LIBAN :
L’ASSASSINAT COMME ARME POLITIQUE

octobre 2007

Le 25 septembre 2007, le Parlement libanais ouvrait ses portes aux députés pour leur permettre de procéder à l’élection du Président de la République.

Au premier tour, pour ce faire, un quorum de deux tiers des législateurs est nécessaire. Au bout de quinze minutes, on ne comptait que 75 députés. Le quorum n’étant pas atteint, le président du Parlement, Nabih Berry (Berri), déclarait la séance ajournée au 23 octobre.

Vu d’Occident, l’affaire paraît anodine. Il s’agit en réalité d’une partie de bras de fer, entre deux partis, pour imposer un Président de la République.

Il faut savoir, qu’au Liban, dans le cadre de la répartition du pouvoir entre les principaux groupes religieux du pays, la fonction de Premier ministre revient à un sunnite, celle de chef du Parlement à un chiite et la magistrature suprême à un chrétien maronite.

Il faut savoir aussi, le Liban aujourd’hui confronté à une crise politique existentielle. Le pays est divisé en deux groupes. D’un côté, il y a le plus grand nombre des chiites, dans les faits à l’écoute du Hezbollah, et des groupuscules gauchistes peu représentatifs. De l’autre, la grande majorité des sunnites, des druzes et une partie des chrétiens.

Hassan Nasrallah et Ali Khamenei

Le Hezbollah brandit le drapeau d’une relation privilégiée, pour ne pas dire de soumission, avec la Syrie. Il va dans le sens de l’alliance stratégique entre ce pays et l’Iran, la puissance tutélaire des chiites du Liban.

L’autre groupe, derrière les sunnites de la famille Hariri, défend l’indépendance du Liban face à Damas.
Mais il y a un paradoxe. Côté Hezbollah, assis sous les kalachnikovs du Parti d’Allah, un homme siège, le général Michel Aoun qui, pendant la guerre civile, passa pour l’esprit de la révolte contre l’envahisseur syrien.

A première vue, cette position est incompréhensible. Sauf si, descendant Aoun de son piédestal, on le réduit à sa dimension humaine. En 2005, au lendemain de l’assassinat de Rafic Hariri, rentrant d’un exil de plus de quinze ans, il croyait l’opposition à l’occupation syrienne prête à faire de lui son chef, avant de l’élever au pinacle présidentiel en raison de son appartenance à la communauté chrétienne maronite.

Mais là, terrible déconvenue : il s’entendait appelé à être l’un des leaders du camp du refus des Syriens, et non son chef incontesté. Proie longtemps convoitée, il voyait la Présidence de la République lui échappant.

Affiche réunissant Aoun, Nasrallah et Berri

Le Hezbollah sut alors profiter de la frustration de Aoun. Il lui offrit une alliance et lui promit de l’élever à la dignité présidentielle. Le général acceptât, apportant la partie de son électorat qui voulut bien le suivre, dans le panier de ce mariage contre nature, entre un chrétien et le serviteur de l’Iran islamiste.

Calcul de bas étage et aveuglement avaient coupé la communauté chrétienne en deux. Pourtant, aux élections législatives de 2005, une majorité se dessina contre la Syrie, réduisant le Hezbollah et ses séides à l’état de minorité parlementaire.

Mais perdre une bataille ne veut pas dire perdre la guerre. Minoritaire dans les suffrages, le Hezbollah n’en était pas moins décidé, à n’importe quel prix, à placer quelqu’un de son choix à la magistrature suprême.

Pour ne retenir que l’essentiel, on passera sur les petites « embrouilles », destinées à perturber le jeu politique, comme la provocation d’une guerre, avec Israël, en juillet 2006.

Pour l’essentiel, le Parti de Dieu se sert du chantage, menaçant le Liban de blocage institutionnel. Le 25 septembre, il a utilisé cette tactique en faisant étalage de sa capacité de nuisance : sur les 75 députés présents, sept seulement n’appartenaient pas à la majorité. Sans leurs élus, disaient ainsi le Hezbollah et ses alliés, n’atteignant pas le quorum des deux tiers de participants, on ne pouvait pas élire de Président de la République. En clair, le camp pro syrien exigeait de la majorité un candidat de consensus, sur lequel il pourrait exercer des pressions.

Mais il y a pire, l’arme du terrorisme. Le 19 septembre 2007, Antoine Ghanem était tué dans un attentat. C’était le quatrième député anti-syrien abattu en moins de deux ans. On déchiffre là une arithmétique terrible. Des gens, au Liban et peut-être en Syrie, pratiquent une sorte de démocratie à rebours, cherchant à changer la majorité parlementaire en exterminant ceux qui les gênent.


Face à cette ignominie, l’Occident se contente de communiqués de circonstance. Comme si la prétendue guerre contre le terrorisme ne devait toucher que les pays pétroliers.


Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le Terrorisme Depuis le 11 Septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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