.

Notes

(1) On l’appelle aussi Houmam Khalil Mohammad Abou Mallal et Humam Muhammad Al-Balawi
(2) Abdallah Azzam (ou Abdullah Azzam) était un Frère musulman palestinien. Enseignant en Arabie Saoudite, il a été l’un des professeurs du jeune Oussama Ben Laden avant de devenir son inspirateur. Azzam s’est installé au Pakistan pendant l’occupation soviétique de l’Afghanistan. Là, il organisait la base arrière des combattants arabes en partance pour le « jihad ». Il a été tué dans un attentat non revendiqué, en 1989, à Peshawar, au Pakistan.
(3) Imad Moughnieh était un responsable militaire du Hezbollah libanais. Il a été tué dans un attentat à la voiture piégée à Damas le 12 février 2008. Il était soupçonné d’avoir organisé plusieurs attaques terroristes contre les Israéliens et les Occidentaux.
(4) Abou Moussab Al-Zarqaoui ou Zarkawi est lui aussi jordanien. Il a participé à la lutte contre les forces d’occupation en Irak, à la tête d’un groupe proche d’Al-Qaïda, et déclaré un moment chef de cette organisation pour la Mésopotamie. Il a été tué le 7 juin 2006 dans un bombardement effectué par les Américains pour le tuer.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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