SYKES-PICOT
LE PRÉCÉDENT RUSSE

août 2016

C’était 26 novembre 1917. À la suite de la Révolution d’Octobre, Trotski, avait été élevé au rang de commissaire du peuple aux Affaires étrangères. Le nouveau gouverneur de Petrograd lui transmet une copie des accords de Sykes-Picot. Ce dernier n’a pas été communiqué au public. Sa divulgation par les Russes provoque une crise politique en Occident. Quant aux amis des Alliés, ils font mine de ne rien savoir de ces accords.

Pourtant, les dirigeants russes eux-mêmes sont au courant depuis longtemps. Le gouvernement tsariste était partie prenante des accords puisqu’il devait recevoir l’Arménie prise au territoire ottoman. Quant au Chérif de la Mecque, Hussein Ibn Ali, s’il a retourné ses armes contre les Ottomans, c’est justement à cause des accords de Sykes-Picot qui lui promettent la constitution de royaumes arabes sous l’autorité de sa famille.

Trotski n’ignore rien de tout cela. La Russie est engagée aux côtés des Alliés contre l’Autriche-Hongrie et l’Empire ottoman. Depuis juillet, sur le front, l’armée russe a perdu toute initiative. Elle est démoralisée et minée par les désertions. Les Bolcheviques négocient déjà avec les États germaniques et vont accepter l’armistice en décembre. L’année suivante, le 3 mars 1918, ils signeront le traité de Brest-Litovsk, qui les sortira de la guerre au prix de renoncements territoriaux. C’est un retournement.

En habile manipulateur, Trotski sait d’avance que la révélation publique des accords de Sykes-Picot va mettre en difficulté l’Occident, « le camp capitaliste » devenu son ennemi. Même le chérif Hussein, pourtant l’un des principaux bénéficiaires de ces derniers, fait mine de s’indigner, s’associant à la rue et aux tentes arabes ulcérées du partage de leurs terres entre les Occidentaux.

Aujourd’hui, Vladimir Poutine s’inscrit dans la lignée de Trotski quand il instrumentalise les accords de Sykes-Picot, les présentant comme la cause de la crise moyen-orientale. À l’image du leader bolchévique, il cherche à jeter le discrédit sur la France et la Grande-Bretagne pour les neutraliser dans le dossier syrien. En Occident, ceux qui l’approuvent font son jeu.

Jean Isnard

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 
 
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