LE MAÎTRE CHANTEUR
DE DAMAS

juillet 2007

Le 13 juin, à nouveau, un député libanais anti-syrien, Walid Eido, était tué dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth. Le 24 juin, cinq Casques bleus positionnés au Sud Liban tombaient dans une autre attaque. Ce dernier événement apparaît comme un nouveau pas dans le processus de terreur.

Depuis plusieurs années, les alliés de Damas s'étant gardés de s'en prendre aux Occidentaux et à fortiori aux Nations unies. L'alerte monte d'un cran.

"Le Centre Recherches ", dans plusieurs articles depuis le mois de janvier, a mis en valeur le rôle de mentor joué par la Syrie auprès du Fatah Al-Islam, organisation islamiste, dont les hommes combattent l'armée libanaise depuis le 19 mai, dans la banlieue de Tripoli.

Pourtant, selon le journal israélien " Yédiot Aharonot ", Ehud Olmert, Premier ministre de l'État hébreu, aurait récemment adressé des messages secrets pour inviter la Syrie à conclure la paix avec Israël (1). Il serait même prêt à rendre le plateau du Golan en échange d'un accord. Certes, un jour ou l'autre, il faut faire la paix, même avec ses pires ennemis.

Mais pourquoi maintenant ? Quand, pour la première fois en trente ans, s'accumulent les indices permettant d'accuser Damas dans nombre de crimes perpétrés au Liban. Quand, enfin, les Nations unies et le gouvernement libanais ont convenu ensemble de créer une cour internationale, afin de faire la lumière sur l'assassinat de Rafic Hariri et de ses compagnons.

Car il faut relire l'histoire. Le 13 novembre 1970, Hafez El-Assad s'emparait du pouvoir en Syrie. Militaire, se piquant en outre d'idées de gauche, il instaura un régime autoritaire. Ses ambitions ne s'arrêtaient cependant pas à son pays. Le Liban, s'était-il convaincu, faisait partie de la Syrie et, pendant tout son règne, il n'eût de cesse de l'inféoder à Damas.

Tout fut bon pour cela. Assad commença par manipuler les Palestiniens réfugiés au Liban, les dressant contre les chrétiens du pays pour provoquer une guerre civile. Puis, en 1976, quand cette dernière avait éclaté depuis près d'un an, il envoya l'armée syrienne à l'appel de Yasser Arafat et de ses alliés musulmans, comble du cynisme, en prétendant intervenir à l'appel des chrétiens (2).

Mais cela ne suffisait pas pour imposer la loi syrienne. Afin de briser la résistance chrétienne à l'anschluss de Damas, Assad instaura sur le Liban un régime de terreur auquel, pour être honnête, nombre de Libanais prêtèrent la main. Outre des attentats meurtriers, les assassinats politiques se multiplièrent : En 1977, le chef de la communauté druze Kamal Joumblatt, en 1981, l'ambassadeur de France Louis Delamare, en 1982, le nouveau Président de la République libanaise Béchir Gémayel, plus tard, en 1989, le Président René Moawad, et en 1990, le leader chrétien Dany Chamoun et sa famille.

Aucune procédure judiciaire n'a été entamée pour sanctionner les coupables ou les dénoncer sinon, dans le cas Chamoun, pour attribuer la responsabilité du carnage à des gens qui en étaient innocents, les hommes de Samir Geagea (3). Cependant, à chaque fois, un faisceau d'indices dirigeait les soupçons sur la Syrie.

En septembre 1989, pourtant, réunis à Taëf, les députés libanais étaient invités par les pays arabes, mais aussi par la France et les États-Unis, à signer un accord donnant à la Syrie mandat sur le Liban. C'était mettre à la tête du poulailler le renard qui s'y était introduit.

Au prix de la marginalisation des chrétiens, rétifs à cette domination, la Syrie ramena néanmoins une paix relative. Jusqu'à ce que les sunnites du pays, sous la direction de Hariri, ne décidassent à leur tour de secouer la férule de Damas gouverné par le fils Assad.

Aussi, le 14 février 2005, quand l'ancien Premier ministre mourait dans un attentat, cela apparaissait bien comme une sanction. Maladroitement, les Syriens se retirèrent alors du Liban sous la pression des manifestations, avouant ainsi leur culpabilité, mais sans comprendre que les temps avaient changé. Toujours sans que les commanditaires soient identifiés, une vague d'attentats cibla en effet la région chrétienne du Liban. Message subliminal saisi par tous, le retour à la sécurité dépendait de l'annulation de la cour internationale chargée de juger les responsables de la mort de Rafic Hariri.

Voilà pourquoi, aujourd'hui, l'avancée d'Olmert en direction de la Syrie est particulièrement odieuse. Parce que cette offre de paix ne s'adresse pas à un pays revenu de ses erreurs, mais à un État qui appuie sa politique sur le chantage au terrorisme.

 

Notes

(1) D'après une dépêche de l'AFP datée du 8 juin 2007.
(2) Nous invitons, sur ce point, à lire le livre " Guerres secrètes au Liban " de Annie Laurent, publié chez Gallimard. Nous sommes arrivés aux mêmes conclusions au cours de nos enquêtes.
(3) Présent sur le terrain au moment des faits, et après analyse des pièces du procès, nous parlons en connaissance de cause.

 

 Baalbek,ou le Temple de BacchusRuines de Baalbek (Liban), temple dédié à Jupiter
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bachar el Assad, le Président syrien. Réélu en juillet 2007 à 97,8% pour un nouveau mandat de sept ans
 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rafic Hariri, Premier ministre du Liban, a été assassiné le 14 février 2005
 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pierre Amine Gemayel, alors ministre de l'Industrie et député, est mort dans un attentat le 21 novembre 2006.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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